Les djihadistes du groupe autoproclamé Etat islamique ont repris pied hier dans la ville kurde de Kobané, ils y ont mené trois attentats-suicide à quelques heures d'intervalle. Par ailleurs, pas moins de 23 Kurdes ont été exécutés à Hassaké et 12 rebelles ont été décapités à Damas. Ainsi le bilan des victimes s'élève à plusieurs dizaines de morts en une journée. Le groupe Etat islamique a mené hier trois attentats-suicide à la voiture piégée dans deux villes du nord de la Syrie, reprenant pied à Kobané, symbole de lutte contre les terroristes, où ils avaient subi, en janvier dernier, leur pire revers depuis le début de leur expansion en Syrie. Le premier été perpétré près du poste-frontière turc de Mursitpinar vers 5h, tandis que les deux autres ont frappé la même zone, située dans le nord de Kobané, entre midi et 13h locales, a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Au moins 20 personnes ont été tuées dans ces violences, 8 radicaux et 12 civils et combattants kurdes, selon l'OSDH. Les trois attentats ont été perpétrés par des kamikazes conduisant des voitures piégées. Les combats faisaient rage en début d'après-midi dans le centre de Kobané entre les éléments de Daech et les forces kurdes, qui ont dépêché des renforts, après l'attaque surprise du groupe extrémiste à l'aube. Les autorités turques ont, pour leur part, recensé dans les hôpitaux de Suruç, la ville frontalière turque qui fait face à Kobané, 4 morts et 96 blessés parmi les personnes transportées sur le territoire turc après l'attaque. Les éléments de Daech se sont infiltrés à Kobané, en «portant l'uniforme des Unités de protection du peuple kurde (YPG)», la principale milice kurde armée en Syrie, a indiqué l'ONG. Selon le militant kurde Arin Shekhmos, «les éléments de l'EI sont entrés à partir de la Turquie à travers le poste-frontière et ses environs, en portant des uniformes de YPG». «C'était tôt le matin, personne ne les a vus», a-t-il dit, en critiquant l'attitude de la Turquie. Ajoutant que «cette attaque est une vengeance de la part de l'EI après ses revers sur plusieurs fronts face aux forces kurdes et leurs alliés rebelles», faisant référence aux défaites subies par Daesh depuis plus d'une semaine, dans le nord de la Syrie face aux YPG, qui lui ont arraché Tall Abyadh, ville frontalière de la Turquie, et la Brigade 93, base importante à 56 km au nord de Raqa, principal fief des extrémistes en Syrie. Par ailleurs, des djihadistes de l'organisation extrémiste ont exécuté 23 Kurdes syriens, y compris des femmes et des enfants, dans un village aux environs de Kobané. «Les combattants de l'EI ont exécuté par balles au moins 23 personnes dans le village kurde de Barekh Boutane, y compris des femmes et des enfants, et des résidents qui avaient pris les armes pour combattre l'EI», a indiqué Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme. «L'EI commet un massacre à Barekh Boutane, tuant une vingtaine de civils», a indiqué de son côté le militant kurde Arin Shekhmos. Le groupe terroriste s'est ainsi emparé, pour la première fois, de deux quartiers à Hassaké, la capitale provinciale, au nord-est du pays, partagée entre le régime et les forces kurdes. Propagande L'EI y avait entamé une offensive le 30 mai, mais avait jusqu'à présent été repoussé. De son côté, la Turquie a qualifié hier de «propagande» les allégations kurdes selon lesquelles les djihadistes du groupe Daech étaient passés par son territoire et a catégoriquement démenti l'information, ainsi que l'ont affirmé les forces kurdes. «Les éléments en notre possession prouvent que les membres de cette organisation se sont infiltrés à Kobané depuis Jarablus en Syrie», a assuré le bureau du gouverneur de la province de Sanliurfa. «Les allégations selon lesquelles les militants de Daech sont passés par les frontières turques sont un mensonge et relèvent de la pure propagande», a déclaré le vice-Premier ministre, Numan Kurtulmus, sur son compte Twitter. Un responsable turc a aussi affirmé, sous le couvert de l'anonymat, «avoir la preuve concrète qu'il n'y a pas eu d'entrée depuis le côté turc». Pour Charles Lister, expert au Brooking Doha Centre, «les attaques inattendues et spectaculaires» de l'EI à Kobané et Hassaké sont «des opérations de diversion» visant «à détourner les Kurdes de Raqa». Depuis mardi, ces derniers ne sont plus qu'à 56 km de cette ville. Par ailleurs, selon une vidéo diffusée hier, des djihadistes ont décapité 12 hommes présentés comme membres de groupes rebelles rivaux dans la région de Damas. Les 12 hommes ont été capturés lors d'une bataille et ont été égorgés puis décapités dans le désert, selon ces médias, citant une vidéo diffusée par Daech, qui comprend la «confession» de certaines des 12 victimes, dont trois disent être membres de Jaïsh Al Islam, l'un des principaux groupes rebelles dans la région de Damas, et un quatrième du Front Al Nosra, branche syrienne d'Al Qaîda. Les images de ces décapitations sont apparues sur des sites de terroristes 48 heures après la diffusion d'une vidéo montrant l'exécution particulièrement cruelle de 16 hommes présentés comme des «espions», dont certains sont morts noyés dans une cage plongée dans une piscine. Plus au sud, près de la Jordanie, des forces du régime dans la ville de Deraa sont attaquées par une coalition de rebelles, dont des djihadistes du Front Al Nosra, branche syrienne d'Al Qaîda. Un porte-parole d'un de ces groupes rebelles, Dia Hariri, a affirmé que le but était «de libérer» Deraa, dont la majeure partie est aux mains des rebelles depuis plus d'un an. La province éponyme est également majoritairement contrôlée par des groupes rebelles, qui y ont enregistré des gains territoriaux ces dernières semaines.