La notion de territoire que les urbanistes et sociologues définissent comme un «espace dans lequel une société dotée d'un certain niveau de cohérence et de lien avec les éléments constitutifs de ce territoire évolue», a-t-elle un statut affirmé dans les stratégies et politiques urbaines en Algérie ? s'interroge le professeur des universités Nadji Khaoua, de la faculté des sciences économiques - université Badji Mokhtar de Annaba. Pour ce maître de recherches, la persistance de la crise de la planification centralisée a figé toute possibilité d'avancement sur ce terrain. «Le débat sur la formation des plans d'aménagement semblait dès l'origine vicié par la reconfirmation presque évidente de l'impossibilité de renoncer, par l'Etat, à la prérogative de ‘‘sujet unique'' de gouvernement de territoire», insistera-t-il. Ce qui s'est traduit sur le terrain par la clochardisation de la quasi-totalité des villes algériennes, Annaba à des dimensions plus prononcées. A son comble, l'urbanisation spontanée galopante et anarchique a, en effet, transformé Annaba — dont la beauté avait par le passé inspiré de célèbres architectes mondiaux — en une ville laide, indomptable, qui défie les pouvoirs publics les plus intransigeants. Pis, sans gouvernail et sans capitaine, elle renvoie l'image d'une cité qui tangue tel un «bateau ivre», ne sachant plus quel cap il faut prendre pour atteindre la terre ferme. Et, c'est peut-être parce qu'il en est conscient que le directeur général de l'Etablissement public d'aménagement de la nouvelle ville — Epic Draâ Errich — et ses collaborateurs entendent matérialiser leur Plan d'aménagement et faire de ce nouveau territoire une cité moderne qui ne tournera pas le dos à Annaba. Il s'agit surtout, selon eux, de «donner à Draâ Errich les fonctions de la ville comme espace de création et de multiplication des richesses, un espace de créativité culturelle, de solidarité nationale et un espace où se conjuguent croissance économique et préservation de l'environnement». D'où les appellations «Avenue Agenda 21», Eco Quartier et les noms tirés d'un fichier de la faune et de la flore propres à la localité retenus pour la future nouvelle ville Draâ Errich. Le lien entre celle-ci et l'Agenda 21 ? «L'Agenda 21— plan d'action pour le XXIe siècle adopté, en 1992, par 178 Etats dont l'Algérie, lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro — est le nom que nous avons choisi pour l'avenue principale, épine dorsale de la future ville nouvelle. Notre ambition est de pouvoir intégrer aux projets locaux prévus toutes les composantes du développement durable : équilibre entre le court et le long termes, conciliation des exigences économiques, sociales et environnementales, prise en compte des enjeux locaux et globaux et développement écologiquement et socialement responsable», rétorque M. Bouguddah. Aussi, ajoute-il, en matière de développement proprement dit (tourisme, culture, science…), «nous misons sur les atouts naturels du site qui offrent des opportunités pour développer les activités du tourisme balnéaire, la plage la plus proche Aïn Rihanna à 15 km et tout le littoral Chetaïbi, la Marsa situés à une trentaine de kilomètres. Le tourisme de montagne où l'altitude atteint par endroits 420 m. Une ville universitaire et de recherche, enfin une ville verte, c'est ce que nous ambition de mettre sur pied». Ainsi, ce responsable semble avoir pris note, et en gros caractères, des propos d'un ancien ministre de la ville, une sorte d'aveu sur l'incapacité de nos décideurs à se conformer à l'engagement international Agenda 21 : «… Pour toute extension de la ville, il faut trouver un indice de croissance économique. Malheureusement, aujourd'hui nous n'avons pas des outils de développement urbain dans le sens de l'Agenda 21», reconnaissait en 2005 ce ministre. Mieux, avouera-t-il encore, «chez nous, nous n'avons pas produit des villes mais des millions de logements, des routes, des équipements et des infrastructures». Depuis, dix ans ont passé et le tout-logement, la charcuterie urbaine et le massacre de l'environnement se poursuivent magnifiquement et ils ont encore de beaux jours devant eux.