Le registre de voix de la chanteuse lyrique Géraldine Casey est impressionnant et c'est sans doute pour cela que la prestation qu'elle a assurée, notamment au Méridien d'Oran, a été intitulée «L'art de la colorature». «C'est la voix la plus aiguë des sopranos», devait-elle expliquer à un public qui n'a pas l'habitude de ce genre de spectacles, mais qui découvre un pan de la musique classique de l'ère romantique européenne. Géraldine Casey a été accompagnée au piano par Philippe Berbey Lallia pour interpréter, en ouverture, un extrait de l'Orphée aux enfers, composé par Jaques Offenbach (1819-1880). «Une histoire d'amour entre une simple mortelle et un Dieu, Pluton, le seigneur des enfers déguisé en berger, Aristée», explique le pianiste pour mieux situer le contexte. Le compositeur français d'origine allemande est connu pour ses opéras-comiques, mais il s'est aussi intéressé à la mythologie grecque et romaine. Géraldine Casey enchaîne avec Les Filles de Cadix, de Leo Delibes (1836-1891), un autre compositeur français auteur de nombreux opéras, mais qui a, pour ce cas, juste mis en musique un poème d'Alfred de Musset. Une mélodie envoûtante, qui a fait dire à la cantatrice que «ce n'est pas que dans l'opéra qu'on explore le soprano colorature». Géraldine Casey fera plus tard une démonstration de ses capacités vocales avec le même auteur, mais pour un extrait de son opéra intitulé Lakmé. Cette œuvre, dont elle interprétera «L'air des clochettes», est un concentré de l'exotisme colonial avec le sacrifice d'une fille d'un brahmane hindou (Nilakantha), tiraillée entre la fidélité à la tradition et son amour pour un officier de l'armée coloniale. Auparavant, elle devait passer par Mein herr marquis, l'air chanté par le personnage d'Adèle dans l'opérette intitulée la Chauve-souris (Die Fledermaus) du Viennois Johann Straus II (1825-1899). Ce dernier est rendu célèbre notamment pour ses valses, mais plusieurs de ses opéras ont également connu des succès à son époque. Ici, l'intrigue se déroule dans un bal masqué, où une servante, Adèle, a l'occasion de se moquer de la noblesse en se prêtant au jeu d'un marquis qui croit reconnaître sa maîtresse dont elle porte la robe. Mais c'est avec Mozart, le génie autrichien, que l'occasion s'est offerte à la chanteuse parisienne de montrer réellement ce dont elle est capable en interprétant un air de La Reine de la nuit, extrait de La Flûte enchantée. L'œuvre est célèbre, explique-t-elle, parce qu' «elle permet aussi d'explorer toutes les arcanes de la voix soprano». Un exercice difficile, car il faut trouver le juste équilibre entre les registres des plus aigus et ceux qui le sont moins. A côté, la valse de Juliette : Je veux vivre, composée par Gounod (1818-1893), d'après la célèbre pièce Roméo et Juliette, du dramaturge anglais William Shakespeare, paraît comme un simple intermède. Des intermèdes il y en a eu aussi pour le pianiste français d'origine finlandaise qui a interprété en solo Clair de lune de Debussy (1862-1918) mais, surtout, Le Nocturne en do dièse mineur de Chopin. Parmi ces courtes pièces du genre nocturne, les dernières n'ont jamais été interprétées du vivant du célèbre pianiste polonais et c'est pour cela, indique-t-il, qu'on les dénomme les Opus posthumes. Philippe Barbey évoque notamment leur inclusion dans le film Le Pianiste, de Roman Polanski (Palme d'Or au Festival de Cannes en 2002). Une coproduction entre la Pologne, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne célébrant la force de la musique pour impulser un peu d'humanisme dans un contexte de guerre atroce.