Le onzième Salon international du livre d'Alger (Sila), organisé du 30 octobre au 10 novembre prochain, demeure l'un des rendez-vous les plus importants du paysage culturel national. Près de 300 000 visiteurs sont attendus, selon le comité d'organisation. Au fil des ans, le Sila a pris de l'importance. En 2005, il réunissait 700 stands d'éditeurs venus de 22 pays contre 584 de 20 pays en 2004. Le ressort de cette croissance réside essentiellement dans l'attrait du marché national pour les éditeurs et les exportateurs arabophones et francophones du monde entier. Leur empressement auprès du Sila est la meilleure preuve que le potentiel de demande du lectorat algérien est loin d'être négligeable. De même, l'édition nationale trouve dans l'évènement une occasion exceptionnelle de promouvoir ses ouvrages et de les distribuer. Pour leur part, les lecteurs sont attirés par la possibilité d'un choix plus large, rendu possible par une disponibilité simultanée et, accessoirement, par des promotions que les distributeurs consentent au nom du bon principe de marketing de la loi des grands nombres. A regarder de près l'ensemble de ces facteurs qui motivent et animent l'attractivité du Sila, on constate qu'ils sont tous liés à la faiblesse et la désorganisation de la diffusion du livre en Algérie. Le vice-président de Aslia estimait récemment dans nos colonnes qu'il existait environ une librairie pour 250 000 habitants. Cette proportion dérisoire est appelée sans doute à s'aggraver avec la réduction du réseau. Car s'il s'ouvre encore des librairies (combien par rapport aux fast-foods ?), nombreuses sont celles qui ferment. Les anciennes librairies de l'Entreprise nationale du livre (ENAL) qui avaient été cédées à leurs employés lors de la liquidation de la société ont passé la phase obligatoire de maintien de l'activité qui avait été fixée, de manière irresponsable, à cinq ans ! Ce sont ainsi les plus beaux fleurons du réseau du livre algérien qui commencent à être cédés à des marchands de chaussures ou de babioles. Ce serait 75 librairies « historiques » qui disparaîtraient à plus ou moins brève échéance ! Il en va de même de la lecture publique qui se situe à des normes de moitié inférieures à celles des pays en voie de développement (voir les chiffres ci-contre) ! Cela, quand les revenus du pays permettraient d'autres performances. Aussi, s'il est indispensable d'envisager la professionnalisation du Salon qui demeure marqué par son côté « foire », il y a lieu de s'inquiéter de la dramatique situation du réseau de distribution. En imaginant un pire hélas plausible, les lecteurs algériens, sevrés de librairies et de bibliothèques publiques, ne disposeraient plus que d'une seule et unique occasion de découvrir et d'acquérir des livres. L'espoir d'un Sila professionnel, c'est-à-dire au diapason des autres salons internationaux, ne peut être accepté que si une action vigoureuse de l'Etat avec les représentants du monde du livre (auteurs, éditeurs, distributeurs…) est menée pour stopper l'hémorragie des structures de distribution et accroître leur nombre et leur niveau d'implantation. Dans l'attente d'une politique du livre, tout ce monde ne pourrait-il pas s'entendre sur une sorte de « pacte du livre » qui énoncerait les principes minima d'un accès des Algériens à la lecture ? A. & L.