Atmosphère lourde, morose et inhabituelle, hier, dans les rues de Béjaïa. Comme une appréhension dans l'air. Chômé et payé, le jour du vote a gardé chez elles les foules qui grouillent habituellement dans les rues. «Ce matin, je suis gagné par un sentiment d'angoisse inexpliqué. Vivement la fin du vote», nous dit un confrère dont le bout de l'index garde la couleur de l'encre violette. Il a voté PST. Peur de quoi ? En fin d'après-midi, aucun incident n'a été signalé dans les 1227 bureaux de vote ouverts dans la wilaya. Mais l'on n'ignore pas que, par tradition, la région est prompte aux dérapages. Ce qui se confirmera d'ailleurs. Vers 19h, des grabuges ont émaillé le scrutin dans la ville de Beni Mansour, voisine de Raffour (Bouira), où des jeunes se sont emparés des urnes du seul centre de vote qu'ils ont saccagé. Les faits en sont restés là, sans effet de contagion, bien que les autorités aient décidé de prolonger d'une heure le scrutin dans la commune de Béjaïa. Dans les 335 centres de vote de la wilaya, les électeurs ne se bousculent pas. Ils étaient un peu plus de 82 000 à 17h, soit 15,54% de votants seulement. Le taux définitif de participation n'était toujours pas donné au moment où nous mettions sous presse, mais il risquerait d'être le remake de celui de 2007 (17,79%). Il ne saurait en tout cas atteindre la barre, déjà élevée, des 20%. Au-delà, ce serait peu compréhensible. La tendance à l'abstention s'amorçait avec les premiers taux de participation. A 10h, il était d'à peine 2,35%. Cela n'étonne personne. Jusqu'à 10h, 12 425 personnes avaient voté sur le demi-million d'inscrits (529 506). Les matinaux parmi les votants sont souvent ceux mobilisés par les candidats, ou ceux, militants ou convaincus, qui ont déjà tranché la question de la participation. Aux premières heures de la matinée, c'est à Timezrit qu'on a voté le plus (6,15%), ainsi qu'à Aït Smaïl (5,47%). Et c'est dans ces deux communes que l'on continuera à le faire le plus dans les heures qui ont suivi. Les taux de participation calculés à 17h le montrent. Aït Smaïl passe première (34,32%), suivie par Taskariout (28%), puis Timezrit avec 26,41% et Tinebdar avec 25,68%. Les taux les plus faibles parviennent de Tichy, Feraoun, Ighram, Chemini et Akbou. Jusqu'à la mi-journée, au total, seulement 43 656 votants au compteur, soit 8,24%, moins que ce que l'on a cumulé lors des législatives de 2012 avec 10,81%. Ces législatives sont marquées par des duels et il n'y a pas de doute qu'ils ont alimenté ces taux. Premier duel, celui engagé entre le FFS et ses ex-élus dissidents se trouvant sur la liste indépendante de Hamid Ferhat. Chafaâ Bouiche, meneur de la liste FFS, est de Timezrit. Nacer Abdoun, troisième sur la même liste, est maire d'Aït Smaïl. Deux communes votantes. Le vote régionaliste semble avoir ainsi fonctionné en faveur du FFS. Absentéisme Ouzellaguen, commune de Rachid Beldjoudi, deuxième de la liste de Hamid Ferhat, a voté peu (9,74% à 15h). Deuxième duel : Athmane Maazouz, tête de liste RCD vs Braham Bennadji qui conduit la deuxième liste indépendante dans la wilaya. Tous les deux sont originaires de Tinebdar, où l'on semble avoir intéressé plus de votants qu'ailleurs. Autre duel : Smaïl Mira (MPA) vs Khaled Tazaghart (Front El Moustakbal). Il s'est joué essentiellement à Tazmalt où les votants ont manqué (13,66% à 17h). Souk El Tenine, région des deux listes du RND et Bonne gouvernance, les deux Bouchoucha, 21,08% ont voté jusqu'à 17h. Le RND doit aussi partager une partie de son électorat avec Zina Ikhlef, députée dissidente du parti. Et c'est là un autre duel de ces législatives dont les résultats risquent de décevoir bien de candidats. Le taux avance chichement et la tendance est partie pour faire moins que les 25,11% des dernières législatives. Le désintérêt affiché par une grande partie des électeurs n'est pas nouveau, tout comme l'est l'absentéisme chez les représentants des partis devant surveiller cette élection. Sur les 3416 observateurs prévus dans les centres de vote, et les 11 304 dans les bureaux de vote, 7868 n'ont pas rejoint leurs postes. A Tizi Ouzou, plus de 80% d'inscrits sur le fichier électoral ont boudé les urnes. Le taux de participation donné par les services de la DRAG, à 18h, soit une heure avant la fermeture des centres de vote, était de l'ordre de 14,18% avec 95 777 votants sur 675 479 inscrits. En sillonnant quelques villages de la commune du chef-lieu de wilaya durant la matinée, nous avons remarqué une affluence très timide. Ainsi, à Timizart Loughbar, à 11h, l'unique centre de vote de cette bourgade abrité par l'école primaire Mohamed Koudache, avait enregistré un taux de participation faible, qui s'élève à 4,41%, soit 81 votants, dont une femme, sur les 1836 inscrits. Même topo dans plusieurs autres localités où les citoyens ont tourné le dos au scrutin d'hier. Dans la commune de Yakouren, à 50 kilomètres à l'est de Tizi Ouzou, les représentants du RCD se sont élevés contre le vote des militaires par des procurations qui portent le cachet et la signature du chef de l'unité de l'ANP. Ils ont fermé la RN12, et ce, jusqu'à l'intervention des forces de l'ordre. Puis, des militants de la même formation politique, dont Yassine Aissiouène, tête de liste, ont procédé à la fermeture du centre de vote de l'école Arezki Medrar, au chef-lieu de la commune, qui a été rouvert 30 minutes plus tard. Le RCD a interpellé la Haute instance indépendante de surveillance des élections. La coordinatrice de cette dernière, Lamia Hadri, nous a expliqué qu'«il n'y a pas eu de dépassements. Il y a juste une mauvaise interprétation de la loi qui indique, dans son article 56, que la procuration des militaires peut porter seulement le cachet du chef d'unité», a-t-elle souligné. Notons que l'administration a décidé de prolonger le délai de fermeture des bureaux de vote jusqu'à 20h dans 26 communes. Il s'agit, entre autres, de Beni Douala, Azazga, Tizi Rached, Azeffoun, Ouacifs, Aïn El Hammam, Boghni, Tizi Ouzou, Maâtkas et Draâ Ben Khedda. Il est utile de rappeler que 15 listes, dont quatre d'indépendants et 11 partis politiques, étaient en lice pour prétendre décrocher les 15 sièges de l'APN réservés à la circonscription de Tizi Ouzou.