L'intention du gouvernement de recourir à une LFC-2015 pour tenter de contrer les effets de la baisse drastique des prix du pétrole n'a rien d'exceptionnel et ne peut être la panacée pour sortir le pays de la mauvaise posture dans laquelle il se trouve du fait de sa trop forte dépendance aux exportations des hydrocarbures. Sous réserve de connaître précisément quelles sont les mesures que le gouvernement projette de mettre en place prochainement, l'économiste Cherif Belmihoub, consultant et professeur en management et développement industriel, estime, dans une déclaration à El Watan, qu'il n'y a «aucune originalité à proposer une loi de finances complémentaire, surtout que la pratique est quasi constante depuis 1995». L'expert souligne qu'il reste à savoir : «Quelles sont justement les mesures précises que compte adopter le gouvernement ?» Tout en notant que «celles-ci ne seront certainement pas spectaculaires, étant donné les accords liant l'Algérie à l'Union européenne (UE) et aux pays arabes dans le cadre de la Grande zone arabe de libre échange. Des accords qui sont supérieurs aux lois nationales». Ce qui limite considérablement la marge de manœuvre du gouvernement dans sa tentative de réduire les importations. Abdelmalek Sellal a annoncé, lors de la conférence sur le commerce extérieur qui s'est tenue à Alger, que «dans les mois à venir une loi de finances complémentaire sera présentée au Parlement en vu de prendre des décisions en faveur d'une meilleure maîtrise du commerce extérieur et de l'économie nationale en général». Or, M. Belmihoub estime que «le gouvernement ne peut soumettre à de fortes contraintes ses partenaires étrangers, avec lesquels il est lié par des accords commerciaux internationaux», ajoutant que «la seule possibilité d'action, que semble évoquer M. Sellal dans son discours, reste celle d'imposer aux opérateurs locaux des contraintes bureaucratiques pour réduire les importations». Le ministre du Commerce a en effet reconnu, dans son intervention lors de la conférence sur le commerce extérieur, que «la réduction de l'impact de la chute des prix du pétrole sur les équilibres financiers, qui passe par la rationalisation des importations (…), ne doit pas aller à contresens des engagements internationaux et régionaux de l'Algérie, ni tomber dans le piège de la gestion bureaucratique et administrée du commerce extérieur». La situation dans laquelle se retrouve actuellement le gouvernement est pour le moins délicate, surtout que rien n'a été entrepris, ou presque, pour mettre en place les mécanismes de protection de l'économie nationale, malgré un contexte d'aisance financière ayant précédé l'actuelle chute abrupte des prix du pétrole. Un manque d'anticipation et de réactivité qui oblige l'Exécutif à s'initier à l'équilibrisme pour tenter de limiter les dégâts. La seule mesure tangible prise jusqu'à présent concerne le texte de loi sur les licences d'importation, actuellement sur le bureau du Parlement. Un texte que le Premier ministre a évoqué hier en plus de la création d'un «fichier des importateurs et des exportateurs sérieux et fiables, branche par branche, produit par produit, et pays par pays pour contrer les tricheurs et limiter les importations frauduleuses». Présent à la conférence sur le commerce extérieur, le directeur général des Douanes, Mohamed Abdou Bouderbala, a considéré, selon l'APS, que les facilitations introduites par les pouvoirs publics, durant ces dernières années, avaient favorisé plus les importations que les exportations, citant, comme exemple, les mesures de facilitation liées à la mise en place du couloir vert et le contrôle a priori et a posteriori dans le domaine douanier. Pour sa part, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, a indiqué, lors d'une intervention à la conférence nationale sur le commerce extérieur, que son institution va renforcer son dispositif de contrôle des opérations de financement du commerce extérieur, avec un accent particulier sur le contrôle des opérations à risque. Pour l'année 2015, «un accent particulier sera mis sur le contrôle des opérations d'importation à risque, c'est-à-dire celles réalisées à partir de certains pays dont les systèmes fiscal, douanier et antiblanchiment sont notoirement réputés pour leur laxisme et leur tolérance», a ajouté M. Laksaci. Il a également annoncé «le renforcement de l'évaluation approfondie des dispositifs de contrôle interne des banques en vue ‘‘de s'assurer de la conformité de leurs procédures internes en matière de traitement des opérations aux prescriptions en vigueur''». Le gouverneur de la Banque d'Algérie a souligné la nécessité de favoriser la compétitivité externe mais également la stabilité, de renforcer davantage les fondamentaux du taux de change, d'adopter de nouvelles mesures pour développer le marché interbancaire de change et de réactiver les opérations sur le marché monétaire interbancaire dans la perspective d'un retour des banques au refinancement. Pour le représentant de la Banque mondiale en Algérie, Emmanuel Noubissie Ngankam, l'économie algérienne, qui fait face à un déficit budgétaire et à celui de la balance des paiements en raison de la structure du commerce extérieur, rencontre deux problèmes majeurs liés à la diversification de ses exportations et à l'efficience de sa compétitivité extérieure. Ce manque de compétitivité structurelle, selon le représentant de l'institution de Bretton Woods, se traduit notamment par des difficultés à imposer les produits algériens sur les marchés internationaux.