Le peuple sahraoui n'a encore vu aucun signal du côté marocain pour mettre un terme à son occupation du territoire du Sahara occidental, a déclaré le délégué auprès de l'Onu du Front Polisario, seul représentant légitime du peuple sahraoui, Ahmed Boukhari, à la télévision britannique, la BBC, citée hier par l'APS. «Nous n'avons pas encore vu, de la part du Maroc, des déclarations publiques encourageantes qui pourraient indiquer la volonté de Rabat de mettre un terme au conflit au Sahara occidental l'opposant au Polisario», a souligné A. Boukhari. Pourtant, a-t-il dit, l'adhésion du Maroc à l'Union africaine (UA) pourrait être «une opportunité» pour résoudre le conflit du Sahara occidental, pour peu que Rabat ne joue pas à un jeu «trouble» et «douteux». Se basant sur les antécédents de l'occupant, le représentant sahraoui remet en doute l'«honnêteté» et la «franchise» du Maroc, évoquant même des «intentions non avouées» de ce pays nouvellement arrivé au sein de l'UA. Il a précisé que le peuple sahraoui n'a jamais fait confiance à l'occupant, mettant en garde contre toute éventuelle stratégie marocaine non conforme à la Charte de l'UA, notamment à son article 4 concernant directement le peuple du Sahara occidental. Article qui stipule que les frontières des Etats membres sont celles acquises le jour de l'accession à l'indépendance. Celles du Maroc datent de 1956, ce qui exclut clairement les territoires du Sahara occidental de son autorité. «Nous allons suivre de près toute déclaration ainsi que tout mouvement politique et diplomatique du Maroc. S'il s'avère qu'il cache des intentions de trahison, les Etats membres de l'UA ne l'accepteront pas», a relevé le représentant du Polisario. Il a expliqué que l'adhésion du Maroc a été faite sur la base de son approbation de la Charte de l'UA qu'il a signée, et il doit par conséquent, respecter son engagement. «A la base, tous les chefs d'Etat africains étaient unanimes à dire qu'être membre c'est accepter la Charte. Ne pas respecter cette Charte a des conséquences politiques, et c'est aussi trahir tous les Etats membres de l'Union», a-t-il affirmé. Pourtant, il estime qu'avec le Maroc au sein de l'UA, «des contacts et des négociations pourraient être engagés pour des perspectives et des solutions» au conflit du Sahara occidental. Ahmed Boukhari a observé aussi que l'adhésion du Maroc pourrait permettre une coopération «plus active entre l'UA et l'ONU, en vue d'accélérer la mise en œuvre du plan de paix, élaboré conjointement par les deux organisations». Le représentant du Polisario a relevé, par ailleurs, que les Sahraouis n'étaient pas contre l'admission du Maroc à l'UA, et ont juste posé la condition qu'il accepte la Charte sans aucune condition de sa part. Il a également exprimé sa confiance en le nouveau secrétaire général de l'ONU, souhaitant qu'il soit «épargné de la stratégie de l'intimidation exercée auparavant par le Maroc sur Ban ki-moon». Le 21 décembre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a reconnu que la présence marocaine au Sahara occidental est «illégale du moment qu'il s'agit d'un territoire distinct et séparé du territoire du Maroc, réaffirment ainsi, le sens de l'article 4 de la Charte de l'UA», a rappelé A. Boukhari à la BBC. Il a conclu que «la balle est dans la camp marocain» pour prouver sa bonne intention à résoudre, dans la légalité, le conflit du Sahara occidental en respectant l'indépendance et l'intégrité territoriale de ce pays qu'il colonise depuis 1975, avec le soutien de la France. A rappeler que l'Intergroupe sur le Sahara occidental au Parlement européen s'adressera prochainement à la Commission européenne pour demander l'application «effective» de l'arrêt de la CJUE «sans tergiversation ni détour politiques», a déclaré vendredi le ministre sahraoui délégué pour l'Europe, Mohamed Sidati. «L'Intergroupe s'adressera à l'UE pour demander l'élaboration d'une feuille de route qui permette l'application effective de l'arrêt de la Cour, sans tergiversation ni détour politiques», a indiqué le responsable sahraoui. Selon ce dernier, l'Intergroupe, qui a tenu mercredi dernier à Strasbourg sa première réunion de l'année 2017 à laquelle ont participé les nouveaux députés qui ont rejoint l'Intergroupe récemment, a souligné que la récente jurisprudence de la CJUE qui exclut définitivement le territoire du Sahara occidental du champ d'application des accords d'association et de libéralisation conclus entre l'UE et le Maroc, reconnaît «sans aucune ambiguïté» au peuple sahraoui le droit à l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources naturelles comme énoncé par la Charte des Nations unies. M. Sidati a appelé l'UE à se rapprocher du Front Polisario pour engager des négociations «franches» et trouver un accord afin de rendre légale la présence des entreprises européennes au Sahara occidental car «aucune activité n'est possible sans le consentement du Front Polisario». «Après cet arrêt de la CJUE, les entreprises européennes n'ont plus aucun cadre juridique pour rester au Sahara occidental», a-t-il rappelé. Il a mis l'accent, dans ce contexte, sur la nécessité que l'UE œuvre pour qu'il y ait «une solution juste» au conflit au Sahara occidental, mettant en garde contre «l'accroissement des tensions» dans la région qui pourraient se répercuter sur l'Europe. Le représentant sahraoui, qui a saisi l'occasion de cette réunion de l'Intergroupe pour informer ses membres des récents développements au Sahara occidental, a souligné devant les membres de l'Intergroupe que le Maroc, en adhérant à l'UA, se retrouve dans l'obligation de «respecter les fondements de l'UA contenus dans son Acte constitutif». L'Intergroupe, a-t-il poursuivi, a dénoncé la situation d'oppression et de répression imposée par le Maroc au Sahara occidental. «Se référant au procès du groupe de Gdeim Izik, l'Intergroupe a exigé la libération des 21 prisonniers politiques sahraouis concernés, et la fin de la parodie du procès en cours contre eux», a-t-il ajouté. Le ministre sahraoui a indiqué, à ce titre, que des actions seront entreprises en direction des institutions européennes, afin de les sensibiliser sur la nécessité «urgente» de soutenir les efforts de l'ONU pour que le peuple sahraoui puisse exercer enfin son droit inaliénable à l'autodétermination. Et d'observer : «Les eurodéputés de l'Intergroupe ont montré une grande détermination et beaucoup d'enthousiasme pour agir en soutien du peuple sahraoui.»