L'avocat du ministère de la Communication, Nadjib Bittam, a animé hier, à la maison de la presse Tahar Djaout d'Alger, une conférence de presse pour revenir sur l'affaire El Khabar, jugée mercredi dernier par le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs. Pour rappel, le tribunal a annulé la transaction entre El Khabar et NessProd, filiale de Cevital, le groupe de Issad Rebrab. Dès l'énoncé du jugement, le directeur d'El Khabar, Cherif Rezki, a dénoncé l'attitude des magistrats dans nos colonnes, hier : «le verdict d'aujourd'hui était prévisible. Il y a pourtant vice de forme. La loi n'est pas respectée quand un ministre (Hamid Grine, ndlr) se substitue à une autorité (Autorité de régulation de la presse écrite, pas encore installée) pour faire annuler une transaction.» Pis encore, Fetta Sadat, membre du collectif de défense d'El Khabar, a bien expliqué, hier à El Watan, que «le juge administratif n'avait à pas à s'immiscer dans un contrat d'ordre privé. Ce juge n'avait pas la compétence pour juger une affaire de vente entre particuliers. La loi est claire là-dessus. Il y a par ailleurs la jurisprudence ; le Conseil d'Etat a en effet rendu un arrêt selon lequel le juge administratif n'a pas compétence pour statuer dans un acte notarié». «Surenchère» Hier donc, à la Maison de la presse, l'avocat du ministère de la Communication a tenté de répondre aux arguments de la défense d'El Khabar, usant parfois d'un ton menaçant quant à l'éventualité de fermer le titre. «L'entreprise El Khabar n'a plus de gestionnaire, elle n'existe plus aux yeux de la loi après l'annulation de la transaction de rachat par Rebrab (…). La décision du tribunal administratif est exécutoire même dans le cas d'appel auprès du Conseil d'Etat», a commencé par déclarer Me Bittam devant les journalistes présents. «Ces déclarations n'engagent que l'avocat du ministère, précise l'avocat d'El Khabar, Khaled Berghel, contacté hier. Il s'agit d'interprétations du jugement et de son exécution. C'est plutôt de la surenchère.» «Si la décision du tribunal administratif est appliquée, El Khabar n'a plus droit de paraître et KBC d'émettre», a ajouté l'avocat du ministère de la Communication, expliquant également que «la partie plaignante peut, à tout moment, demander l'application de la décision administrative et, donc, l'arrêt du groupe El Khabar jusqu'à adoption des nouveaux statuts». «Ces déclarations sont plus des pressions qu'autre chose, dénonce Cherif Rezki. D'abord, on ne peut appliquer une décision de justice qui ne nous a pas encore été notifiée par voie d'huissier de justice ; ensuite nous avons le droit d'aller vers le Conseil d'Etat pour l'appel et, surtout, quand on commence à nous parler de décision administrative pour fermer le journal, cela n'a absolument rien à a voir avec la justice. Là, on est face au fait du prince !» Khaled Berghel, avocat de la défense d'El Khabar, s'étonne du ton et de la précipitation de son collègue Bittam pour livrer ses «interprétations» : «Une fois le jugement notifié, El Khabar aura 20 jours pour étudier comment et par quel mécanisme ils vont appliquer cette décision de justice. Pourquoi alors faire ce genre de déclaration aujourd'hui ?»