Il est très connu dans toute la commune de Tipasa en raison de la magie de son métier : il facteur depuis des décennies. Le coup de foudre pour son environnement naturel date depuis son très jeune âge. Mohamed Ali Tikarouchine (47 ans), natif de Tipasa, est père de 3 enfants. En plus des kilomètres qu'il parcourt quotidiennement, l'écolo de Tipasa avait trouvé le temps pour décrocher des diplômes à l'issue des stages de formation, y compris chez les «Pères blancs». Le longiligne Mohamed Ali Tikarouchine, aux yeux clairs et au regard perçant, collectionne moult diplômes, en l'occurrence celui de la plongée sous-marine, de spéléologie, guide de montagne, guide touristique, apiculteur, plombier et bientôt greffeur d'arbres. «J'ai participé à plusieurs explorations dans les fonds marins, dans les ventres des montagnes à Tlemcen et Ghazaouet, en plus des randonnées en montagne», nous dit-il. Il a demandé à plusieurs responsables locaux de l'aider à concrétiser son projet, mais rien à l'horizon. «Tout simplement, je veux que M. le wali me reçoive ; après avoir attendu plus de 20 ans, je crois que le moment est venu pour que mon projet voie le jour, bien entendu avec l'appui des autorités de notre wilaya», explique-t-il. Il s'agit de la réhabilitation d'une ancienne caserne militaire de la période coloniale qui se trouve à l'abandon, sans toiture, sans boiserie (portes fenêtres, ndlr) qui se trouve dans le Mont du Chenoua. «J'envisage de créer un refuge dans cette gigantesque montagne», dit-il. Mohamed Ali veut déconnecter les amoureux de la nature de leur quotidien, juste le temps d'un week-end, en aménageant cette infrastructure au profit des randonneurs avides de découvrir la faune et la flore de ce patrimoine forestier, le Mont du Chenoua. «Initier les randonneurs à toutes les choses positives dans le but de protéger la nature», nous murmure-t-il. Cette ancienne bâtisse abandonnée se compose d'une vingtaine de chambres spacieuses en mesure d'héberger 7 personnes dans chacune d'elles. Au Mont Chenoua, à ce jour, il y a des femmes centenaires qui font de la poterie et autres produits de l'artisanat local. Avec leurs mains de fée, elles concoctent des mets traditionnels succulents, l'art culinaire du terroir est à l'honneur avec elles. «On y trouve l'agriculture de montagne, les figues sèches, l'huile d'olive, les plantes, le lait de vache et de chèvre, les fromages, les différentes variétés de galettes, nous déclare le facteur. «Je veux bien développer le tourisme et l'artisanat local ici à Chenoua, les randonneurs peuvent déguster les plats qui seront préparées par les habitantes du Mont Chenoua», enchaîne notre interlocuteur qui connaît tous les recoins de l'imposante montagne du Chenoua. Or, l'Etat accorde l'exploitation de carrières dans le Mont Chenoua, elles ressemblent à des verrues encastrées et polluent cette montagne pourtant classée sur la liste du patrimoine naturel. L'autre fléau qui ne cesse de prendre des proportions alarmantes vient de l'incivisme des citoyens qui résident dans les centres urbains de Tipasa. Les familles qui fréquentent les lieux ne se gênent pas de jeter leurs ordures ménagères dans la forêt du Chenoua. «Je vis au Mont Chenoua et je vibre aux rythmes de cet endroit de rêve ; hélas, les administrations de l'environnement et celle des forêts sont alertées, mais elles affichent une incroyable passivité, dit-il ; en ma qualité de facteur, c'est moi-même qui remet les convocations à ces familles afin de les empêcher de jeter leurs ordures ; pour le moment, aucune n'a été verbalisée et le massacre continue», conclut M. Tikarouchine. Quand un haut responsable de l'Etat impose une membre de sa famille à la tête d'une direction aussi importante dans la vocation de la wilaya de Tipasa, le tourisme, celle-ci qui ne se soucie même pas d'un développement honnête et sain de l'activité touristique depuis son arrivée à Tipasa il y a 17 années, comment peut-on arriver à soutenir un citoyen lambda, originaire de cette ville, dans la réalisation de son rêve ? Protéger le patrimoine forestier du Mont Chenoua et le métamorphoser, en lui donnant une seconde vie pour lui éviter une disparition certaine, tel est le vœu du facteur «vert» Mohammed Ali. Sera-t-il exaucé ?