La seconde édition de la fameuse compétition de construction de ponts en spaghettis, organisée par l'Ecole nationale supérieure des travaux publics (ENSTP), s'est tenue cette année en partenariat avec les musées du Bardo et Lalla Khedawedj El Amia, ce qui semble de prime abord étonnant. Mais pas tant que cela, quand on considère que la part des arts et des sciences humaines fait terriblement défaut dans nos écoles d'ingénieurs. Une lacune pédagogique que l'ENSTP s'attelle fort justement à combler en enrichissant le cursus par une salutaire dose d'«humanité» dont les résultats se sont admirablement illustrés durant ce concours d'ingénierie. Votre supplément El Watan étudiant, partenaire média de l'événement, était sur le banc des «supporters». il est vrai que la vulgarisation scientifique soumet les captivantes entreprises savantes à la portée de la compréhension de chacun et inspire particulièrement les plus jeunes. C'est ainsi que la seconde édition du concours de ponts en spaghettis, organisée par l'association TEC, l'entreprenant club scientifique de l'Ecole de travaux publics de Kouba, a effectivement charmé le public venu assister à cette curieuse manifestation scientifique. Les présents — des parents d'élèves ainsi que de jeunes écoliers, collégiens et lycéens — venus assister aux éliminatoires de ce concours, ont résolument été passionnés durant ces deux jours de spectacle scientifique par la magie de l'ingénierie. Le show aura sûrement suscité des vocations... La compétition a accueilli durant deux jours, vendredi et samedi derniers, vingt équipes d'étudiants de plusieurs écoles polytechniques, de travaux publics et de génie civil venues d'Oran, de Boumerdès, d'Alger et de Tizi Ouzou. Le concours de ponts en spaghettis consiste à construire un ouvrage à la fois esthétique mais aussi résistant et léger. Cette compétition permet donc de sortir les maths et les sciences théoriques des calepins pour les appliquer dans des projets qui allient design, planning et construction. C'est une approche instructive et fort divertissante. C'est dans un esprit d'entreprise vaillant et une ambiance de bonhomie toute juvénile que s'est tenue la seconde édition du Spaghetti Bridge Challenge. Le concours a mis en compétition, le week-end dernier, une centaine d'étudiants. La rencontre a également permis un échange interdisciplinaire passionnant entre étudiants issus d'autres disciplines. Technologues, biologistes et étudiants de faculté de médecine ont également pris part à la compétition, préalablement coachés par leur camarades de l'ENSTP. Des activités culturelles captivantes ont rythmé cette rencontre originale, agrémentée par deux expositions montées par le musée du Bardo et le musée Lalla Khedawedj El Amia, mettant en scène les trésors archéologiques de la préhistoire au côté d'autres vestiges contemporains et de quelques objets traditionnels du patrimoine national. Après avoir été sélectionnés selon la conformité de leurs projets aux critères d'un cahier des charges dûment établi, les participants se sont attelés, vendredi, au premier jour de la compétition, à ériger minutieusement leurs structures dans les ateliers aménagés pour l'occasion par le club scientifique. En principe, il est possible de construire un pont avec un certain savoir-faire, sans faire appel à des connaissances en mathématiques, mais si l'ouvrage venait à s'écrouler, son bâtisseur restera dans l'ignorance, contrairement au polytechnicien qui, lui, a les moyens de savoir pourquoi l'édifice s'est effondré. Le travail d'ingénierie consiste justement à prévenir ce genre de risque et établir avec exactitude le comportement des structures, leur interaction avec le sol, leur charge maximale et la répartition du poids, entre autres paramètres. Ainsi, pour les étudiants, il ne s'agit pas là d'une séance de travaux manuels ni d'un record de solidité, mais d'une démarche scientifique appliquée à une structure réaliste, qui passe par des calculs de résistance et prend en compte les propriétés physiques des matériaux, les notions, la théorie des poutres et de la statique des forces dans l'objectif de construire un pont léger, qui puisse supporter une charge plusieurs fois plus lourde que son propre poids. Le lendemain, samedi, c'est le jour J. Devant un public enchanté et en présence du directeur et des enseignants de l'ENSTP, les prototypes défilent sur l'estrade pour subir le test ultime. Une épreuve de résistance qui consiste à appliquer une force de traction progressivement ascendante jusqu'à ce que la structure cède et indique ainsi la limite de sa charge maximale.Notons à ce sujet que même ce dispositif de mesure a été fabriqué par les étudiants dans un atelier de soudure et relié à un capteur électronique prêté par KB, une entreprise d'appareils de mesure voisine de l'école et partenaire de l'événement, conjointement avec Techno, distributeur d'articles bureautiques qui a généreusement offert des cadeaux à l'équipe gagnante, la BDL, la colle UHU et le fabricant de pâtes Mama, reconverti pour l'occasion en fournisseur de matériaux de construction ! Le montage financier de l'événement a été piloté par le seul effort du club scientifique TEC et grâce à la pugnacité de ses étudiants, rompus aux techniques de communication. A noter que l'intégration d'enseignements transversaux, comme la gestion des entreprises et le calcul économique, prennent désormais une part importante dans la formation des ingénieurs. Le spectacle de démolition échaude les spectateurs. Les ponts se brisent et volent en éclats l'un après l'autre sous les hourras. L'œuvre de l'équipe «Pont d'o», l'un des plus solides et esthétiques, cède sous la pression de 56,8 kilogrammes, il finira à la troisième place derrière les «Pirates» avec 72,7 kg. Les «Azdens» remportent le défi avec un pont qui a résisté à une force de traction de 169,5 kg, avant de s'effondrer sous les acclamations du public. Les finalistes viennent ainsi de franchir la tête de pont et sont par conséquent qualifiés pour représenter l'Algérie à la compétition internationale prévue avant la fin l'année. Les concours de ponts en spaghettis, initiés au début des années 1980 par l'université canadienne de Colombie britannique, sont devenus désormais des performances de renommée dans les écoles d'ingénieurs internationales. Cette année, les résultats obtenus par les étudiants algériens les ont spectaculairement rapprochés du record mondial.