Le juge du tribunal administratif de Bir Mourad Raïs (Alger) avait de la suite dans les idées. Après le gel des effets du contrat liant le groupe El Khabar à NessProd, filiale de Cevital, dans l'action en référé, il a décidé, hier, dans l'affaire de fond, l'annulation de la transaction. Le verdict prononcé par Mohamed Dahmane prévoit «le retour à l'état initial de la propriété». Benhadid Brahim, un des avocats du ministère, affirme que le jugement est exécutoire après sa notification. «Nous allons d'abord retirer le jugement et le notifier à la partie condamnée dans un délai de 10 ou 15 jours. Si l'autre partie ne consent pas à remettre les choses en leur état initial, en permettant le retour des anciens propriétaires, il sera procédé à l'exécution forcée du jugement. L'appel de la décision du juge n'est pas suspensif de la décision en droit administratif», indique Me Benhadid dans une déclaration à la presse, à la sortie du tribunal. L'avocat a affirmé que le juge pourrait «carrément fermer El Khabar si ses propriétaires n'exécutent pas la décision de justice». «Mettre sous scellés El Khabar est un dernier recours», lâche-t-il. Faisant une lecture étonnante du contenu du texte de la loi sur l'information (12-05), l'avocat du ministère de la Communication a affirmé que le groupe El Khabar doit obtenir un nouvel agrément pour continuer d'exercer. «La loi sur l'information de 2012 oblige le journal à réclamer un nouvel agrément. El Khabar ne l'a pas demandé ni avant ni même après le contrat. Il sera désormais obligé de le faire pour être en règle», estime Me Benhadid, sans cependant citer les articles de la loi sur l'information qui obligent les organes de presse en activité avant la loi sur l'information de 2012 à demander un nouvel agrément selon le nouveau régime. Selon Cherif Rezki, directeur de publication d'El Khabar, le verdict était «prévisible». «C'est le même juge qui a pris la décision de gel. On était surpris la première fois. Mais le verdict d'aujourd'hui (hier, ndlr) était prévisible. Il y a pourtant vice de forme. La loi n'est pas respectée quand un ministre (Hamid Grine, ndlr) se substitue à une autorité (Autorité de régulation de la presse écrite, pas encore installée) pour faire annuler une transaction», s'offusque M. Rezki, contacté par El Watan. Ne s'avouant pas découragé, le directeur de la publication affirme que son groupe «épuisera toutes les voies de recours. Nous ne pouvons pas nous avancer sur les décisions à prendre avant de recevoir le jugement. La loi nous accorde deux mois pour faire appel devant le Conseil d'Etat. Nous allons le faire». Plus de deux mois de procédure Le ministère de la Communication avait introduit une action en référé auprès du tribunal administratif de Bir Mourad Raïs sur la conformité du rachat du groupe de presse El Khabar par NessProd en s'appuyant sur les dispositions de l'article 25 du code de l'information lié à la possession par une même personne morale de plusieurs publications périodiques d'information générale de même périodicité. L'affaire a été enrôlée le 25 avril dernier. Une première audience devait se tenir initialement le 2 mai, mais plusieurs reports ont été accordés par le juge administratif aux avocats du ministère pour leur permettre de rectifier leurs requêtes — le ministère a demandé avant son action en référé l'annulation du contrat avant de réclamer son gel et la mise en cause de toutes les parties de la transaction. Le 15 juin, le juge des référés a décidé le gel des effets du contrat. Le 21 juin, le collectif d'une quarantaine d'avocats s'est déconstitué devant la juridiction. Le lendemain, Me Bergheul a dénoncé, lors d'une conférence de presse tenue au siège de Liberté, une «parodie de justice». Son collègue Me Bourayou a parlé d'une «arnaque» qui vise à terme la liquidation d'El Khabar. Argumentaire de la défense : absence de qualité du ministère de Communication et défaut de compétence du juge administratif. Le 29 juin, le juge Dahmane a accordé un délai aux avocats de la défense pour se déconstituer individuellement. «L'affaire en référé a duré deux mois alors qu'elle devait être réglée en 48 heures. Le juge a permis à l'avocat du ministère de rectifier ses requêtes. Il a fallu 6 audiences avec à chaque fois des renvois de 15 jours avant que le juge ne prenne sa décision de gel dans la première action en référé. L'affaire au fond, qui devait durer plus longtemps, a été pliée en moins de temps», s'étonne Fetta Sadat, membre du collectif de défense d'El Khabar (lire entretien). Le juge Mohamed Dahmane avait voulu rendre son verdict avant les vacances judiciaires. C'est chose faite.