La campagne de promotion du produit national n'a pas bouleversé les habitudes de consommation des Algériens. Cette campagne lancée en grande pompe par les pouvoirs publics n'est pas effective au niveau des marchés. Son impact n'est pas visible, à en juger par les articles mis dans les paniers à courses. Nous avons toujours consommé local pour ce qui est des produits alimentaires, mais pour l'habillement et l'électroménager, ce choix n'est pas évident», soutient un père de famille. Hier, premier jour de la campagne lancée par le ministère du Commerce, soutenue par l'UGTA et le patronat, «il n'y a pas eu de grand changement dans les habitudes d'achat», révèle un commerçant de la rue Rouchai Boualem, à Belouizdad. «J'ai vendu les mêmes types d'articles que d'habitude. Pour les produits alimentaires, pâtes et conserves, mes clients optent plutôt pour le local ; pour les détergents, la préférence est évidente pour les produits importés», explique le gérant d'une superette de ce même quartier populaire. «On ne peut pas changer les habitudes des Algériens avec des slogans», explique un père de famille. Les ménages algériens consacrent une part importante de leurs revenus à l'alimentation. Le choix de l'origine des produits est dicté par les capacités de chaque ménage. Les produits alimentaires locaux sont généralement appréciés pour leurs prix compétitifs comparés à ceux importés. Un vœu pieux Pour l'habillement et les chaussures, les consommateurs ne semblent pas trop hésiter. Les articles d'importation ont meilleure cote que ceux fabriqués localement. Il est certain que la multitude des coupes, couleurs et matières ainsi que la disponibilité définissent le choix. «Les produits locaux, même s'ils sont fabriqués à base de matières de qualité, sont délaissés en raisons du choix limité en design ou en coupe», explique le gérant d'un magasin de chaussures fabriquées localement. «Ce modèle de chaussures en cuir ne dépasse pas les 1200 DA, mais leur style est un peu dépassé et peu de couleurs sont disponibles ; elles sont loin de ressembler à celles actuellement en vogue», regrette le vendeur qui montre des clients en train d'essayer des chaussures nettement plus chères mais plus branchées. «Le made in Turkey fait actuellement fureur, avec des préférences pour les produits de l'UE. Mais, là encore, c'est le prix qui détermine le choix», explique un gérant de magasin de prêt-à-porter à Alger-Centre. C'est au niveau de l'électroménager que les clients hésitent le plus. «Faut-il acheter ce réfrigérateur sud-coréen ou celui-là, de notre chère Eniem ? Le choix n'est pas facile, explique le commerçant. Mes clients sont généralement guidés par les offres des opérateurs en matière de service après-vente. Les gens préfèrent de loin les marques localement fabriquées pour la disponibilité des pièces de rechange.» Une mère de famille explique que les produits locaux n'ont rien à envier à ceux de l'étranger : «Les marques installées localement produisent autant de modèles et de couleurs. Cela nous fait plaisir de constater que le téléviseur écran plasma fabriqué en Algérie n'a rien à envier à celui d'importation.» Seulement, pour booster la consommation de produis algériens, il faudrait des formules pour privilégier ce choix, notamment par le rétablissement du crédit à la consommation et le soutien des initiatives des producteurs privés pour l'amélioration de la qualité de leurs produits. Informel Un appel est également lancé par l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) qui a déjà préparé une série de propositions pour la limitation des importations dans les segments électroménager et agroalimentaire. Les représentants des commerçants révèlent que les initiateurs de cette campagne n'y ont pas associé les commerçants. L'UGCAA appelle à la levée des barrières entre le producteur local et les consommateurs en intensifiant les points de stockage et en réalisant des surfaces commerciales. Aussi, la préférence doit également être concrète en matière de fiscalité. «Beaucoup de dysfonctionnements en matière d'impôts font que les investisseurs se tournent vers l'importation plutôt que la production, qui devient plus coûteuse. Si les producteurs nationaux accèdent à des avantages en la matière, il est clair que la répercussion sera effective sur les prix des produits», explique-t-on à l'UGCAA. Les points de vente informels, qui pullulent au niveau des quartiers, sont le rempart des importateurs qui n'éprouvent aucune difficulté à écouler leur marchandise à des prix compétitifs. La promotion du produit national doit être la préoccupation du gouvernement, qui devrait inciter les banques à encourager la production locale et non la réduire à un slogan, le temps d'une campagne.