Alors que les Algériens sont tout heureux de revoir leur Président, apparemment en bonne santé, après un long congé annuel de 50 jours, voilà qu'ils constatent que le chef du gouvernement a subitement perdu la voix. Abdelaziz Belkhadem, qui a pourtant assuré « l'intendance » pendant toute la durée du « retrait » du président de la République des affaires, l'été dernier, s'est subrepticement effacé de la scène. Exception faite d'une apparition publique à l'occasion de la tenue de la tripartite et en réunion des conseils de gouvernement, Belkhadem ne fait plus de déclarations publiques. Curieusement, il se fait très peu disert depuis la réapparition de Bouteflika, y compris sous sa deuxième casquette de patron du parti majoritaire, le FLN. Les nombreuses questions qui agitent l'actualité politique et économique nationale n'ont pas pu sortir Abdelaziz Belkhadem de sa réserve. Ni le retour de Rabah Kébir, encore moins la dernière sortie médiatique en date de Ali Benhadj, n'ont trouvé grâce aux yeux du chef du gouvernement dont le silence devient assourdissant. S'agit-il d'une attitude politique calculée de se faire désirer pour ravir la vedette le moment venu ? Est-elle au contraire symptomatique d'un homme désormais en mauvaise posture ? Comme le président Bouteflika, Belkhadem a pour habitude de s'épancher sur tous les sujets et sur plusieurs supports médiatiques en même temps. L'overdose a d'ailleurs été vérifiée durant la fausse polémique sur la prorogation du délai accordé aux terroristes pour se rendre, au-delà du 31 août dernier. Belkhadem se fendait quotidiennement de déclarations se voulant « explicatives » pour pallier l'absence du premier magistrat du pays, seul capable de juger de l'opportunité d'accorder une rallonge aux terroristes. Le nouveau chef du gouvernement avait parfaitement tenu son rôle, de « gardien » de la République. Mais Bouteflika n'a pas accédé au voeu de son chef du gouvernement de prolonger la date butoir de la réconciliation nationale, du moins ne l'a-t-il pas assumé publiquement. En décrétant à l'ouverture de l'année judiciaire que les terroristes encore en activité ont « vocation à être éradiqués », le Président a décoché une fléchette à son homme de confiance, peut-être devenu encombrant. Sur le plan économique et social, le tableau de bord de Belkhadem n'est pas non plus éclatant. Il n'aurait pas fait mieux que son prédécesseur, Ahmed Ouyahia, tant le « blocage » reste le maître mot du discours du président de la République quant aux chantiers lancés en grande pompe et qui peinent à démarrer. Le fait que Bouteflika ait décidé de contrôler personnellement les réalisations de ses ministres, avec le ballet des auditions au palais d'El Mouradia, prouve au moins qu'il n'est pas forcément d'accord avec son Premier ministre. Il y a sans doute une relation de cause à effet entre les coups de gueule récurrents du président de la République et la « disparition » de Belkhadem de l'actualité nationale. Comme un incroyable retournement de situation, c'est plutôt Ahmed Ouyahia qui reprend maintenant le verbe -caustique- pour brocarder Belkhadem. Mieux encore, Ahmed Ouyahia, qu'on dit « parti pour revenir », s'exprime comme une voix autorisée s'agissant du retour de Kébir et de l'éventuelle réhabilitation de l'ex-FIS. Il tient exactement le même rôle que tenait Belkhadem avant sa démission du poste de chef de gouvernement. Connu pour ne pas être « un meneur d'hommes », Belkhadem vérifie à ses dépens la complexité d'un poste qui est loin d'être de tout repos, exigeant rationalité et rigueur pour être dans les délais. Et c'est ce qui semble lui manquer. Un bon soutien politique ne fait pas forcément un bon chef de gouvernement.