Quelle interprétation donner à la déclaration faite hier par le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, indiquant que le gouvernement envisagerait à terme de réviser sa politique de subventions ? De fait, malgré la crise financière née de la chute de la rente pétrolière et l'austérité forcée qui en découle, les pouvoirs publics se sont non seulement abstenus de toucher au budget généreux destiné à l'action sociale de l'Etat, mais ont même décidé de l'augmenter à travers le projet de loi des finances 2016. Tel qu'approuvé début octobre dernier en Conseil des ministres, le PLF 2016, qui charrie globalement une baisse de 9% des dépenses budgétaires, prévoit néanmoins une hausse importante des transferts sociaux. Ceux-ci devront ainsi s'accroître de 7,5% pour atteindre une part considérable de 23% du budget global de l'Etat en 2016 ; avec 477 milliards de dinars pour le soutien à l'habitat, 446 milliards pour le soutien aux familles et 316,5 milliards pour le soutien à la santé publique. Des montants auxquels s'ajoutent, au demeurant, des subventions implicites évaluées à 1500 milliards de dinars, destinées notamment à la couverture du différentiel entre les prix réels et les prix de cession internes des carburants et du gaz. Ainsi confortée à travers le projet de budget pour l'année prochaine, la politique des subventions publiques qui, faut-il le rappeler, continue à tenir lieu de socle à la cohésion sociale et de gage à l'apaisement politique, pourra-t-il donc être réellement remise en cause dans les quelques années à venir ? Dans ses réponses aux questions des députés, lors des débats sur le projet de loi de finances 2016, M. Benkhalfa affirme que l'Etat compte bel et bien revoir le teneur de son action sociale. «Progressivement, d'ici une, deux ou trois années», a-t-il cependant fait comprendre, en se contentant d'indiquer qu'«effectivement», le gouvernement commence à y réfléchir pour aller «vers un ciblage des subventions». En ce sens, le ministre évoque même la mise en place de listes de catégories de démunis à subventionner et, par conséquent, la fin prochaine du système des subventions généralisées. Le gouvernement serait ainsi en mesure de subventionner non plus les produits, mais bel et bien les individus, comme le voudrait si bien l'orthodoxie économique. Un bouleversement, en somme, qui n'a pu être enclenché depuis tant d'années, mais qui serait désormais possible en ces temps de crise sévère. A moins que le ministre des Finances se soit juste essayé à quelque discours politique pour attester, devant les députés, de la cohérence globale de la démarche économique et sociale de son gouvernement…