Les distributeurs de lait en sachet et l'Office national interprofessionnel du lait (ONIL) se rejettent la responsabilité concernant la pression sur ce produit ces derniers temps sur le marché. Les premiers invoquent une réduction des quantités livrées par l'Office, alors que ce dernier défend la thèse d'une «pénurie provoquée». Les distributeurs de lait pasteurisé dénoncent «la réduction des quotas quotidiens» destinés aux laiteries, engendrant ainsi, selon ces revendeurs, d'interminables queues devant les épiceries et autres points de vente de cet aliment indispensable pour les ménages algériens. Amine Bellour, représentant des distributeurs de lait pasteurisé, déplore les images quotidiennes d'interminables queues devant les épiceries causées par la pénurie. Pour les distributeurs, cette situation est engendrée par la réduction de 30% des quotas de poudre de lait attribuées par l'Office national interprofessionnel de lait (onil) aux laiteries, causant la réduction des quantités livrées aux distributeurs à des prix subventionnés. Ainsi, selon notre interlocuteur, les distributeurs, qui avaient en moyenne 7000 litres par jour, n'ont droit qu'à 4000 l/j. Le syndicat, qui compte 110 distributeurs travaillant pour les laiteries publiques et les 45 du secteur privé conventionnées avec l'Onil, fait part des pressions subies quotidiennement pour manque de livraison et appelle à une solution permettant de couvrir les besoins quotidiens. Pour le directeur général de l'ONIL, cette pénurie «est provoquée par les parties dérangées» par les mesures de contrôle engagées par l'Office pour s'assurer que la poudre de lait subventionnée est bel et bien destinée à produire du lait pasteurisé en sachet écoulé à 25 DA/litre, subventionné par l'Etat. Fathi Messar, directeur général de l'Onil est formel : «On dérange les intérêts de ceux qui utilisent la poudre de lait subventionnée pour produire des dérivés tels que le lait caillé et le petit lait (raïb et l'ben) et autres en multipliant à plusieurs reprises le prix du litre produit à moindre coût.» L'Onil a constaté également que des distributeurs fournissent une grande partie du lait pasteurisé aux cafétérias au lieu des épiceries. Les ménages auxquels sont destinés ces produits subventionnés en sont privés au profit des professionnels de la restauration et de la transformation, qui profitent de la matière première à des prix subventionnés. La direction de l'Onil remettra un rapport détaillé sur la question du détournement de cette matière au ministère de l'Agriculture, en vue de la prise de mesures strictes pour mieux cibler la subvention qui ne profite pas aux ménages. Le premier responsable de l'Onil dément les explications données par les distributeurs quant à la réduction des quotas attribués aux transformateurs de lait. «Nous avons réduit de 5% la quantité écoulée habituellement, suite aux rapports que nous avons reçus quant à l'utilisation de la poudre subventionnée à la fabrication d'autres produits que le lait pasteurisé.» L'Onil dénonce «une campagne de pression» visant cet organisme pour «céder» devant ceux qui tirent profit de ces «détournements déguisés» de la poudre subventionnée. Une source du groupe Colaital a indiqué à El Watan que la baisse des quantités attribuées aux laiteries est dictée par le fait que la matière première n'est pas totalement consommée. La baisse de 5% des quantités destinées aux laiteries n'est donc pas dictée par la mesure d'austérité, assure le directeur général de l'Onil, soulignant que l'Office prévoit une couverture des besoins sans difficulté jusqu'à juin 2017 et les montants sont définis dans la loi de finances 2017, dont le projet ne prévoit aucune coupe budgétaire concernant l'Onil et l'importation de la matière première. Selon M. Messar, l'onil a livré annuellement pour 1,7 milliard de litres, soit 140 millions de litres par mois et 4,6 millions de litres/jour. Les laiteries du pays ont reçu pour 4,6 millions l/j en septembre dernier. Le chiffre a été de 4,4 millions l/j en octobre dernier, précise le même responsable. Gaspillage et surconsommation Le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Abdessalam Chelghoum, lors de son audition par la commission des finances et du budget de l'Assemblée populaire nationale (APN) dans le cadre du projet de loi de finances 2017, a indiqué que son secteur avait procédé récemment à la réduction des quotas de poudre de lait (importée) alloués aux transformateurs. «Nous avons constaté qu'il y a une surconsommation et du gaspillage, alors nous avons pris la responsabilité d'opérer une diminution des quotas de poudre de lait des laiteries», a-t-il expliqué. Le prix de la poudre de lait allouée aux laiteries, par l'intermédiaire de l'ONIL, est subventionné par l'Etat dans l'objectif de produire du lait pasteurisé conditionné en sachet cédé sur le marché à un prix administré de 25 DA le litre. Pour appuyer ses propos, M. Chelghoum a comparé la consommation annuelle de cette denrée en Algérie à celle de la France : une moyenne de 160 litres/habitant/an en Algérie contre 90 litres/habitant/an en France. «Il faut changer cette politique si on veut réduire la facture des importations», a-t-il ajouté. A ce propos, il a estimé que la facture des importations de l'Onil ne devrait pas dépasser les 330 millions de dollars à fin 2016 contre près de 500 millions de dollars en 2015. «C'est un gain important», a-t-il considéré. Pour rappel, la poudre de lait est importée aussi bien par l'Onil pour le compte de l'Etat que par des opérateurs privés.