Dans toute histoire, il y a des enjeux. Dans la longue histoire numide, jalonnée de conflits d'intérêts, de complots et de trahisons, le grand enjeu était la terre. Cette terre de la Numidie, belle et riche, qui a été toujours l'objet de convoitises. La terre que les Romains voulaient conquérir en fomentant des complots entre Numides et Carthaginois, puis entre Numides eux-mêmes. La ruse de Scipion l'Africain en est pour quelque chose. C'était le message à retenir de la pièce «Massinissa et Sophonisbe», dont la générale a été présentée de vendredi à dimanche sur les planches du théâtre régional de Constantine par la troupe du théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou. Adaptée d'un texte de Naïma Hassas, et mise en scène par Hamida Aït Lhadj, l'œuvre a été une juste valorisation des héros numides, dont l'histoire a souvent été déformée. En une heure de temps, les six comédiens, en majorité des jeunes, parfaitement habillés, ont bien mené leur mission sur scène, dans un décor très étudié et moins encombrant. Depuis le début des débats, avec le départ en guerre de Syphax, sa défaite contre les armées de Massinissa et Scipion, le retour triomphal de Massinissa, sa rencontre avec Sophonisbe, et le drame de cette dernière que Scipion voulait ramener en prisonnière à Rome, contre la volonté de Massinissa, le public est resté branché jusqu'à la dernière et fameuse réplique de Massinissa. Si Syphax disait «la Numidie aux amazigh», l'Aguellid prononcera la fameuse phrase «l'Afrique aux africains». En présentant une pièce sur Massinissa au théâtre de l'antique Cirta, à l'occasion de l'évènement Constantine capitale de la culture arabe, Hamida Ait Lhadj a réussi ses deux défis qu'elle avait tenu à relever. Celui de réaliser une œuvre avec six comédiens sans recourir à la chorégraphie, et celui de la langue de la pièce interprétée en amazigh et que le public n'a trouvé aucune difficulté à suivre et à saisir ses multiples péripéties. La réussite de la pièce réside surtout dans cette complémentarité entre tous les membres de l'équipe qui a travaillé avec Hamida Ait Lhadj, notamment la précieuse contribution de Nordine Aït Slimane qui a agrémenté le texte avec de beaux poèmes, le concours de Hachemi Ait Aissi comme conseiller historique, sans oublier la scénographie judicieuse de Mourad Bouchher et la belle musique de Djaffar Ait Menguellet. A noter que la pièce «Massinissa et Sophonisbe» fera à partir d'aujourd'hui une tournée dans une dizaine de théâtres des wilayas de l'Est. L'œuvre vaut bien le déplacement.