L'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) et la Fondation Friedrich Ebert ont organisé, avec le soutien financier de l'Union européenne et ce, dans le cadre du programme de l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme, un colloque intitulé « Démocratie, citoyenneté et transparence ». Cette manifestation de deux jours a vu la participation de plusieurs avocats, représentants d'associations, du mouvement des archs, de la société civile, des enseignants et de simples fonctionnaires. Il y a eu également la présence de personnalités étrangères. Jeudi, à l'ouverture des travaux de cette rencontre, M. Djilali Hadjadj, porte-parole de AACC, a souligné l'importance de ce colloque qui se veut une contribution pour faire connaître les initiatives et expériences de lutte contre la corruption à travers ce qui est entrepris dans un certain nombre de pays et aussi de ce qui se fait en Algérie. Dans sa brève intervention, M. Hadjadj a indiqué que la mobilisation citoyenne contre la corruption apparaît comme la seule alternative pour favoriser et impulser la lutte contre la corruption et freiner l'extension dévastatrice de ce fléau. D'après lui, les Algériens sont de plus en plus nombreux à révéler et à dénoncer des affaires de corruption dans leur commune, dans leur entreprise et dans l'administration publique. Ces « donneurs d'alerte », dira-t-il, doivent être protégés, car ils sont très souvent victimes de représailles. Implication des citoyens dans la lutte contre les dysfonctionnements et la corruption tel est le thème de la communication présentée par M. Abdellah Chiboune, au nom des associations des communes de Darguina et Melbou dans la wilaya de Béjaïa. Le combat des associations A travers son exposé, l'orateur a voulu faire partager à l'assistance le combat que ces associations ont mené contre les graves dysfonctionnements institutionnels ayant présidé à l'autorisation et à l'exploitation d'une carrière d'agrégats dont elles ont et continuent d'exiger la fermeture officielle et le déménagement, au motif des nuisances de toutes natures endurées par les populations, avec la mise en évidence des représailles mises en oeuvre à leur encontre par les autorités publiques. Ces associations, avec l'assistance de la population, ont aussi lutté pour faire diligenter une enquête impartiale sur des faits, dont certains avérés, de corruption au niveau d'une commune de Béjaïa. Le conférencier ne mentionnera pas le nom, par souci de ne pas anticiper sur l'action des pouvoirs publics. Mobilisation M. Chiboune a retracé dans le détail la genèse de l'affaire ayant trait à l'implantation d'une carrière au milieu d'une forêt de chêne-liège. Celle-ci constitue une violation grossière des dispositions de lois et règlements relatifs à l'environnement, au domaine forestier, à la santé publique et à la protection. « Le bénéficiaire de ce passe-droit a usé de tous les moyens pour arriver à ses fins. Il est bien soutenu. De son côté, la population a eu recours à des manifestations pour dénoncer cet état de fait, mais en vain. Nous avons saisi les plus hautes autorités du pays », dira M. Chiboune. Les habitants de cette localité se sont mobilisés jour et nuit pour empêcher toute activité de cette exploitation. Cependant, ce qui est incompréhensible, c'est le fait que le ministre de l'Energie et des Mines ait renouvelé, en 2004, la demande d'autorisation d'exploitation et ce, dans un contexte de grande exacerbation des tensions. Face à cette situation, la population a décidé de ne pas baisser les bras et de continuer son combat avec les moyens de bord. Pour sa part, Nacéra Benali, correspondante d'El Watan en Italie, a abordé l'aspect lié à la protection des dénonciateurs et des témoins de la corruption, un procédé qui n'existe pas en Algérie. Le législateur italien a adopté, en mars 1991, la première loi pour garantir la sécurité des personnes qui, pour avoir collaboré avec la justice ou pour avoir été témoins involontaires de faits délictuels perpétrés par des organisations criminelles, se sont trouvé en danger de mort. Ce texte juridique aborde dans son article 11 la question délicate concernant le devoir de l'Etat d'assurer une protection efficace aux personnes menacées par la mafia et par d'autres organisations criminelles, pour avoir dénoncé des actions illicites. L'Etat italien a destiné au programme de protection, durant le seul premier semestre 2004, un budget équivalent à 33 685 177 euros. Dans ce montant sont compris les frais de loyer, la mensualité versée à ceux qui ont dû quitter leur travail, les frais des soins médicaux et du soutien psychologique et les dépenses liées au procès. A la fin de l'année 2004, explique la conférencière, le nombre de personnes bénéficiant de la protection dans le cadre du programme du service central était de 4726, des 1121 collaborateurs, 389 appartenaient à la mafia, 258 à la camorra, 152 à la Ndrangheta (la calabre), 105 à la sacra corona (les pouilles) et 208 à d'autres organisations criminelles. Par ailleurs, les interventions de M. Belaïd Abrika en tant qu'enseignant à l'université de Tizi Ouzou et M. Mohand Amar au nom du mouvement des archs, ont suscité un débat dans la salle sur, notamment, la notion de société civile et de citoyenneté dans la lutte contre la corruption : des thèmes abordés par les deux conférenciers. Le travail de ces derniers est contesté par certains participants à la rencontre qui les ont d'ailleurs accusés d'avoir versé dans la corruption. « Je défie quiconque peut apporter la preuve. Cela relève de l'intox. On nous accuse d'avoir bénéficié de locaux et d'autres privilèges alors que c'est faux. Nous sommes un mouvement qui a porté très haut les revendications d'une population blessée. Notre rôle est de dénoncer justement les corrompus », dira M. Mohand Amar. Pour Abrika, la population a fait confiance au mouvement des archs parce qu'il n‘avait aucun rapport avec la corruption et les malversations, contrairement au pouvoir en place. Pour sa part, et à la fin des travaux de cette rencontre, M. Hadjadj a mis l'accent sur la convention des Nations unies relative à la lutte contre la corruption adoptée en 2003 et qui a été ratifiée par l'Algérie ainsi que la loi du 20 février 2006 élaborée par notre pays et adoptée par les députés. Selon l'orateur, cette loi est très en recul par rapport à la convention, d'autant plus qu'elle ne fait pas référence ni au rôle de la société civile à l'égard de la lutte contre la corruption, ni à la déclaration de patrimoine, ni à la protection des témoins.