Si l'Union européenne a décidé d'accueillir des centaines de milliers de réfugiés, des Syriens pour la plupart, dans la foulée d'une vague migratoire sans précédent qui s'abat sur le Vieux continent, son attitude envers les migrants africains est tout autre, assumant, presque sans complexe, une politique de deux poids, deux mesures. Débordés par l'afflux de réfugiés (quelque 1,2 million de personnes sont entrées illégalement dans son espace), les dirigeants européens rencontraient leurs homologues africains dans le cadre d'un sommet ad hoc qui se tient depuis hier à La Valette à Malte. Dans l'intitulé de la rencontre, les dirigeants des 28 Etats membres de l'UE et de 35 pays africains, représentés, veulent s'attaquer aux « causes profondes » qui poussent tant d'Africains à fuire leurs pays. Mais c'est plutôt l'Europe qui va user de tout son poids pour demander aux pays africains concernés d'accepter davantage de retours de ces migrants irréguliers indésirables, en échange d'une aide au développement renforcée. « Ce sommet est un sommet pour agir », a déclaré, la veille, le président du Conseil européen, Donald Tusk, devant le Parlement de la petite île méditerranéenne. Il sera suivi, aujourd'hui, d'une réunion informelle des dirigeants européens, convenus de faire une nouvelle fois le point sur une crise migratoire qui ne connaît pas de répit à l'approche de l'hiver. La rencontre de La Valette avait été programmée dès le printemps dernier, au lendemain d'un naufrage où 800 migrants étaient morts noyés en Méditerranée centrale, une « route » empruntée par des milliers de migrants africains. Depuis, l'attention s'est déplacée vers celle des Balkans et des demandeurs d'asile syriens toujours plus nombreux, mais les flux venant d'Afrique n'ont pas cessé. Et les Européens sont décidés à dissuader ceux qu'ils ne considèrent pas comme des réfugiés, sauf exception comme les Erythréens. Ces derniers étaient les plus nombreux parmi les plus de 140.000 migrants arrivés en Italie par la mer en 2015, mais l'Organisation internationale pour les migrations a aussi dénombré plus de 19.000 Nigérians, et des milliers de Somaliens, Soudanais et Gambiens. Contrairement aux vagues successives des réfugiés syriens, les migrants en provenance d'Afrique ne sont pas les bienvenus. « C'est un problème de long terme (...), nous voulons prendre en compte tous ces aspects : l'instabilité, le climat, la pauvreté, la lutte contre les passeurs, les retours et réadmissions », souligne un diplomate européen non sans reconnaître que les pays africains sont vexés du deux poids, deux mesures entre le traitement de leurs ressortissants et celui des demandeurs d'asile syriens, et demandent aux Européens de ne pas totalement fermer leurs portes. Le sommet de La Valette devrait déboucher sur un « plan d'action » avec des projets concrets à réaliser d'ici à la fin 2016 censés répondre aux préoccupations des deux parties.