Le jeune boxeur Réda Benbaziz a accepté de revenir sur l'échec des boxeurs algériens aux Jeux olympiques de Rio. L'Algérien de 23 ans, dont c'était la première participation à des JO, a tenté d'expliquer le «blocage» de nos pugilistes au stade des quarts de finale en rétablissant certaines vérités. - On dit que le boxeur Réda Benbaziz a été le plus proche des Algériens pour accéder sur le podium olympique. Finalement, vous avez échoué aux portes des demi-finales. Quel bilan faites-vous de votre participation à cette prestigieuse compétition ? Je suis le seul boxeur qui a fait deux combats et les a gagnés à Rio. Ceux qui m'ont vu combattre avaient senti que j'avais progressé par rapport à mon premier match et estimaient que je pouvais réaliser quelque chose dans cette compétition. Malheureusement, en quarts de finale j'ai boxé d'une tout autre manière. Il y avait une forte pression sur moi. Se classer à la 5e place pour une première participation aux Jeux olympiques, c'est quand même une bonne performance. Je vais travailler encore plus afin de pouvoir réaliser un bien meilleur résultat à l'avenir. - Pensez-vous que vous étiez capable de faire mieux dans ces Jeux ? Bien sûr. Je peux vous dire que personne ne me connaît mieux que mon entraîneur du club d'Akbou, Yacine Loubar. Je reste persuadé que si ce dernier s'était déplacé avec moi, j'aurais pu décrocher une médaille. Maintenant, je dois attendre quatre ans afin de pouvoir prendre part à une autre compétition des JO. Moi, je tiens l'entraîneur national en chef et le DTN pour responsables de l'échec de la boxe à Rio. Gérer une sélection nationale, ce n'est pas seulement établir un programme de préparation et effectuer des entraînements. - Certains ont fustigé le staff technique après l'échec de nos boxeurs, encore une fois, au stade des quarts de finale… Quand on me dit que le staff technique n'est pas à la hauteur, je dis que c'est vrai. La faute incombe au staff technique. En tant qu'athlète, j'ai appliqué à la lettre tout ce qu'on m'a demandé de faire. J'ai travaillé très dur et fait des sacrifices. Beaucoup d'autres pays moins expérimentés que le nôtre dans le noble art sont parvenus à passer le cap des quarts de finale, pas nous. C'était aux responsables du staff technique de réfléchir où se situait le problème des précédents échecs et tenter d'apporter des solutions. L'athlète ne pas faire une analyse et boxer en même temps. Quand on est sur le ring, il y a beaucoup de choses qui nous échappent. C'est à l'entraîneur en chef qu'incombe le rôle de savoir comment gérer son athlète, surtout dans le délicat tour des quarts de finale, qui reste le plus important et le plus difficile. - Vous pensez que le staff technique n'a pas su donner le plus… Ils ont donné ce qu'ils ont pu selon leurs connaissances dans le domaine de la boxe. - Vous avez évoqué tout à l'heure la gestion. Que voulez-vous dire au juste ? Je pense qu'il y a eu de la mauvaise gestion dans la préparation de l'équipe. Juste avant les Jeux, c'est-à-dire dans la dernière ligne droite, il aurait fallu travailler avec des sparrings-partners afin d'être au top le jour J. Malheureusement pour nous, bien que nous étions partis aux Etats-Unis, nous nous sommes contentés de nous entraîner et de faire des combats entre nous faute d'adversaires. Le COA a fourni les moyens de la préparation de l'équipe, mais à mon avis, c'était au staff technique de se renseigner sur les pays qui se préparaient sur place et éventuellement organiser des combats de préparation. C'est pour cette raison que je parle de problème de gestion. On a travaillé pratiquement à l'aveuglette. - Face aux échecs à répétition en quarts de finale, il vous a peut-être manqué un psychologue dans le staff... C'est sûr. Le psychologue joue un rôle capital dans la préparation et les combats importants, quand il y a beaucoup de pression sur les athlètes. Celui-ci sait comment gérer ce genre de situation et parvient à remotiver les boxeurs. Un psychologue ne peut qu'apporter un plus aux boxeurs et à la discipline. Il y a d'autres choses que les gens ne savent pas. Lorsqu'on effectue des stages à l'étranger, le kiné et le médecin ne se déplacent pas toujours avec nous. La dernière fois à Cuba, j'ai eu une allergie grave au niveau du bras. Vers 22h, j'ai dû solliciter le médecin de l'équipe du Venezuela, qui m'a ausculté et m'a fait une piqûre. Si on avait notre propre médecin avec nous, on pourrait le solliciter à tout moment et surtout se concentrer sur la compétition et rien d'autre. - On sait que le boxeur ne mène pas le même train de vie qu'un footballeur. Vous, comment vivez-vous sur le plan financier ? Moi, je me dis que si ce n'étaient les résultats et les titres que j'ai décrochés, j'aurai une vie autre que celle que je mène aujourd'hui. En boxe, les choses sont claires : tu prends un titre, tu as une prime. Pas de titre, pas de prime. En tant que boxeurs, nous n'avons jamais dit qu'il fallait nous aligner sur les footballeurs. Nous travaillons selon les moyens du bord. Ça on l'accepte, mais au fond de nous, on se dit qu'on représente le drapeau algérien et qu'on mérite plus d'égards. Le côté financier perturbe beaucoup de boxeurs. - Donc, vous confirmez que vous vivez exclusivement des primes que vous recevez… Absolument. Si tu ne fais pas de résultats, tu ne perçois rien. C'est pour cette raison que les boxeurs réclament toujours un statut au ministère avec un poste budgétaire afin d'assurer leur avenir. Ce n'est qu'ainsi que les boxeurs pourront se donner à fond. Pour ce qui est des sponsors, la plupart vont exclusivement vers le football. Donc, comme je l'ai dit, les boxeurs vivent tous des primes en fonction de leurs résultats. - Comment voyez-vous la suite, après la fin des JO ? Dès la fin des Jeux olympiques, on est rentrés au pays pour se reposer un peu et oublier la fatigue accumulée pendant des mois de travail. Mais d'autres compétitions se profilent déjà à l'horizon. Il y aura, en 2017, les Jeux méditerranéens et les Championnats du monde de boxe. Ma préparation devra d'abord commencer dans mon club, à Akbou. Pour la sélection nationale, nous allons attendre les élections de la Fédération et éventuellement la désignation du staff technique pour connaître la date du début de la préparation de la sélection nationale de boxe. - Ne pensez-vous pas qu'il est peut-être temps pour la Fédération de désigner un staff technique étranger pour la sélection nationale ? Pour moi, ce n'est pas important que l'entraîneur soit un étranger. L'essentiel est qu'il soit compétent et expérimenté. Par ailleurs, il faudra peut-être prendre en considération le cas des techniciens qui n'ont pas le diplôme requis et validé par le ministère alors qu'ils ont formé des tas de boxeurs. Par contre, il y en a d'autres qui n'ont jamais «sorti» un seul boxeur et qui ont dirigé l'équipe nationale. Concernant toujours le chapitre de l'entraîneur, il y a quelque temps déjà, l'entraîneur cubain Luis Mariano Gonzalez, qui a décroché six médailles avec l'équipe de France à Rio et avait travaillé auparavant en Algérie, avait déclaré que s'il avait eu la sélection algérienne en main, il ne descendrait pas du podium mondial pendant au moins six ans. C'est là une preuve que la «pâte» existe bien chez nous. - On vous laisse le soin de conclure... Je remercie le public qui nous a soutenus, ma famille, mon entraîneur Yacine Loubar. Je n'oublie pas non plus tous les gens d'Akbou ainsi que mes amis.