Durant toutes les phases qu'a traversées l'économie nationale depuis l'indépendance, la couverture des importations par les exportations hors hydrocarbures a toujours été faible. En moyenne, de 1963 à aujourd'hui, les ventes hors pétrole et gaz n'ont assuré que 4% des importations algériennes, tel que le montre une étude de l'Agence nationale pour la promotion des exportations datant de 2013. Les 96% restants sont couverts par les exportations d'hydrocarbures, lesquelles enregistrent une forte baisse avec la chute des prix du pétrole sur le marché international. Une situation dont l'impact se fait lourdement ressentir par la balance commerciale du pays. Mais aussi une situation qui remet sur le devant de la scène le débat sur la nécessité de promouvoir les exportations hors hydrocarbures. De même qu'elle rappelle le retard accusé dans la mise en place d'une stratégie dans ce cadre. Et pourtant, ce ne sont pas les propositions qui ont fait défaut, particulièrement depuis le choc pétrolier de 1986 et après l'engagement du processus d'ouverture économique. Les annonces du côté du gouvernement n'ont pas manqué également à travers notamment un programme de mise à niveau du cadre juridique et institutionnel d'accompagnement des entreprises dans leurs engagements sur le marché international. Les mesures proposées pour un élargissement de la base exportatrice portent essentiellement sur la définition d'une stratégie nationale d'exportation avec des objectifs, des moyens, un plan de réalisation et un véritable suivi et l'amélioration de la qualité du cadre institutionnel des PME pour leur création et leur développement. Certaines ont été mises en œuvre et d'autres sont toujours en attente - comme c'est le cas pour la création du Conseil national consultatif dédié à l'exportation annoncé en 2003 - au grand dam des opérateurs économiques qui ont décidé de poursuivre leur combat dans cette bataille de l'exportation. «Il s'agit bien d'un combat que nous menons au quotidien pour résister face aux difficultés sur le terrain et faire pénétrer nos produits sur le marché international», nous dira à ce sujet un exportateur pour qui le chemin est encore long avant de voir le tapis rouge déroulé à l'exportation. L'expérience ne se décrète pas, elle se planifie «Deux facteurs essentiels bloquent les exportations. Primo, les entreprises sont tournées vers le marché national plus rémunérateur puisque nous avons un grand marché de consommation. Secondo, l'Etat n'a pas mis en place le dispositif d'appui à l'exportation», nous expliquera pour sa part Ali Bey Nasri, président de l'Association nationale des exportateurs algériens (Anexal) avant de poursuivre : «L'approche stratégique est très compliquée. Tant qu'on n'a pas de vision d'intégration, ça ne marchera pas. Ce que montrent les différentes études menées dans ce cadre et qui mettent le doigt sur plusieurs points. Ainsi, la nature de la structure de l'économie nationale, la faiblesse des investissements dans les produits destinés aux marchés étrangers, le climat des affaires non favorable, la non-valorisation du produit algérien à l'étranger, l'absence d'une politique commerciale agressive à l'international, les problèmes de normes pour certains produits, l'absence de représentations commerciales à l'étranger, les limites managériales et organisationnelles des entreprises à l'exportation, le manque d'accompagnement effectif des PME candidates à l'export et la réglementation des changes sont les principales causes qui expliquent la faiblesse de la diversification des exportations.» «La conjoncture est telle qu'aujourd'hui le gouvernement est appelé à promouvoir les exportations. Les entreprises sont également appelées à se tourner vers l'extérieur avec le marché interne qui se rétrécit», ajoutera M. Nasri pour qui un signal fort devrait venir du gouvernement pour rendre l'acte d'exporter rémunérateur, mais surtout pour instaurer un climat de confiance entre les pouvoirs publics et les exportateurs dont le nombre reste faible (155 d'une manière régulière et occasionnellement 400 contre 400 000 entreprises exportatrices en Allemagne et 200 000 en Italie). A ce sujet, il faut noter que suite à la mise en place d'une cellule d'écoute au ministère du Commerce en janvier dernier, un comité dédié à l'exportation a été créé au Premier ministère. Ce qui dénote, selon M. Nasri, d'une volonté d'aller vers l'exportation, mais sans plus. Car, pour l'heure, le comité ne prend en charge que les problèmes posés par les exportateurs sans pousser la réflexion plus loin, c'est-à-dire vers une stratégie d'attaque. «On consacre beaucoup de temps aux mesures défensives qu'aux mesures offensives. Or, la meilleure défense, c'est l'attaque», résumera M. Nasri. Pour ce dernier, le plus urgent est donc de définir les métiers de l'exportation, les marchés et de planifier ce créneau loin des solutions conjoncturelles. Et ce, d'autant que les potentialités existent, notamment dans l'industrie manufacturière (en ciblant l'Afrique) et dans l'agriculture (en ciblant l'Europe). Le président de l'Anexal propose de libérer par exemple 500 000 à 1 million d'hectares à une industrie agroalimentaire tournée vers l'exportation dans le cadre de partenariats avec des étrangers tout en développant des plateformes logistiques et portuaires pour faciliter l'acte d'exportation. Revoir la réglementation des changes Il s'agit aussi d'en finir avec cette méfiance vis-à-vis des exportateurs. Comment ? En mettant à niveau la règlementation des changes. En effet, l'ordonnance n°96-22 du 9 juillet 1996 relative à la répression de l'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger pénalise l'acte d'exporter. Elle sanctionne l'exportateur qui ne rapatrie pas ses fonds dans les délais, des peines de prison, de lourdes amendes et d'interdiction d'exporter. Ce qui constitue, selon la Cagex, une contradiction avec l'ordonnance 96-02 qui stipule l'existence d'une assurance qui garantit le rapatriement des fonds. Les erreurs de facturation, les retards de rapatriement d'argent sont vite assimilés à des cas de fraude, car l'Algérie ne reconnaît pas les incidents de payement. De nombreux cas sont signalés à l'Anexal. Le dernier en date concerne un exportateur de truffes qui a eu de grands problèmes avec sa banque et ses clients à l'étranger. Autant de points qui font que les banques, essentiellement étrangères, sont frileuses à l'exportation. Elles refusent de domicilier les exportateurs, alors qu'elles ouvrent grandes les portes aux importateurs. Le risque est très important et la valeur ajoutée est très faible, de l'avis de M. Nasri. Pour l'Anexal, il y a lieu par exemple d'extraire de la loi le délai de rapatriement comme étant une infraction aux règles de change, car les incidents de paiement existent de par le monde. Les banques sont également appelées à jouer leur rôle dans l'accompagnement des exportateurs. «La banque doit accompagner l'exportateur, l'écouter, l'orienter, l'informer et le conseiller», avait indiqué dans ce sens, en mars dernier à l'occasion de la conférence sur le commerce extérieur, Abderrahmane Benkhalfa (avant qu'il ne soit nommé ministre), en plaidant pour la révision de la loi pénalisant le manquement au rapatriement des produits de l'exportation. Mais, depuis qu'il est à la tête du ministère des Finances, il n'a pas annoncé de changements dans ce cadre. Un pas important pour passer de la méfiance et la suspicion à la confiance à l'égard d'une catégorie d'opérateurs qui se sont engagés dans le processus complexe de l'exportation. Et ce, en attendant que leur nombre s'accroisse via une stratégie encourageant la performance et la compétitive au sein de l'entreprise algérienne. Et c'est là la seule alternative.