Dans tout conflit, des alliances se nouent pour un temps et se défont tout aussi rapidement. Le temps d'une bataille et peut-être même d'une opération. Ce qui se passe actuellement en Syrie ne manque pas à ce sujet d'intérêt, rappelant même cette règle non écrite. En effet, les avions du régime syrien ciblent depuis quelques jours et de manière presque régulière des secteurs tenus par les forces kurdes, considérées jusque-là plutôt proches. Comme à Hassaké, une ville du nord-est du pays en guerre, dont les deux tiers sont contrôlés par les Kurdes et le reste par le régime du président Bachar Al Assad. De violents combats opposent de manière régulière les forces prorégime à la police kurde. Plus que de simples escarmouches, le régime de Bachar Al Assad a recouru aux gros moyens en lançant son armée de l'air contre des positions kurdes. Une première depuis mars 2011. Ce serait donc la fin d'une entente au moins tacite déclenchée dès le début de la guerre en Syrie avec le retrait de l'administration syrienne de régions entières du pays peuplées essentiellement de Kurdes. Ces derniers, qui ont longtemps vécu dans un certain ostracisme, voire dans une totale négation de leurs droits, en ont rapidement pris le contrôle. Ce qui a permis aux forces du régime de se préserver et de se consacrer aux nombreux autres fronts, les Kurdes assurant la même mission sur des territoires qu'ils venaient de prendre en main. Les Kurdes de Syrie (15% de la population) ont, dans le même temps, autoproclamé en mars dernier une «région fédérale» et rêvent de relier les régions sous leur contrôle dans le nord du pays. Sauf que tout cela semble limité dans le temps, une simple tactique de guerre, et cela ferait comprendre que le pouvoir reprend ce qu'il avait donné en quelque sorte, mais encore plus important, ceci ne pourrait se faire sans le moindre calcul, et dans le cas présent, un net retour en force de l'armée régulière aidée en cela par ses alliés étrangers. Autrement dit, ce nouveau front qui vient de s'ouvrir ne serait-il pas en quelque sorte le dernier, laissant comprendre que l'armée syrienne dispose de moyens afin d'étendre son contrôle sur des portions encore plus grandes de la Syrie ? En d'autres termes, même si la question paraît hâtive, serait-ce la fin de la guerre en Syrie, car il devient évident que les Kurdes avaient d'autres ambitions que de combattre aux côtés des forces régulières ? Ils ont, à ce titre, exigé que les miliciens prorégime se retirent complètement de la ville de Hassaké pour la laisser aux mains des services de sécurité kurdes. Le régime a refusé cette exigence et proposé un désarmement mutuel. Ce qui a conduit à l'échec d'une médiation russe menée samedi. La réponse est remarquable par sa vigueur et son extrême rapidité. Jeudi 18 août, une source gouvernementale locale a affirmé que les bombardements étaient «un message aux Kurdes pour qu'ils cessent de faire ce genre de revendications qui touchent à la souveraineté nationale». Une telle situation a, bien entendu, suscité des réactions à l'étranger. Celle du voisin turc d'abord qui souligne qu'«il est clair que le régime (syrien) a compris que la structure que les Kurdes tentent de former dans le nord (de la Syrie) a commencé à devenir une menace pour la Syrie aussi». Ce tournant a poussé les Etats-Unis à intervenir pour la première fois directement contre le régime syrien en dépêchant des avions pour protéger leurs forces spéciales qui conseillent les combattants kurdes en Syrie. De toute évidence, la guerre en Syrie semble amorcer un véritable virage, puisque la Turquie souhaite être «plus active» sur la crise syrienne dans les six prochains mois parce que le «bain de sang doit cesser» et le président Bachar Al Assad «est l'un des acteurs aujourd'hui». Qu'annoncent donc tous ces changements ?