Après les attentats de dimanche, les coptes ont limité les cérémonies pour Pâques. Mais le pape François, attendu en Egypte à la fin du mois, maintient sa visite. Alors que les chrétiens redoutent, en particulier au Moyen-Orient, des attaques du groupe Etat islamique (EI) pour le week-end de Pâques, les coptes d'Egypte ont décidé de limiter les célébrations aux messes et demandé un renforcement de la sécurité des églises. Dimanche dernier, en pleine célébration des Rameaux, deux attentats-suicide revendiqués par l'EI ont visé des églises à Tanta et à Alexandrie, dans le nord du pays, faisant 45 morts, quatre mois après une attaque contre une église du Caire dans laquelle 29 personnes avaient été tuées. Les coptes d'Egypte représentent la communauté chrétienne la plus importante et la plus ancienne du Moyen-Orient et 10% des 92 millions d'Egyptiens. «Vu les circonstances actuelles et notre solidarité pour les familles des victimes, nous allons limiter les célébrations de Pâques aux messes dans les églises», a précisé l'église dans un communiqué publié sur sa page Facebook. Le secrétaire du Patriarcat, le père Sergios, a expliqué que contrairement aux années précédentes, «il n'y aura pas de décorations dans les églises et les pièces réservées à l'accueil des fidèles voulant présenter leurs vœux pour la fête resteront fermées». A l'occasion de Pâques, le pape copte offre d'habitude des bonbons et des chocolats aux enfants en recevant les fidèles après la messe. Cette cérémonie sera également annulée, a ajouté le père Sergios. Il a également fait état d'une coordination en cours avec les forces de l'ordre «pour renforcer les mesures de sécurité autour des églises». Trois mois d'état d'urgence Le président Abdelfattah Al Sissi a appelé à plusieurs reprises «à la modernisation du discours religieux» islamique afin de contrer l'idéologie djihadiste. Mais pour ses détracteurs, ces appels sont restés lettre morte. Le discours antichrétien a débuté en Egypte dans les années 1970, lorsque le président Anouar Al Sadate a favorisé les islamistes face à ses opposants de gauche. Et dans les années 1990, la communauté copte a été la cible d'attaques de groupes islamistes. Aussitôt après ces attentats particulièrement meurtriers, le président Abdelfattah Al Sissi a annoncé l'entrée en vigueur imminente de l'état d'urgence pour trois mois, en précisant que la mesure avait été prise pour «protéger» et «préserver» le pays. Il a également ordonné à l'armée de se déployer pour protéger les «infrastructures vitales» du pays. L'état d'urgence avait été observé pendant trois décennies sous Hosni Moubarak, et son abrogation était l'une des demandes principales des militants ayant conduit la révolte de 2011 qui a mis fin à son règne. Supprimé en 2012, il avait été rétabli pendant un mois après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi l'année suivante, au moment où les forces de sécurité réprimaient dans le sang ses partisans. Il est en outre appliqué depuis plusieurs années dans une partie du nord de la péninsule du Sinaï, où l'EI est très actif. Attaque au dialogue et à la paix Attendu fin avril en Egypte, le pape François a décidé de maintenir son voyage. «Il ne fait aucun doute que le Saint-Père maintiendra sa proposition de se rendre en Egypte» les 28 et 29 avril prochains, a déclaré Mgr Angelo Becciu, numéro trois du Vatican, dans un entretien avec le quotidien Corriere della Sera. «Ce qui est arrivé provoque du désordre et une grande souffrance, mais cela ne peut empêcher le déroulement de la mission de paix du pape», a-t-il ajouté, à propos d'un déplacement dont le logo choisi est «Le pape de la paix dans l'Egypte de la paix». Les deux attentats constituent «une attaque au dialogue, à la paix» et aussi «un message indirect à qui gouverne le pays, contre la minorité chrétienne qui a trouvé d'une certaine manière plus de liberté ces derniers temps», a estimé Mgr Becciu, qui se rendra aussi en Egypte à la fin du mois.Le pape François se rendra au Caire pour dialoguer en particulier avec le grand imam de la mosquée d'Al Azhar, cheikh Ahmed Al Tayeb, l'un des plus grands représentants de l'islam sunnite. «Le dialogue islamo-chrétien a besoin de cette normalisation des relations entre le Saint-Siège et l'Université Al Azhar», a estimé pour sa part le cardinal français Jean-Louis Tauran, infatigable promoteur du dialogue entre l'Eglise et l'islam, lors d'une rencontre lundi avec des journalistes français. «Le mot qui m'est venu en tête, c'est abjection», a-t-il réagi à propos des attentats. «On sombre dans un abîme et il n'y a aucune philosophie, aucune religion qui puisse justifier des choses aussi terribles». Le message du pape visera à dire que «chrétiens et musulmans peuvent vivre ensemble dans la mesure où tous sont des citoyens», a-t-il ajouté. Après les attentats de dimanche, il avait déclaré : «Je prie pour les défunts et les blessés, je suis proche des familles et de l'entière communauté. Que le Seigneur convertisse les cœurs de ceux qui sèment la terreur, la violence et la mort et aussi le cœur de ceux qui fabriquent les armes et en font commerce.»