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Plaies en chapelet
La chronique africaine de Benaouda Lebdaï
Publié dans El Watan le 12 - 03 - 2016

Naït Saâda est une romancière algérienne qui en est déjà à son troisième ouvrage après Le sang de la face (2001) et Le paradis, l'Amor (2009).
Elle nous donne à lire une écriture proche du terroir, un style spécifique en terme d'expression, car elle traduit bien une manière de pensée algérienne. Le titre de sa dernière publication A la recherche d'un destin réparé fait référence de manière oblique au célèbre titre de Marcel Proust A la recherche du temps perdu.
Ce clin d'œil implicite n'est pas fortuit en terme d'intertextualité et d'inspiration, car ce parallèle que j'établis permet une entrée de l'ordre du psychologique dans l'histoire narrée. La littérature a souvent comme thème le souvenir d'enfance. Nombreux sont les romanciers qui gardent une tendre nostalgie de leur enfance perdue, de cette madeleine de Proust qu'ils racontent et qui les réconcilie avec les débuts de leur vie, territoire peut-être difficile à quitter sur lequel on revient comme sur un métier à tisser.
C'est exactement ce que fait Ratiba Naït Saâda dans ce roman dense et complexe où le lecteur est invité à entrer dans l'histoire intime d'une famille dont le père Raïs et la mère Soltana sont la clé de voûte, d'autant plus que leurs filles revisitent leur enfance perturbée et perturbante. En effet, contrairement au texte de Marcel Proust, celui de Ratiba Naït Saâda remonte aux origines d'une blessure profonde, à la source d'une madeleine au goût plutôt amer. Cette saga remonte au mythe des origines, dans ce cas maléfique, que le lecteur découvre dans les dernières pages du roman et que nous ne pouvons révéler au risque de briser la surprise narrative.
La construction du texte se présente sous forme de chapitres introspectifs où les sœurs, à tour de rôle, tentent désespérément de comprendre la faille et la béance qui font ce qu'elles sont devenues. Au-delà de l'histoire des parents, le texte s'articule autour des cinq sœurs qui dévoilent au fil de leurs histoires personnelles et par touches successives, la relation désespérée qu'elles ont entretenue avec leur mère Soltana et, par voie de conséquence, avec leur père. Le lecteur est pris dans l'engrenage d'un récit à voix multiples, celles justement de celles qui n'ont pas de voix dans une société où les repères et les codes ancestraux se détricotent, non pas au profit d'une modernité mais vers une société de moins en moins tolérante. Le lecteur tente de percer le grand mystère familial, celui de Soltana qui a eu un problème relationnel immense avec ses cinq filles Warda, Dounia, Nedjma, Halima et Katiba.
Cette mère en voulait à toutes les femmes de la famille et du village. Elle n'avait de liens affectueux et d'attachement qu'avec les animaux. Elle hante la mémoire de ses filles, toutes «empêtrées» dans leurs rapports posthumes avec cette mère autoritaire, voire machiavélique, comme le dit si bien Halima : «En réalité, Soltana a été mourante toute sa vie. Le processus de la mort s'est déclenché dès sa naissance… à sa disparition, elle s'est mise à vivre. Et c'est pourquoi elle est revenue à nous.» Ce retour raumatisant aide à mieux comprendre les coups psychologiques reçus. Ces sœurs sont marquées à jamais, comme le dit Nedjma, persuadée que «l'âme de leur génitrice» les poursuit là où elles se trouvent.
Le père et la mère sont décrits avec des mots durs par leurs filles. Pour le père : «Des étincelles rouges de férocité jaillissaient des yeux de Raïs et son visage n'était que tics monstrueux.» Quant à la mère, elle «récidivait comme par élan de vengeance jamais assouvie», au point où l'une de ses filles, Warda, est internée dans un grand hôpital psychiatrique à l'ouest d'Alger. La symbolique du nom de Soltana montre combien elle a toujours voulu régner sur son monde, y compris sur son mari qui devenait tyran envers ses filles pour plaire à sa dulcinée d'épouse.
Warda rappelle cette scène du père arrosant ses filles à l'eau froide tôt le matin afin qu'elle ne fassent pas la grasse matinée et vaquent aux corvées ménagères. Peut-être aussi que ce père avait «la rage de se savoir accablé d'un fardeau de cinq femelles ?»
Le roman narre les histoires de ces femmes traumatisées du XXe siècle à nos jours. L'histoire de l'Algérie coloniale et la guerre de Libération sont présentes, non pas en arrière-fond, mais dans la vie même des personnages et leurs répercussions sur l'histoire de ces femmes maquisardes qui ont souffert dans leurs corps. L'Algérie des années 1990, celle de la décennie noire, est également décrite par le biais de Halima enlevée et emmenée avec d'autres femmes dans les montagnes par des islamistes qui ne voyaient en elles que des esclaves pour assouvir leurs besoins. La romancière décrit avec force détails la douleur de ces femmes kidnappées, violées et assujetties.
Le déplacement de Nora, vers ces nouveaux maquis qui n'ont rien de glorieux, est décrit comme un voyage vers un autre pays improbable où l'histoire se télescope. Ratiba Naït Saâda démontre tout son talent de narratrice et de griotte algérienne, car ce passage prend l'allure d'une énigme. La critique est acerbe, le verbe juste, la défense des femmes ne laisse aucun doute quant au projet d'écriture de cette romancière à découvrir. L'écriture même de A la recherche d'un temps réparé apparaît comme une blessure enfin cicatrisée. B. L.
Ratiba Naït Saâda, À la recherche d'un destin réparé, Société des écrivains, Paris, 2015. 245 p.


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