Néanmoins, ce sentiment partagé par de nombreuses troupes ne peut en rien remettre en cause la souveraineté d'un jury et, même si, faut-il relativiser, un palmarès de festival fait rarement l'unanimité. Hier, donc, à la clôture, la consternation était totale. A titre indicatif, les délibérations, qui ont non seulement duré des heures, -signe d'une âpre discussion et d'un désaccord profond entre les membres du jury-, ont également débouché sur un palmarès revu de fond en comble. Bouhadjar Boutchich, homme de théâtre, qui l'a décliné depuis le podium, n'a pas manqué de faire de l'humour pour dédramatiser la situation et prévenir tout éclat dans la salle comme il en arrive. Ainsi, deux prix majeurs n'ont pas été attribués, ceux de la meilleure œuvre et du meilleur texte. Mais si, depuis la création du festival, le second prix n'a été attribué qu'une fois, par contre celui du meilleur spectacle a toujours été décerné. Autre nouveauté : quatre prix ex æquo d'encouragement ont été accordés aux compagnies «Warchat el el masrah wa cinéma», d'Oran, «Masrah echabab oua tifl», de Sidi Bel Abbès, «Chabab fen el khachaba», de Chlef, et «Arlequin lifane el masrahi», de Sétif, pour respectivement Assifa essamchia, Ouerddate el mahiba, Ahlam el maarifa et El araba essaïda. Le Prix du meilleur manipulateur a été accordé ex æquo à Rezzoug Riadh, dans Ouerddate el mahiba, et Dib Farès, dans El maâzouzia, de la troupe «El fananine el ahrar wa tarqiya» de Constantine. Le Prix de la meilleure marionnette est revenu à la compagnie «Kateb Yacine» de Sidi Bel Abbès pour toutes les marionnettes et non une seule de son spectacle Hikmate el hacharate. La récompense de la meilleure mise en scène a été décrochée par Yacine Tounsi pour El maâzouzia. De la sorte, ce marionnettiste et la troupe pour laquelle il a monté ce spectacle ont été les grands gagnants de la 10e édition. En effet, El maâzouzia a soulevé lors de sa présentation une vive contestation de la part de quelques animateurs de troupes, au motif que le même spectacle a déjà été monté par Tounsi pour le compte du TR Annaba, spectacle avec lequel il est reparti avec le grand prix. Le jury s'en est enquis auprès du commissariat du festival. Ce dernier a indiqué que sa sélection a tenu compte du fait que bien qu'il s'agisse du même texte ayant subi quelques modifications, il a donné lieu à un tout autre spectacle puisqu'il y avait une autre mise en scène s'appuyant sur d'autres marionnettes et une autre technique marionnettiste, celle du théâtre de marionnettes sur table. Par contre, le grand perdant a été sans conteste «Le petit théâtre» de Blida, tant son spectacle Achbah el masrah a séduit. Boualem Ben Gueddache, marionnettiste exerçant en France, a encadré en marge du festival un atelier consacré à l'écriture dramatique propre au théâtre de marionnettes. Pour avoir assisté à tous les spectacles, il s'interroge sur la pertinence de l'orientation que semble infléchir le palmarès : «Qu'attendons-nous des propositions du monde des arts de la marionnette ? Ne faut-il pas ouvrir l'éventail de la créativité dans toutes ses dimensions ‘‘imaginantes'' tant sur le plan de la manipulation que de sa théâtralité? Les choix artistiques, pédagogiques, politiques, éducationnels et culturels ne doivent-ils pas être en résonance avec le public ? Après tout, les enfants attendent qu'on les émerveille et qu'on les surprenne. Je ne parle pas de nouveauté mais d'étonnement et de magie dans la plus grande simplicité. N'y a-t-il pas là un problème sur les langages et les codes de lecture de certaines propositions ?»