Réunis à Malte, Européens et Africains devaient discuter des problématiques migratoires entre les deux continents, alors que l'arrivée de migrants crée la discorde entre les 28. Mais aucun accord n'a été obtenu et l'aide financière promise est hors sujet. Les pays africains ont dit non à la politique de réadmission que voulait leur imposer l'Europe. A défaut d'accord, un «projet pilote» a été présenté hier en conférence de presse à La Valette, où étaient réunis pays européens et africains en sommet pour évoquer les flux de migrants africains. Dix pays volontaires enverront l'année prochaine en Europe des agents chargés de déterminer la nationalité des migrants entrés illégalement. Des enquêteurs se rendront également au Niger pour travailler sur le trafic d'êtres humains. Les dirigeants africains ont dénoncé les pressions européennes. «On ne peut pas insister à réadmettre les Africains chez eux pendant que l'on parle d'accueillir les Syriens et d'autres. C'est un traitement différencié que nous condamnons parce que c'est discriminatoire», a déclaré le président sénégalais Macky Sall. «Le retour dans le pays d'origine ne saurait être la seule réponse de l'Europe aux migrants africains. En effet, (certains d'entre eux) ont besoin, à l'instar des migrants venus d'autres régions, de protection», a rappelé, de son côté, le président ivoirien Alassane Ouattara. «Les départs volontaires doivent être privilégiés, mais quand ce n'est pas possible, les départs forcés sont un prérequis pour une politique migratoire efficace», a indiqué le président du Conseil européen, Donald Tusk. Mais pour l'Afrique, la priorité est plutôt le renforcement de l'immigration légale vers l'Europe. «Dans la migration, il n'y a pas que l'aspect clandestin, mais aussi la migration légale», a insisté Abdelkader Messahel, ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines. L'Europe, qui entendait «coopérer plus étroitement en ce qui concerne les retours et les réadmissions», n'a pas obtenu gain de cause. Lors de la réunion du Conseil de l'Europe du 8 octobre dernier, les ministres de l'Intérieur européens avaient affiché leur but pour ce sommet : «Pour améliorer la coopération des pays tiers, il y a lieu de recourir à un subtil dosage entre mesures d'incitation et pressions», comme le rapporte le journal français l'Humanité. Pressions «Derrière les ‹incitations› et la nécessité de ‹stimuler› un certain nombre de pays d'Afrique de l'Ouest, de l'Est et du Nord (plus particulièrement ciblés) se cache une véritable politique de chantage : alors que les sommes allouées à l'aide au développement atteignent un seuil historiquement bas (0,4% du PIB à l'échelle de l'UE, l'objectif de 0,7% n'étant atteint que par les pays scandinaves et la Grande-Bretagne), particulièrement en France, c'est une nouvelle forme de conditionnalité de l'aide qui est imposée», s'alarmaient une trentaine d'ONG, mercredi dans un communiqué. Pour financer des projets luttant «contre les causes profondes des migrations», les Européens ont annoncé hier la création d'un fonds fiduciaire d'aide à l'Afrique de 1,8 milliard d'euros. Mais pour doubler la mise, les 28 devaient aussi contribuer individuellement. Or, les promesses n'ont atteint que 78 millions d'euros, selon un décompte de la Commission. C'est «loin d'être suffisant», a réitéré jeudi le président nigérien Mahamadou Issoufou. Les projets financés par ce fonds suscitent des interrogations. Ainsi, on apprend qu'à l'initiative de la France, un projet d'alimentation en eau potable au Burkina Faso et un projet de formation professionnelle des jeunes à Djibouti seraient financés mais ni les Burkinabés, ni les Djiboutiens ne font partie des pays à fort taux de départ, aujourd'hui. Pour Abdelkader Messahel, ce fonds «peut juste venir en urgence pour réaliser de petits projets. L'Afrique est un continent d'avenir qui se développe et l'Europe doit faire plus d'efforts en termes d'investissement et de partenariat stratégique pour le développement». Insuffisant Or, le budget 2015 lié aux questions de migration a surtout concerné les opérations Triton et Poséidon ainsi que le dispositif Frontex chargé de bloquer les flux. «Nous appelons également la communauté internationale à soutenir activement le processus de paix au Mali ainsi que les efforts des Etats qui luttent contre les groupes terroristes au Sahel et dans la Corne de l'Afrique. Il faut admettre que les conditions de précarité sécuritaire, alimentaire et sanitaire qui ont poussé ces centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants dans ces traversées de la mort sont autrement plus atroces et inacceptables», a déclaré le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal. Un bilan du sommet doit être fait début 2017. A la fin du sommet, les pays européens, eux, entamaient une nouvelle réunion pour convaincre la Turquie de limiter les départs de migrants syriens depuis son territoire. Là aussi, les promesses sont nombreuses : libéralisation des visas et 3 milliards d'euros pour financer la politique d'aide aux réfugiés.