Séance de déballage débridé hier avec Hassiba Boulmerka et Noureddine Morceli. Les deux légendes du sport algérien, présentes à Constantine où elles parrainent la quatrième édition du Challenge des courses de demi-fond, ont su mettre les mots qu'il faut sur les maux de l'athlétisme et du sport algérien en général. Plus prolixe et fidèle à son caractère de révoltée, l'enfant de Constantine, Hassiba Boulmerka, a dressé un tableau noir de la situation de l'athlétisme. «Nous étions 33 000 à l'époque où je courrais, aujourd'hui il ne reste que 3000 licenciés.» Edifiant ! La double championne du monde estime que ce recul du nombre des athlètes exprime le désastre dans lequel se trouve la discipline qui, pourtant, a offert à l'Algérie de nombreux et prestigieux podiums, plus que le football, en tout cas. Pourtant, il n'y en a que pour le football, a-t-elle commenté en saluant au passage El Watan, «un journal pour tous les sports», a-t-elle dit, pour l'enquête sur les excès du football professionnel et les chiffres publiés dans notre édition de jeudi dernier. Elle en a aussi voulu aux médias qui s'investissent uniquement au profit du «sport roi». «Du point de vue médiatique, les autres sports sont devenus minoritaires», a déclaré l'ancienne reine du 1500 m. Le constat est accablant. L'Algérien ne pratique plus de sport et l'Algérie ne donne plus de champions, ou presque, depuis 15 ans. Et pour cause, la domination de l'esprit de profit, et la mise en oeuvre de beaucoup trop de politiques sportives, souvent contradictoires, a expliqué la conférencière. «On ne peut pas développer le sport à partir du Comité olympique et des fédérations. Le développement doit se faire d'en bas. A ce jour, les politiques employées n'ont pas donné de résultats», a souligné Boulmerka, en se référant aux promesses non tenues par Hachemi Djiar et son successeur Mohamed Tehmi, au ministère des sports. «Nous avons beaucoup à faire, mais nous n'avons pas encore commencé», a-t-elle conclu. Pour sa part, Morceli a invité les responsables du sport à éviter les malentendus et les conflits, qui souvent, a-t-il signalé, ont des conséquences fâcheuses sur l'athlète. TOUS DEMISSIONNAIRES ! Blasée, Boulmerka n'a pas manqué de signaler «l'ingratitude» qui frappe les champions algériens, aujourd'hui oubliés, voire marginalisés par l'establishment, «alors que dans des pays où la gestion du sport est efficace, ces champions sont entretenus, pour qu'ils servent de symboles aux plus jeunes, et exploités pour leur grande expérience», a-t-elle dit. Elle s'est indigné aussi du fait que l'association qu'elle parraine, Mawahib Atletic Constantine (MAC), qui organise à Constantine le meeting des courses de demi-fond, soit obligée de tout faire et d'assumer son travail et celui des autres. «Nous sommes censés détecter les talents et les éduquer. Normalement, ce n'est pas notre vocation d'organiser des compétitions, c'est celle de la Ligue d'athlétisme et de la fédération. Mais tous sont démissionnaires», a-t-elle confié. Connue pour son franc-parler, Hassiba a fait montre d'amertume face aux nombreuses déceptions. Elle a joint cependant sa voix à celle de Morceli pour appeler au sursaut du sport algérien en espérant que la déclaration du nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports, Abdelkader Khomri, qui a affirmé récemment que le sport scolaire doit être obligatoire, soit traduite sur le terrain. Boulmerka et Morceli estiment que le retour aux bonnes pratiques des années 1970-80 est la voie idéale pour redresser le sport. Le sport scolaire et les associations font le travail de pépinières, les clubs chapeautés par l'élite et contrôlés par les DJS, ont le rôle de fabriquer des athlètes de compétition, voilà le schéma. Le 4e Challenge des courses de demi-fond se tient depuis hier au stade Chahid Hamlaoui à Constantine. Les résultats seront livrés dans notre prochaine édition.