Les Algériens réellement engagés dans leur travail ne représentent que 12% de la population active, selon les résultats du sondage 2013 de l'organisme Gallup World Poll. Cette étude, «State of Global Workforce Report» (Rapport sur l'état de l'effectif actif), indique que l'Algérie est classée parmi les pays où le désengagement au travail est très élevé, rappelle Saïb Mohamed Musette, sociologue et directeur de recherches au Cread. «Nous avons un réel problème qu'il faut comprendre : les travailleurs algériens réellement engagés représentent 12% (la moyenne MENA est de 10%), ceux qui ne sont pas engagés sont de l'ordre de 35% (35% en moyenne pour la région) et ceux qui sont ‘‘activement désengagées'' représentent 54% (avant-dernier pays au niveau de la région, qui enregistre une moyenne de 35%)», énonce M. Musette. Dans ce rapport, Gallup explique que le terme «non engagé» décrit un travailleur qui «manque de motivation et qui est moins enclin à investir un effort discrétionnaire dans des objectifs ou des résultats organisationnels». Pour ce qui est de l'employé «activement désengagés», Gallup développe que cela indique quelqu'un de «malheureux et d'improductif au travail, susceptible de répandre la négativité à ses collègues». «Autrement dit, il y a beaucoup d'Algériens qui vont au travail mais ne travaillent pas, mieux encore, ils viennent au travail pour empêcher les travailleurs de travailler et exigent aussi le partage des gains, des bénéfices», analyse le sociologue, qui ajoute que «heureusement, il existe encore des travailleurs engagés qui travaillent plus qu'il ne faut, parfois sans aucune rétribution complémentaire». Ce qui vient, en partie, confirmer les déclarations du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui déplorait que les Algériens ne travaillent pas, ou tout du moins pas assez, invitant au passage les Algériens à revoir leurs «mentalités». «Nous devons travailler et non aller au travail», avait-il ainsi affirmé. Propos tempérés par M. Musette. «Ces chiffres sont éloquents quant à la nécessité des Algériens de se réconcilier avec la valeur travail. Mais il ne faut pas s'arrêter à ces constats, il y a des mesures à prendre dans le cadre d'une concertation élargie, d'un dialogue social continu», estime-t-il. Car au-delà du désengagement de la population active, il est nécessaire d'en comprendre les raisons et les racines. Et si de nombreux spécialistes estiment que la psychologie du travail a été profondément modifiée de par de nombreux facteurs, tels les systèmes de rente ou encore les dispositifs Ansej et autres, M. Musette juge qu'il est d'autant plus urgent et important d'étudier en profondeur ces évolutions et ces notions. La «valeur travail» est un concept qui a connu des évaluations multiples dans les sciences sociales. Cette valeur est une donnée acquise dans toutes les sociétés et elle n'est pas figée dans le temps. Celle des années 2000 mérite une analyse approfondie. Il y a certes une évolution de la psychologie du travail. Cette évolution obéit aux changements du «contexte économique et aux mutations du monde du travail. La valeur travail diffère d'un secteur à un autre», souligne-t-il.