Devant la situation inextricable de 57 Syriens bloqués entre les deux pays depuis le 17 avril dernier, le royaume revient à la charge en accusant, encore une fois, l'Algérie, par l'intermédiaire de son ministre délégué, chargé des Affaires de la migration, Abdelkrim Benatiq : «Ils ont traversé le territoire algérien sans être interceptés par les autorités de ce pays. La responsabilité revient donc à l'Algérie.» Près d'un mois après leur interception sur le sol chérifien, 57 migrants syriens, hommes, femmes et enfants sont toujours livrés à eux-mêmes dans des conditions inhumaines entre les deux pays. Dans un communiqué, l'Association marocaine des droits de l'homme, section de la région orientale du royaume, alerte l'opinion publique internationale sur l'encerclement de 16 Syriens (1 homme, des femmes et des mineurs) sur les hauteurs du lieudit Taghla, dans la circonscription de Figuig, entre l'Algérie et le Maroc. Le document explique que «depuis le 17 avril, ces migrants encerclés par les forces publiques dans des conditions inhumaines ont été obligés par les autorités chérifiennes de quitter le territoire marocain en direction de l'Algérie». Selon la même source, «un autre groupe de 41 Syriens dont une femme enceinte (qui a accouché entre-temps) et une fillette qui a perdu la vue ont vécu plusieurs jours sans vivres et dans une situation lamentable, dans la cité Baghdad à Figuig, avant d'être contraints manu militari de rentrer en Algérie». La même source a précisé que «les migrants syriens étaient toujours coincés samedi dans un no man's land entre les deux pays, sans accès à de l'eau ou de la nourriture». L'Association marocaine des droits de l'homme exprime son «indignation face à l'humiliation dont sont victimes ces Syriens et demande à l'Etat marocain de respecter ses engagements internationaux concernant la protection des droits des migrants et des demandeurs d'asile…». Pour toute réponse, le Maroc a vite fait d'accuser l'Algérie d'avoir expulsé vers sa frontière 57 Syriens pour, selon le gouvernement marocain, «semer le trouble» sur la frontière et «générer un flux migratoire incontrôlable». Jetant de l'huile sur le feu, le ministère de l'Intérieur marocain a indiqué que ces «Syriens ont été expulsés par l'Algérie dans la zone frontalière maroco-algérienne, près de la ville de Figuig (nord-est) contrairement aux règles de bon voisinage prônées par le Maroc» et d'accuser ouvertement les autorités algériennes qui ont «autorisé les Syriens à atteindre la zone frontalière répartis en plusieurs groupes depuis la nuit du 17 avril, puis les ont encerclés pour les forcer à quitter le territoire algérien». Dans un premier communiqué, le ministère marocain des Affaires étrangères avait indiqué qu'il avait «fait part à l'ambassadeur d'Algérie à Rabat des témoignages et des photos attestant irréfutablement que ces personnes ont traversé le territoire algérien avant de tenter d'accéder au Maroc avec l'assentiment des autorités algériennes». Le 22 avril, Rabat avait de son côté convoqué l'ambassadeur algérien pour lui signifier qu'il était «immoral» de manipuler la détresse morale et physique de ces personnes pour «semer le trouble» à la frontière. En riposte à ces accusations répétées, le ministère algérien des Affaires étrangères avait répliqué, en convoquant l'ambassadeur marocain à Alger, le 23 avril dernier pour lui «signifier un rejet catégorique des graves accusations formulées par les autorités algériennes». L'escalade du gouvernement marocain Bizarrement, les autorités marocaines ont récidivé, vendredi dernier, en jetant l'opprobre sur l'Algérie, par l'intermédiaire de leur ministre délégué chargé des Affaires de la migration, Abdelkrim Banatiq qui précisera : «Ils ont traversé le territoire algérien sans être interceptés par les autorités de ce pays. La responsabilité revient donc à l'Algérie. Or, si on encourage des gens à venir via des frontières fermées, la situation sera incontrôlable, et nous serons menacés des deux côtés.» Jeudi 4 mai, plusieurs associations et organisations des droits de l'homme dont la FIDH ont demandé «l'admission sur leur territoire des enfants et des demandeurs d'asile, soit par les autorités marocaines, soit par les autorités algériennes dans les plus brefs délais et la mise en place d'un dispositif de protection à leur égard». Acculé, le gouvernement marocain a eu cette réponse, le même jour, de la bouche du même ministre chargé de la migration : «Nous avons une politique migratoire, nous avons régularisé la situation de plus de 5000 Syriens. Mais nous n'accepterons jamais que des gens arrivent via des frontières fermées, car si demain il y a un relâchement, tout le monde va être débordé. (…) S'il y a des cas fragiles, des cas de regroupement familial, nous sommes prêts à discuter, à condition qu'ils se présentent via les canaux habituels, à savoir nos ambassades et consulats, soit en Tunisie soit en Turquie.» Il y a six jours, dans un communiqué, Human Rights Watch (HRW) a regretté «alors que les autorités algériennes et marocaines se querellent pour déterminer lequel des deux pays doit accueillir les Syriens, des hommes, des femmes et des enfants sont pris au piège dans une zone désertique près de la frontière» et d'inviter «les deux pays à traiter les demandes d'asile de ces réfugiés et de leur offrir des services appropriés pendant le traitement de leurs dossiers.» Le 15 mars dernier, 34 Syriens se sont retrouvés bloqués dans un no man's land, dans la même situation pendant une dizaine de jours, avant d'être accueillis par l'Algérie et pris totalement en charge…