La situation dans les territoires, déjà mal engagée, s'est passablement envenimée après des tirs contre la délégation du Premier ministre. De retour à Ghaza après un périple qui l'a conduit dans plusieurs pays arabes et en Iran, le Premier ministre palestinien, issue du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a essuyé jeudi à Rafah (poste frontalier avec l'Egypte) des coups de feu tirés par des inconnus. Tout le monde se confondait hier en conjectures. Y a-t-il eu tentative d'assassinat d'Ismail Haniyeh et pour quel objectif? C'est la version à laquelle s'accroche le Hamas, Ghaza était hier en état de siège avec un déploiement massif des forces du Hamas qui ont occupé les rues de la ville, venant s'ajouter à celles, déjà sur place, des forces de sécurité officielles. La journée de jeudi a été très mouvementée pour le Premier ministre du gouvernement islamiste palestinien, Ismaïl Haniyeh, qui eu quelque problème à rentrer à Ghaza ayant été bloqué de longues heures au terminal de Rafah par l'armée israélienne qui refusa de le laisser entrer au pays avec la somme d'argent (évaluée à quelque 35 millions de dollars) qu'il a récoltée lors de son périple arabe et iranien. Rafah, le seul point de passage entre les territoires palestiniens et l'étranger, est toujours placé sous le contrôle de l'armée israélienne. L'Etat hébreu affirme, en effet, que cet argent ne sert pas à financer l'Autorité palestinienne, mais uniquement le Hamas. Le Premier ministre a donc dû laisser l'argent derrière lui. La somme devrait être rétrocédée à l'Autorité palestinienne, via la Ligue arabe. Des membres du Hamas -qui ont mal pris la manière avec laquelle le chef du gouvernement a été empêché de rentrer au pays avec l'argent récolté- s'en sont pris aux installations du terminal - qu'ils ont plus ou moins détériorés s'en prenant aux forces de sécurité palestiniennes. C'est lors de cet accrochage que des coups de feu auraient été tirés en direction du convoi de M.Haniyeh. Ces tirs étaient-ils un accident -au moment où partisans du Hamas et du Fatah en venaient aux mains- ou une tentative intentionnelle de tuer le chef du gouvernement issu du Hamas? Beaucoup de supputations circulaient hier à Ghaza, mais rien pour le moment ne vient étayer les accusations proférées par le Hamas contre l'un des dirigeants du Fatah, Mohamed Dahlane. «Il s'agit d'une tentative d'assassinat exécutée par des traîtres emmenés par Mohamed Dahlane», a déclaré le porte-parole du Hamas, Ismaïl Radouane, lors d'une conférence de presse à Ghaza. «Mohamed Dahlane porte personnellement la responsabilité de cette tentative d'assassinat», a encore dit le porte-parole. M.Dahlane, ancien ministre chargé de la Sécurité dans le cabinet d'Ahmed Qorei, et ancien responsable des services de renseignement, a fermement rejeté hier les accusations de Hamas et toute implication dans ce qui s'est passé jeudi à Rafah, indiquant: «Je rejette ces allégations» et d'ajouter: «Ces accusations visent à couvrir leurs échecs dans les domaines sécuritaire, politique et écon-omique». M.Dahlane a conclu son propos en estimant que «le Hamas cherche toujours des prétextes pour couvrir ses échecs». En tout état de cause, cette nouvelle affaire, qui vient après la rupture du dialogue entre le président Abbas et le Hamas, n'arrange pas le devenir des territoires palestiniens, plus que jamais plongés dans l'inconnu alors que les confrontations se font de plus en plus violentes comme celle ayant opposé, hier à Ramallah en Cisjordanie, des partisans du Fatah à ceux du Hamas faisant quelque 26 blessés dans les deux camps. Déjà, dimanche dernier le président Abbas avait été amené à ordonner le déploiement des forces de sécurité palestiniennes à Ghaza après la mort de 8 personnes et plus de 130 blessés lors d'affrontements armés, les plus meurtriers entre partisans du Fatah et du Hamas depuis l'entrée en fonction du gouvernement du Hamas en mars. Ghaza est ainsi devenue un volcan pouvant exploser à tout moment. Aussi, «l'incident» de Rafah n'a fait qu'exacerber une situation de plus en plus difficile alors que le chaos semble aujourd'hui maître des lieux dans la bande de Ghaza. De fait, suite aux heurts meurtriers de dimanche, le gouvernement du Hamas a suspendu les activités de l'ensemble de ses ministères et des institutions gouvernementales. La multiplication des postes de décision et surtout celle des forces appelant à assurer la sécurité, ont fait de Ghaza un territoire livré à tous les désordres. Cette situation explosive est parfaitement résumée par un membre des forces de sécurité -qui se sont déployées à Ghaza sur ordre du président Mahmoud Abbas- selon lequel «la situation n'est pas normale. C'est le chaos total. Il y a des tentatives d'enlèvements, des heurts armés, des déploiements du Hamas à Jabaliya (nord) à Ghaza» et le policier d'ajouter: «On ne sait plus qui est responsable de la sécurité dans ce pays: le Hamas, l'Autorité palestinienne, les Qassam, le Fatah?». Telle est la situation qui prévaut dans la bande de Ghaza au moment où l'impasse politique, déjà difficile à surmonter, s'ajoute l'affaire Haniyeh qui risque de compromettre tout accord entre les deux camps et consommer la rupture entre les deux grands partis palestiniens. Aussi, des lendemains plutôt difficiles attendent le président Abbas et le gouvernement du Hamas. Aussi, le discours que doit faire aujourd'hui le président Abbas est-il très attendu, notamment après la rupture des négociations entre les deux parties.