L'espace des anciennes galeries d'Oran, transformées en Musée d'art moderne, est un lieu d'exposition idéal tel que la ville n'en a jamais eu auparavant. Il abrite depuis dimanche soir la quatrième édition de la Biennale méditerranéenne d'art contemporain. Cette manifestation se tenait habituellement dans les sous-sols de la cathédrale (aujourd'hui bibliothèque régionale), des locaux inadaptés. Le Mamo représente pourtant une chance inouïe pour les initiateurs de l'événement. C'est la première exposition qui se tient dans ces lieux en dehors de celle ayant marqué la date d'inauguration en avril dernier. Cependant, l'éternel problème du manque d'organisation a déteint encore une fois sur le vernissage, qui a eu lieu dans des conditions d'impréparation flagrante. Aux soucis d'une sonorisation défectueuse et agaçante, qui ont fait passer sous silence les discours des uns et des autres, s'ajoute la désorientation, car aucun catalogue ni même un simple dépliant n'a été prévu pour guider les «invités» et les visiteurs dans cette profusion d'œuvres exposées. On l'aura quand même compris, la Biennale porte la marque des drames de l'immigration clandestine. Des sculptures représentant des bateaux élaborés avec du métal rouillé, réalisées par Rahal Lazhar, aux barques renversées peintes par Debladji, ce thème inspire encore les artistes car le phénomène est également vécu localement et depuis des années. De manière générale, y compris dans le domaine de l'abstrait, les artistes algériens restent quand même attachés à des formes d'art conventionnelles, et, pour certains, c'est même l'aspect décoratif qui prime. A titre illustratif, cela fait déjà quelques années qu'un jeune peintre comme Farid Amrar semble refaire la même œuvre et le même thème décliné à l'infini. A ses débuts, comparé à ce qui se pratique localement, son idée d'allier peinture et représentations picturales du patrimoine ancien des villes d'Oran ou d'Alger lui conférait une certaine originalité, mais aujourd'hui il peine à se renouveler. Sinon une artiste comme Siham Salhi de Constantine a préféré participer avec des photographies prises au Mali. Des scènes de vie sur le fleuve Niger qu'elle a captées lors de son séjour à Bamako, mais sous une atmosphère et des éclairages bien particuliers. Les véritables nouveautés viennent de l'étranger, et la Méditerranée en question n'est représentée cette fois que par trois pays. Hormis «les oiseaux» de la Tunisienne Leïla Sehili, il y a les photographies retouchées de l'Espagnole Karina Vagradova. Sa technique consiste à sélectionner des photographies de paysages divers mais prises en mouvement, pour ensuite les retoucher avec de la peinture pour aboutir à cet effet de «surimpression». Mais la vraie nouveauté de la biennale vient de l'artiste française Reyna, qui expose son art éphémère. Il consiste à réaliser de véritables œuvres artistiques sur le sable des plages et de les photographier au fur et à mesure du passage des vagues et donc de leur effacement. Elle introduit de la couleur en utilisant des pigments naturels. Une vidéo la montre en train de réaliser ses performances qu'elle a menées sur plusieurs plages de différents continents. C'est véritablement de l'art pour l'art et Reyna, qui n'en fait qu'à sa tête, ne se soucie pas de la nécessité de plaire. «Je gagne ma vie dans l'enseignement et c'est pour cela que je me sens entièrement libre en me fiant à ma propre imagination», explique cette artiste qui expose «la trace» de ses travaux pour la première fois.