Dans cet entretien, Abdeladim Benallegue analyse le coût économique des accidents de la circulation. Tout en relevant l'absence de données exhaustives à ce sujet, il indiquera que l'hécatombe routière a engendré pour l'année 2013 des pertes de l'ordre de 120 milliards DA pour les accidents corporels, et de 10 milliards DA pour les accidents matériels. Un bilan dressé sur la base des chiffres rendus publics par le Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPRS) sur le nombre d'accidents et celui des victimes. Existe-t-il des études détaillées sur l'évaluation du coût économique des accidents de la route ? Le ministère des Transports a fait réaliser une étude d'estimation du coût des accidents de la route, en 1999-2000, par le Bureau d'étude des transports urbains BETUR (bureau du Métro d'Alger). Cette étude était considérée comme la première approche de la problématique du coût de revient réel des accidents de la route, pour la collectivité nationale, en le distinguant du simple coût financier supporté par les assureurs. Cette démarche a concerné un échantillon de 500 accidents survenus au niveau des 4 wilayas du Centre. Les résultats obtenus ont été extrapolés aux accidents survenus au niveau national. Cette étude a permis d'évaluer l'ampleur de la catastrophe économique subie par la collectivité nationale. Elle devait être suivie par d'autres études englobant toutes les régions et plus poussées pour appréhender les points dits «noirs» ayant enregistré plusieurs accidents. Depuis cette période, de nombreux paramètres de référence (SNMG, coûts des véhicules et de la pièce de rechange, médicaments…) ont évolué. Néanmoins, l'étude a le mérite de constituer une base d'actualisation au contexte actuel pour approcher le coût des accidents de la route à fin 2013 et de susciter l'intérêt des autorités concernées par la problématique (Transports, Intérieur, Santé, Travaux publics, Environnement, Industrie, Finances, affaires religieuses, etc.), ainsi que la société civile pour inscrire le phénomène dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre ce fléau considéré même comme un «terrorisme routier». Quel est en moyenne le préjudice financier des accidents de la circulation ? Il faut noter qu'au cours des 40 dernières années (depuis 1970), la collectivité nationale a enregistré des statistiques effarantes dans ce domaine, avec pas moins de 157 443 décès, constatés souvent sur les lieux mêmes de la survenance des accidents, 1 877 805 blessés de degré d'atteinte divers pouvant être aggravé par une prise en charge incorrecte lors de leur transfert. De nombreux blessés (environ 3000/an) finissent également dans les hôpitaux spécialisés pour de longues durées de rééducation fonctionnelle. «Ces statistiques» ont été provoquées par 1 473 114 accidents survenus au cours de cette même période sur l'ensemble du territoire national. Il faut ajouter à ces chiffres relatifs aux seuls accidents corporels (impliquant des victimes), un nombre d'accidents matériels qui dépasse le million de déclarations de sinistres chaque année auprès des différentes compagnies d'assurance. Ainsi, le préjudice financier des accidents de la circulation est estimé, pour 1999, à 35 milliards de DA. Selon une autre étude réalisée par l'Université de Mostaganem au profit du CNPSR, vers la fin des années 2000 le montant serait encore plus important et avoisinerait les 65 milliards DA, concluant que «c'est une véritable hécatombe». Le niveau des pertes économiques pour le pays engendrées par les accidents de la route pour l'année de 2013, compte tenu du bilan des accidents publié par le Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR), dépasserait les 120 milliards DA pour les accidents corporels (ceux ayant enregistré des victimes, décès et/ou blessés), auxquels s'ajouteront plus de 10 milliards DA pour les accidents matériels (non sanctionnés par des procès-verbaux des autorités). Le préjudice financier global serait, ainsi, de plus de 130 milliards DA (environ 1,3 milliard d'euros) pour 2013. Il est important de noter que les évaluations en question sont fondées sur la «Méthode du Capital Humain compensé», qui tient compte des coûts marchands directs liés aux coûts (médicaux, sociaux, matériels et les frais généraux des diverses administrations) et les coûts marchands indirects (liés à la perte de production future des accidentés décédés et la perte de production temporaire des accidentés blessés). L'approche des assureurs repose sur les coûts non marchands fondée sur l'évaluation des préjudices causés aux victimes. Avec l'augmentation des accidents de la circulation, comment font les compagnies d'assurance pour compenser les pertes ? En effet, le nombre d'accidents est en hausse et le coût financier pour couvrir les indemnisations subit la même tendance, accentué par l'inflation des éléments de référence. Toutefois, les compagnies d'assurance n'affichent pas de pertes au bilan. Dans le cadre du rapport 2014 du ministère des Finances relatif au secteur des assurances, les primes collectées au titre de la branche automobile s'élèvent à plus de 61 milliards DA, comparées aux sinistres réglés de l'ordre de 40,5 milliards DA. Il est bien possible que la garantie Responsabilité civile (RC) du fait que les tarifs y afférents n'ont pas évolué depuis 2002, ne soit pas équilibrée mais les garanties dommages (assurances facultatives) compensent le différentiel. Qu'en est-il des moyens mis en place pour assouplir l'indemnisation les victimes, notamment en cas de dégâts corporels ? La loi 06-04 de février 2006 qui a modifié et complété l'ordonnance 95-07 de janvier 1995 relative aux assurances a prévu une disposition relative à l'indemnisation constituée de pénalités de retard égales au taux de réescompte par journée de retard au-delà d'un délai d'un mois pour le traitement de la déclaration de sinistre. Cette disposition est mentionnée dans les conditions générales des contrats d'assurance. Pensez-vous qu'il y a lieu d'aller vers l'augmentation des tarifs de l'assurance automobile ? Cette question est liée à celle évoquée ci-dessus concernant l'assurance pour responsabilité civile. En vue d'examiner la recevabilité d'une telle sollicitation formulée régulièrement par le secteur des assurances auprès du ministère des Finances, le dossier est actuellement soumis à l'appréciation d'un bureau d'étude d'experts en actuariat. Dans le cas où les résultats obtenus confirment la nécessité d'actualiser le tarif pour préserver l'équilibre de la branche, il sera soumis à l'autorité compétente, dans le cas contraire, le tarif en vigueur sera maintenu.