Presque au même endroit où cinq gardes communaux avaient été assassinés, en 2011, dans une embuscade tendue par un groupe armé, neuf militaires ont trouvé la mort et deux autres ont été blessés, dans la soirée de vendredi dernier, dans un double attentat perpétré par un groupe terroriste au lieudit Souk El Attaf, à 6 km au sud de la commune de Tarik Ibn Ziad, anciennement appelée Kerrouche, à plus de 50 km au sud-est du chef-lieu de la wilaya de Aïn Defla. L'information a été confirmée dans l'après-midi d'hier par le ministère de la Défense nationale qui émis un communiqué. Hier, lors de notre tournée, plusieurs versions étaient rapportées par des habitants que nous avons interrogés sur les circonstances de l'assaut du groupe armé contre un poste avancé de l'armée. Selon une source sécuritaire, l'attaque a été perpetrée par un important groupe terroriste composé, selon des informations recoupées sur place, d'une vingtaine d'éléments lourdement armés. Il s'agirait d'un groupe de la katibat El Ansar, affiliée à AQMI, dirigé par les deux sanguinaires Djilan Bouzina et Helal Mahfoud, activement recherchés par les services de sécurité, qui serait derrière cette attaque. Katibat El Ansar – qui vient d'être renforcée, soulignent d'autres sources, par le ralliement d'autres groupes activant dans les maquis de Chlef et de Médéa – avait été dirigée par l'émir Souane Abdelkader, imam de la mosquée Ridal de la commune de Oued Djemma, au début des années 1990. Guet-apens, un mode opératoire digne des techniques de guérilla Le terroriste, mort après avoir passé plusieurs années dans le maquis, avait réussi, précisent des sources, à convaincre 49 personnes de sa famille à rejoindre le maquis. La première attaque terroriste a ciblé trois éléments de l'armée, dont le commandant du détachement situé au lieudit Village du barrage, à 6 km au nord du chef-lieu de la commune de Tarik Ibn Ziad. Le bilan fait état de deux morts. Le commandant de l'armée, accompagné de deux éléments, était en route pour superviser les postes avancés, quand ils ont été surpris par des tirs nourris des terroristes embusqués, a précisé notre source. Le commandant a été grièvement blessé, a souligné hier un fonctionaire de la mairie de Tarik Ibn Ziad, qui nous a accompagné sur les lieux de l'embuscade. Alerté, un convoi de l'armée a été dépêché sur les lieux de l'attaque. Les soldats de l'ANP ont été ciblés par un autre assaut d'un groupe terroriste embusqué. Le bilan est lourd : sept soldats tués. «Les éléments de l'ANP ont aussitôt procédé au bouclage de la zone et déclenché une opération de ratissage pour débusquer ces criminels et les abattre», a souligné le MDN, sans pour autant donner de détails sur le bilan de l'opération de ratissage. Au cours de notre visite sur les lieux, des soldats de l'armée, visibilement de retour d'une opération de ratissage dans les maquis de Tifran, s'apprêtaient à regagner leur poste d'observation. Non loin du lieu de cette attaque meurtrière, quelques habitations sont désertes. Les villageois ont abandonné ce village au début des années de terrorisme. Notre guide nous montre le détachement de l'armée. Impossible pour nous de continuer le chemin dès lors que la zone est sous haute surveillance des unités de l'armée. «La route est dangereuse. Nous faisons souvent appel à des militaires pour sécuriser ce tronçon quand nous envoyons nos équipes en cas de panne au niveau de la station d'eau», a précisé le secrétaire général de l'APC de Tarik Ibn Ziad, qui nous a reçus dans son bureau. Notre interlocuteur a confirmé que la situation sécuritaire au chef-lieu communal s'est améliorée. Un élu de la commune a indiqué, de son côté, que les villages El Hamzat, Ouled Hmida, Chouit et Ouled Mehdi ont subi durant des années les affres du terrorisme. «Environ 3000 habitants ont fui ces villages pour cause d'insécurité durant des années, alors que ces localités sont dotées de toutes les commodités, comme les écoles, l'électricité et l'eau. A Ouled Hmida, les membres de 36 familles, dont des enfants, ont été égorgés dans des attaques sanglantes début 1993. Idem dans le village El Hamzat, où 25 personnes ont trouvé la mort en une seule nuit dans une attaque similaire» a- t-il déploré, regrettant ainsi le départ des gardes communaux. «Quatre détachements ont été remplacés par des postes d'observation de l'armée», dit-il. Refusant de donner des détails sur les circonstances de l'opération meurtrière, notre guide a aussi regretté le départ des gardes communaux : «50% de la population des zones rurales ont déserté les villages depuis le début du terrorisme. La dissolution de la garde communale qui assurait la sécurité risque de replonger la région dans la terreur.» A notre retour, une dizaine de soldats étaient déployés, a-t-on constaté. Les regards des militaires étaient braqués sur la plaque d'immatriculation de notre véhicule, 10. Un autre périple dans une zone interdite, à Oued Djemma Dans la commune de Oued Djemma, à une trentaine de kilomètres de Tarik Ibn Ziad, la route menant vers Djbel Elouh est désormais fermée. Ali, un ex-chef de détachement de la garde communale, qui nous a accompagnés, témoigne : «La route est difficile d'accès. Plusieurs attentats ont été enregistrés dans cette zone fortement boisée et escarpée.» Des attaques auraient été signalées ces derniers mois, ciblant des unités de l'armée, en particulier dans les régions de Babouche et Hammam Righa. Au chef-lieu communal, distant d'une trentaine de kilomètres du chef-lieu de daïra de Djendel, aucun point de contrôle ni structure de sécurité ne sont visibles. «Nous craignons le retour du terrorisme. L'attentat qui a ciblé, vendredi dernier, des militaires nous a rappelé la décennie noire que nous avons endurée durant des années. C'est dans la wilaya de Aïn Defla que le premier détachement de la garde communale avait été créé en 1994. Nous avons perdu 360 éléments», dit-il en nous montrant une note du ministère de l'Intérieur relative à une «récompense» à ceux qui veulent bénéficier d'un crédit d'un million de dinars sans intérêts. Au siège de l'APC de Oued Djemma, le vice-président a annoncé qu'une brigade de la gendarmerie sera installée dans la commune. «La moitié de la population a quitté la région», a-t-il dit en citant le cas des habitants des villages situés en haute montagne et qui ont quitté leurs hameaux pour cause de terrorisme.