Les tentatives visant à pousser les Palestiniens à s'entretuer se poursuivent sans relâche. Dans ce cadre, le Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh, issu du Hamas, a échappé à une tentative d'assassinat lors de son entrée dans la nuit de jeudi à vendredi dans la bande de Ghaza à travers le terminal de Rafah, la seule porte de ce territoire vers le monde extérieur. Les tirs essuyés par le convoi du Premier ministre ont provoqué la mort de l'un de ses gardes du corps, la blessure de son fils Abdel Salam, de son chauffeur et de Ahmad Youssef, son conseiller politique. Les blessés ont été acheminés vers l'hôpital Abou Youssef Al Najar à Rafah, la ville frontalière de l'Egypte. Les tireurs n'ont pas été identifiés bien qu'à son arrivée à son domicile au camp de réfugiés d'Al Chatti à l'ouest de la ville de Ghaza où l'attendaient des centaines de partisans du Hamas, Haniyeh a déclaré que le gouvernement palestinien connaît la partie responsable de cet incident déplorable, avant d'ajouter : « Nous savons comment traiter avec cette partie. » Le mouvement islamiste Hamas dont les divergences avec le mouvement Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas ne font que s'approfondir suite à l'échec des négociations pour la formation d'un gouvernement d'union nationale, a accusé la garde présidentielle chargée de la sécurité du terminal de Rafah de cette tentative d'assassinat. Ces tirs étaient « une tentative planifiée par la Force 17 (la garde présidentielle) pour assassiner le frère Ismaïl Haniyeh. Nous demandons à Mahmoud Abbas de donner des ordres pour retrouver les auteurs des tirs », a déclaré le porte-parole du mouvement islamiste Fawzi Barhoum. Ce grave incident a clôturé une journée pleine de rebondissements et de suspense. Arrivé dans l'après-midi à la frontière égyptienne d'Al Aarish, la ville égyptienne proche de la ville de Rafah que la ligne frontière divise en deux parties, l'une égyptienne et l'autre palestinienne, où son avion avait atterri après un périple de plusieurs jours dans certains pays arabes (Egypte, Syrie, Soudan) en plus de l'Iran, il a été surpris de se voir interdire l'accès aux territoires palestiniens suite à la décision israélienne de fermer le terminal. C'est Amir Peretz, ministre israélien de la Défense, qui a ordonné le bouclage du terminal pour empêcher Haniyeh de faire entrer dans la bande de Ghaza 35 millions de dollars qu'il avait déclaré lors de son arrivée en Egypte. Selon Maria Telleria, porte-parole des observateurs européens chargés de la gestion du terminal frontalier, le Premier ministre de l'Autorité palestinienne a laissé en Egypte ces fonds. La décision israélienne a provoqué la colère de centaines de militants du Hamas, dont des éléments des brigades Ezzedine Al Qassam, la branche armée du mouvement, qui ont investi par la force les salles réservées aux voyageurs. Des échanges de coups de feu ont été enregistrés entre les militants du Hamas et des éléments de la garde présidentielle chargée de la sécurité du terminal faisant plus de 27 blessés parmi les hommes armés et les voyageurs présents à ce moment dans les lieux qui ont été partiellement saccagés. Profitant d'un bref retour au calme, les gardes présidentiels ont repris le contrôle du terminal et les observateurs de l'Union européenne l'ont ouvert, permettant à Ismaïl Haniyeh de passer la frontière. Ce dernier a dû attendre du côté de la frontière égyptienne plus de 8 heures durant lesquelles des tractations entre les autorités égyptiennes et les autorités israéliennes ont abouti à la permission de son passage vers la bande de Ghaza mais sans l'argent qui était en sa possession. Soumis à un embargo international qui empêche tout virement de fonds aux caisses du gouvernement palestinien depuis mars dernier, à plusieurs reprises, des responsables du Hamas ont été contraints d'acheminer dans leurs bagages d'importantes sommes d'argent liquide, ce qui a provoqué plusieurs incidents avec les contrôleurs européens chargés de la gestion du terminal, dans le cadre d'un accord signé entre l'Autorité palestinienne et Israël. Cet accord a été parrainé par les Etats-Unis avant la formation du gouvernement palestinien par le Hamas. Aussi étrange que cela puisse paraître, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne réunis en sommet à Bruxelles ont condamné la prise du terminal frontalier par les militants du Hamas. « Nous déplorons les événements qui ont eu lieu à Rafah », a déclaré le haut représentant de l'UE pour la politique étrangère Javier Solana qui, remarquons-le, s'est dit soulagé que M. Haniyeh ait échoué à faire passer les fonds égyptiens dans la bande de Ghaza, et que les observateurs européens sur place aient pu échapper à la fusillade sains et saufs. La tentative d'assassinat du Premier ministre palestinien que le président Abbas a dénoncé a mis à nu la fragile paix civile dans les territoires. Les deux plus importants mouvements, le Fatah qui contrôle la présidence ainsi que l'organisation de libération de la Palestine et le Hamas qui domine le gouvernement, se rejettent la responsabilité de la dégradation de la situation dans les territoires palestiniens qui approche doucement mais fermement de l'implosion. Seul un miracle pourrait empêcher le sombre scénario de la guerre fratricide tant les positions politiques entre les deux pôles semblent éloignées. Les assassinats de militants des deux côtés se sont poursuivis durant la semaine écoulée. Aucun des meurtres commis dans les territoires palestiniens n'a été formellement et clairement revendiqué par une partie ou une autre, ce qui accentue les risques de voir des éléments à la solde d'Israël, leur véritable et unique ennemi, trouver des conditions adéquates d'agir contre tous. Une guerre fratricide entre Palestiniens est le plus grand souhait de l'Etat hébreu qui ne cesse de travailler à l'accentuation des divisions interpalestiniennes.