La nature de la présence ottomane en Algérie a dominé les travaux du colloque algéro-turc, clos ce jeudi et qui ont duré deux jours, durant lesquels un éclairage particulier a été jeté, notamment sur les deux frères «Barberousse», Kheir Eddine et Baba Aroudj. Certains n' ont vu dans cette arrivée, qu'une forme déguisée et soft de la conquête du pays, a contrario des opérations «belliqueuses», conduites en Orient ou au Maroc, où l'entrée des Ottomans à Fès a été opérée par des troupes conquérantes. Une vision des choses qui a suscité une foule de réactions négatives que d'aucuns ont assimilées à une propagande combinée de quelques historiens occidentaux, appuyés par leurs pairs orientaux, visant à donner une lecture tendancieuse des événements et réduire ainsi le rôle majeur joué par l'Algérie, dans les équilibres géo-stratégique et politique de l'époque. Abdelmadjid Chikhi, directeur du Centre national des archives, s'en est outré ouvertement, en attribuant «ces conjectures», à la pensée coloniale française, qui justifiait sa présence par «son souci de débarrasser l'Algérie de la domination turque». «Or, on a vu le résultat avec une colonisation abjecte qui a duré 132 ans et qui a fait au bas mot durant ce laps de temps pas moins de 10 millions de morts», s'est-il insurgé, invitant les chercheurs à mieux fouiller le sujet, d'autant que «les documents et les archives sont désormais disponibles». «L'Algérie a joué une rôle de premier ordre dans le bassin méditerranéen. C'est cela qui dérange», a martelé pour sa part, le professeur Saidouni Nasse-eddine, expert en histoire, soulignant, «la souveraineté totale du pays par rapport au pouvoir central ottoman» ne manquant pas toutefois de mettre le doigt, «sur les rapports exceptionnels qui unissaient le Dey d'Alger au pouvoir ottoman». Pour dissiper les doutes, Uzlim Kumrular, de l'université d'Istanbul, a tenu à recentrer le débat, en soulignant d'emblée que l'Algérie n'était pas considérée comme une wilaya ottomane et que de ce fait, «il n'est pas possible de parler d'une dépendance, mais d'une souveraineté pleine et entière», attribuant l'équivoque, au-delà des considérations idéologiques, à la mauvaise interprétation de certains concepts du turc vers l'arabe, à l'instar de celui de Reis, qui confond président et patron marin , El djazair avec les îles Baléares (el djouzour), etc. Les participants se sont accordés à pousser davantage la recherche historique et historiographique pour rendre compte de la vérité historique de façon objective. «L'histoire ne se décrète pas et ne s'écrit pas à la demande», a tenu à souligner le professeur Saidouni. Dans cette perspective, d'aucuns ont émis le vœu d'installer des groupes de travail algéro-turcs, pour rétablir les faits et mieux faire connaître le patrimoine qui unit l'Algérie et la Turquie, d'autant plus que des documents sont disponibles à cette fin. Quelque 150 millions de documents sur l'Empire ottoman ont été rassemblés en Turquie, dont plusieurs millions consacrés entièrement à l'Algérie.