Deux ministres de la République ont donné la semaine dernière un aperçu éloquent de la qualité de la gouvernance à l'algérienne. Le premier, Chekib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, s'est présenté devant une commission de l'assemblée nationale pour défendre des amendements « de souveraineté » à sa loi sur les hydrocarbures. Le second Hamid Temmar ministre de la participation et de la promotion des investissements a reçu la presse pour développer son plan de relance de l'industrie algérienne. Dans le premier cas comme dans le second il n'y avait pas de commission probatoire pour évaluer ces actes de repentance en politique économique. Mais les repentis en étaient-ils ? Les déclarations de Chekib Khelil devant les parlementaires invitent à la méditation. Le retour à la majorité systématique de Sonatrach dans toute nouvelle découverte d'hydrocarbures en Algérie – mieux encore que le 50-50 du partage de production que la loi Khelil a aboli – n'est qu' « une décision politique venue d'en haut » qui ne remet pas en cause la justesse des fondements économiques qui ont conduit à la loi d'avril 2005. Interprétation lapidaire, « l'économie me donne raison, la politique en a décidé autrement ». Chekib Khelil ne veut donc pas se dédire. Suivons-le dans son raisonnement. Sa loi du 28 avril 2005 était une géniale anticipation sur le désintérêt planétaire des investisseurs pour l'activité pétrolière. Elle allait permettre de les attirer – lorsqu'il s'apprêtait à partir ailleurs - en leur offrant des concessions courageuses comme la détention de leurs propres gisements et de leurs propres canalisations en contrepartie de quoi l'Etat algérien s'enrichissait grâce à une fiscalité pétrolière plus perspicace sur un volume de production plus grand. Y a-t-il encore un expert dans le monde et au ministère de l'Energie et des Mines pour continuer à le croire. Raison sur le plan économique, trahi sur le plan politique ? La vérité est que la loi sur les hydrocarbures de Chekib Khelil est battue en brèche car le contexte mondial où elle a été inspirée n'était pas celui d'un affaiblissement des pays producteurs de pétrole face aux investisseurs étrangers mais tout le contraire. La réalité géologique des gisements, de la demande énergétique et de l'activité pétrolière mondiales annonçait dès le retournement des cours de 2003 une situation économique nouvelle où les Etats producteurs allaient reprendre la donne. Chekib Khelil s'est trompé sur le terrain économique et a persisté. Son collègue Hamid Temmar se trompe souvent. Mais lui affectionne le repentir. Il en est à son troisième depuis six ans. C'est touchant et désarmant. Ainsi donc il faut se recentrer sur l'industrie. Le discours dévalorisant sur « le parc à ferraille » laissé par l'industrie publique en héritage à l'Algérie triomphante de l'investissement privé est oublié. Il faut désormais absolument sauver « le soldat industrie ». C'est même « le seul secteur qui permettrait de reconstituer l'économie et d'assurer une croissance durable ». C'est une révision déchirante. Même si elle n'a pas le même goût tragique que celle qu'aura dû faire le ministre de l'Energie et des Mines pour annoncer aux partenaires étrangers que Sonatrach repassera devant dans le patrimoine. Généralement il est sain de changer d'avis devant le test de l'expérience. Le problème dans le cas de nos deux ministres clés de l'économie, c'est qu'il existe un vrai doute sur l'opportunité de les laisser corriger par eux-mêmes des fautes de cap aussi lourdes. Surtout lorsqu'elles ne sont pas avouées dans le cas Khelil, ou qu'elles deviennent cinématographiques dans celui de Temmar.