Le personnel de la réserve de Braptia (El Kala) a fermé, depuis le samedi 10 septembre, les grilles de ce parc animalier pour réclamer les salaires non versés depuis 7 mois. La protestation des 28 employés ramène les regards vers ce site surgi au forceps d'une lubie, à 10 km à l'ouest d'El Kala et à 12 km au nord du chef-lieu de wilaya. Les experts crédibles, que n'écoutent pas les dirigeants autistes, disent que pour être rentable, ce genre de projet doit s'insérer dans une zone urbaine, une métropole de préférence, irriguée par un dense réseau de transport. Ce n'est pas le cas de la réserve de Braptia. Le site était un endroit très fréquenté. Les visiteurs venaient de toutes parts, des wilayas voisines. Les jours de grande affluence, le parking de 500 places suffisait à peine et la file des voitures s'allongeait jusqu'au poste de contrôle de la gendarmerie, à 1250 m du portail. On comptait alors 8000 entrées par jour et quelque 350 000 DA de recette quotidienne. C'était la félicité. Il n'y a plus un sou pour faire tourner cette grande machine Le parc animalier couvre une centaine d'hectares dans lequel on peut voir 176 espèces animales, dont des lions, des ours, des zèbres, plusieurs espèces de gazelles et d'antilopes, des crocodiles et un boa, des oiseaux sauvages et domestiques, des renards, un coyote et bien entendu des singes. On y compte 5 grands sites pour les fauves, 42 enclos et une volière. Un vivarium est en cours de réalisation pour les reptiles. De plus, y ont été implantés deux restaurants, une cafétéria, un kiosque, un parc d'attraction, une salle de spectacle et un centre équestre ! Le grand jeu.Seulement, il n'y a pas un sou pour faire tourner cette grosse machine déjà usée et grippée. Les recettes, aussi importantes soient-elles, sont loin de de suffire aux énormes besoins en nourriture, en soins et entretien des animaux, auxquels il faut ajouter les salaires des animaliers qui s'en occupent avec de grands risques car ils n'ont d'expérience qu'une formation sur le tas. Le parc animalier de Braptia n'a été réalisé sur aucun programme, aucun financement et pas la moindre étude. Cette lubie du précédent wali d'El Tarf, qui y a consacré plus de temps que pour le reste de la wilaya, est venu se greffer à la réserve de Braptia qui, elle, est un projet de conservation d'une espèce animale, le seul et unique depuis l'indépendance du pays, réalisé en 1986. C'est un vaste enclos de 200 hectares destiné à la protection du cerf de Barbarie en le mettant à l'abri des braconniers et des autres prédateurs qui s'attaquent à ses petits et des dérangements causés par les bergers et leurs chiens. Les cerfs ont aujourd'hui complètement disparu pour laisser la place à un assemblage fait de tout et de rien. En effet, aussi incroyable que cela puisse l'être, le parc animalier de Braptia n'a été réalisé sur aucun programme, aucun financement et pas la moindre étude. «Au pif», comme on dit. L'argent, plus de 1,5 milliard de dinars, provient de «dons» d'entrepreneurs de grande générosité, semble-t-il, qui espéraient bénéficier ou bénéficiaient déjà de gros marchés publics de la wilaya. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal, lors de son passage à El Tarf lors de la précampagne pour le 4e mandat de Bouteflika, avait lâché, lui aussi, 41 millions de dinars pour la route d'accès et le parking. Pour corriger le tir, la création d'une EPIC Jusqu'à présent, ceux qui ont eu à gérer ce parc l'ont fait avec des acrobaties couvertes par le précédent wali d'El Tarf, mais le départ de ce dernier, en 2014, a ramené les choses à la réalité. C'est par la charité des uns et des autres que les animaux sont maintenus en vie et par dévouement que le personnel est resté sur place. C'est donc un coup très mal parti. La gestion avait été confiée un temps à la direction du Parc national d'El Kala, qui avait auparavant en charge la réserve du cerf de Barbarie, puis au Parc zoologique et des loisirs d'Alger (PZLA, Ben Aknoun) qui a accepté de contribuer à sa réalisation avec la formation du personnel. Mais les problèmes, notamment de trésorerie, étaient tellement insurmontables qu'il a dû rendre son tablier le 31 juillet 2013. Pour corriger le tir, les autorités locales avaient mis en chantier la création d'une Entreprise publique à caractère industriel et commerciale (EPIC). Le projet, approuvé par toutes les parties concernées au niveau ministériel, faisant l'objet d'un arrêté prêt à la signature, nous dit-on, «traîne sur un bureau» pendant que les animaux et leurs soigneurs endurent le pire. Les recettes générées par les entrées et les concessions vont équilibrer le budget Les animaux ont survécu jusqu'ici grâce aux dons «arrachés» à des agriculteurs et aux abattoirs — les fauves sont nourris avec les ânes saisis aux contrebandiers – et aux contributions quelques fournisseurs de la wilaya. Ces animaux sont victimes de rupture de stock qui affectent et nuisent à leur santé. Le parc est menacé de coupures de courant et d'eau parce les factures n'ont pas été honorées depuis plusieurs années. Les services des impôts rechignent à composter les tickets d'entrée, qui sont la seule ressource financière qui, par ailleurs, est versée sur un compte bloqué délibérément jusqu'à la création d'une structure de gestion... Le casse-tête chinois à la sauce algérienne. Ce n'est pas fini. Après le départ du PZLA, l'APW a soutenu en partie le parc animalier en votant une subvention d'aide, mais le wali parti, les députés ont tourné casaque et exigent maintenant une «existence juridique» à ce caprice de prince qu'ils n'ont cependant pas dénoncé en temps opportun. Et il a fallu user de subterfuge pour faire parvenir la subvention de l'APW au parc animalier. Elle passait par le versement sur le compte de l'association qui gère le centre équestre. Que faire devant une situation devenue aussi inextricable par manque de vision à long terme ? Les responsables de la wilaya, qui aujourd'hui tentent de contenir la colère du personnel et de maintenir les animaux en vie, aux dépens de l'entretien et du gardiennage, ne voient de salut que dans cette EPIC suspendue à des signatures de ministres. Elle va, selon eux, permettre surtout de rentrer dans la légalité et les normes. Le personnel est persuadé que les recettes générées par les entrées et les concessions vont équilibrer le budget.