Euphorique était la clôture de la 21e Conférence mondiale sur le climat, tenue à Paris entre le 29 novembre et le 12 décembre. La présidence française de cette COP21, qui a été obligée de prolonger les négociations de 24 heures, a atteint son objectif principal de faire signer un accord aux 196 parties de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. A ce titre, l'accord de Paris est un franc succès diplomatique pour la France, mais un peu moins pour l'écologie mondiale. En effet, le président français, François Hollande, et son ministre des Affaires étrangères et président de la COP21, Laurent Fabius, se sont offert une imposante standing-ovation, digne des grandes soirées des victoires électorales, à l'annonce de l'adoption de l'accord. Dans un discours de réjouissance, Hollande a salué «une victoire historique» en se félicitant du succès de la conférence de Paris après «l'échec de Copenhague qui avait découragé» en 2009. Il a exprimé sa «fierté que la France ait accueilli cette conférence». Et de conclure : «Le 12 décembre 2015 restera une grande date pour la planète. A Paris, bien des révolutions se sont déroulées, mais aujourd'hui, c'est la plus belle des révolutions, la plus pacifique, la révolution pour le changement climatique.» Mais est-ce que vraiment le fameux document, adopté à l'arraché, est une «révolution» pour le climat ? Des difficultés à surmonter Ban Ki-moon, qui sera le garant de la mise en application de cet accord, reste conscient des difficultés à surmonter au lendemain de Paris 2015. «Nous devons rester unis et passer à l'épreuve de la mise en œuvre. Le travail commence vraiment à partir de demain», a-t-il déclaré devant l'assemblée plénière des pays de la Convention-cadre. Beaucoup plus optimiste, Laurent Fabius a affirmé que ledit accord est «différencié, juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant».Or, plusieurs pays ont exprimé des réserves, y compris après l'adoption de l'accord. Si les deux plus grands pollueurs au monde, en l'occurrence les Etats-Unis et la Chine, ont annoncé leur satisfaction par le contenu du texte adopté, ce n'est pas le cas de plusieurs pays en voie de développement qui n'ont pas apprécié les pressions et les chantages des deux puissances économiques jusqu'à la dernière minute. Ainsi, le délégué de l'Inde a exprimé clairement sa déception : «Nous aurions espéré avoir un accord plus ambitieux. Cet accord ne va pas nous garantir de limiter le réchauffement à 2°C et les actions pour les pays développés ne sont pas proportionnelles à leur responsabilité historique.» Cette dernière notion, chère aux pays africains et émergents, a été pratiquement ignorée. Même si le texte fait référence au principe des «responsabilités communes mais différenciées» en demandant à ces pays d'accroître leurs efforts d'atténuation des gaz à effet de serre (GES) selon leurs «contextes nationaux différents», rien n'est écrit pour contraindre les pays développé à assumer leur responsabilité historique et donc aider financièrement ces pays. Certes, l'accord parle d'un «plancher» concernant les 100 milliards de dollars annuels promis aux pays en voie de développement d'ici 2020, mais concrètement, aucune avancée majeure n'a été apportée sur ce plan par rapport à l'avant-COP21. Le Nicaragua mécontent Le Nicaragua a même failli faire échouer l'accord à cause de ce point. Le délégué de ce pays sud-américain a regretté qu'il n'y ait pas eu d'article qui impose des indemnités au profit des pays vulnérables, les plus exposés aux conséquences du dérèglement climatique. Il a, en vain, proposé la création d'un fonds d'indemnisation basé sur les responsabilités historiques d'émission de GES. Comme plusieurs autres pays, il a dénoncé le manque d'ambition de l'accord en matière de limitation des températures de la planète. L'article 2 de l'accord stipule que l'objectif est de «contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation des températures à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels». Paradoxalement, le texte n'a pas fixé ni les chiffres exacts à atteindre en matière de réduction des émissions mondiales de GES ni la date envisageable pour réaliser cela. Pourtant, le préaccord voulait imposer au moins un objectif de baisse de 50 à 70% d'ici 2050. Pis encore, les Contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN), présentées jusqu'ici par 190 pays — il n'en manque donc que cinq — ne vont pas stopper l'augmentation du réchauffement climatique. Il pourra même dépasser les 3°C d'ici 2100 si les efforts ne sont pas revus à la hausse. Par ailleurs, l'accord de Paris, sous pression des pays pétroliers comme l'Arabie Saoudite et le Venezuela, n'a fait aucune mention à la taxe carbone. Même le «caractère contraignant» de l'accord de Paris, qui entrera en vigueur en 2020, est douteux. Aucune sanction n'est prévue pour les pays qui ne l'appliquent pas. Il mentionne textuellement qu'une «simple notification» permettra à un pays de s'en retirer «à tout moment après un délai de trois ans à partir de l'entrée en vigueur de l'accord pour un pays». L'accord de Paris est sans doute un accord de compromis et non pas de consensus autour du climat.