Une quinzaine de films algériens ont été restaurés et numérisés. Une manière efficace de sauvegarer la mémoire cinématographique algérienne. Les films pourront être projetés sous format DCP, la norme reconnue aujourd'hui partout dans le monde. Il est peut-être temps de doter toutes les salles du pays de DCP. Au soir du mardi 31 mai, les amoureux du 7e art se sont retrouvés à la salle El Mougar à Alger pour découvrir quinze films algériens restaurés et numérisés. «Devoir et mémoire» est le titre donné à cette opération menée par le Centre national du cinéma et de l'audiovisuel (CNCA) depuis au moins quatre ans. Parmi les films qui ont retrouvé une nouvelle vie, il y a Zone interdite, d'Ahmed Lallem, Les enfants du vent, de Brahim Tsaki, Patrouille à l'Est, de Amar Laskri, Les vacances de l'inspecteur Tahar, de Moussa Haddad, Beni Hendel, de Lamine Merbah, Les hors-la-loi, de Tewfik Fares, L'opium et le bâton, d'Ahmed Rachedi, Le vent du Sud, de Mohamed Slim Riad, Leïla et les autres, de Sid Ali Mazif et La citadelle, de Mohamed Chouikh. Des films qui seront projetés à Alger durant ce mois du Ramadhan. Pour la soirée de présentation, le CNCA a choisi de projeter Omar Gatlato, le long métrage de Merzak Allouache, une manière de célébrer le 40e anniversaire de sa sortie. «Ce film a donné une autre idée sur le cinéma algérien. Un cinéma qui s'intéressait à la guerre de Libération nationale, surtout durant les premières années de l'indépendance. Omar Gatlato a montré les valeurs de l'Algérien des années 1970. Les valeurs de la famille et de la virilité. Il n'était pas facile de tourner un film de ce genre à l'époque. L'audace de Merzak Allouache et de son équipe a fait que le projet se réalise. Boualem Bennani et Azziz Degga ont marqué de leur présence ce long métrage et contribué à sa réussite», a souligné Azzeddine Mihoubi, ministre de la Culture. Les deux comédiens étaient présents à la salle El Mougar et honorés pour l'occasion. Renaissance La restauration et la numérisation des films algériens sont, selon Azzeddine Mihoubi, une manière de sauvegarder la mémoire du cinéma algérien et donner une nouvelle naissance aux anciens films. «Nous voulons que les jeunes fassent connaissance avec le 7e art algérien produit depuis les années 1960. L'opération réhabilitation et numérisation va se poursuivre. Nous avons dressé une nouvelle liste de films qui marqueront leur retour dans les salles et dans les festivals. C'est également une manière de rendre hommage aux pionniers du cinéma algérien, producteurs, réalisateurs, comédiens...», a-t-il affirmé. Les films restaurés et numérisés ont été sous-titrés en anglais, en français et en espagnol. L'Etat a décidé de récupérer tous les négatifs des films algériens détenus par des laboratoires de développement européens. Mais avant de rapatrier les copies originales, il faut préparer les conditions de sauvegarde et de stockage. «Là, nous sommes obligés de construire un petit bunker pour protéger les négatifs des éléments extérieurs qui peuvent être nocifs», a précisé Mourad Chouihi, directeur du Centre national du cinéma et de l'audiovisuel (CNCA). La fin du 35 mm Pour l'universitaire Ahmed Bedjaoui, les films algériens se sont imposés par la qualité, pas par la quantité. «Des films qui jouissent d'une place particulière et assez rare dans le monde arabe grâce aux exigences de qualité. Ces films étaient menacés de disparition. Aujourd'hui, pour développer une bobine argentique en 35 mm, il faut au moins 5000 euros pour chaque copie. Et pour avoir une copie, il faut l'inter négatif. Nous financions donc des laboratoires à l'étranger. Comme le 35 mm tend à disparaître partout dans le monde, ces laboratoires ferment l'un après l'autre. Nous n'avions pas de véritable mémoire cinématographique. Il a fallu beaucoup temps pour chercher et trouver le négatif du film Tahia ya didou, de Mohamed Zinet (sorti en 1971)», a-t-il relevé. Selon lui, la copie originale du film L'Enfer à dix ans, de Abderrahmane Bouguermouh, Ghaouti Bendedouche, Amar Laskri, Youssef Akika et Sid Ali Mazif (sorti en 1969), a été définitivement perdue. Le négatif de ce film a été détruit dans des conditions encore inconnues. «Aussi est-il urgent de sauvegarder ces films et remettre cet héritage sous forme de belles copies digitales de films restaurés aux jeunes générations, celles qui n'ont pas connu l'âge d'or du cinéma algérien. La plupart des jeunes ont vu ces films sous forme DVD, donc dans des conditions techniques et esthétiques médiocres», a-t-il noté. Pour Ahmed Bedjaoui, l'opération restauration-numérisation doit se poursuivre pour au moins toucher 130 films. «C'est la seule manière d'assurer un avenir à notre mémoire cinématographique et ne rien perdre de nos films. Il faut que les salles de nos cinémathèques soient équipées en matériel DCP. Il sera alors facile de restituer les films numérisés au public. C'est, je crois, le principal but de cette opération. Il ne faut pas que ces films soient mis dans les tiroirs», a-t-il souhaité.