Le président palestinien franchit le Rubicon et veut remettre le compteur à zéro. «J'ai décidé de convoquer des élections présidentielles et législatives anticipées», a déclaré M.Abbas à Ramallah (Cisjordanie), au quartier général de l'Autorité palestinienne. Ce qui était plus ou moins attendu ces derniers jours est ainsi confirmé par Mahmoud Abbas qui, de guerre lasse, en appelle au peuple palestinien pour arbitrer dans le différend qui l'oppose au Hamas. Dans son discours prononcé à la Mouqataâ, siège de l'Autorité palestinienne, M.Abbas a déclaré: «J'ai décidé de m'adresser à notre peuple en raison des souffrances qu'il a endurées ces derniers mois et durant lesquels il a dû supporter l'insupportable.» «Je me devais de parler au peuple car le peuple est le fondement de l'autorité, de la souveraineté et notre référence», a encore dit Abou Mazen, vieux compagnon de route du défunt Yasser Arafat. «La loi fondamentale stipule que le peuple est la source des pouvoirs. Laissons le peuple dire son mot et être l'arbitre», a ajouté le président de l'Autorité palestinienne. «Je vais discuter avec la commission électorale centrale le plus vite possible pour lancer les préparatifs», en vue d'organiser ces élections, a par ailleurs, précisé M.Abbas. Il est vrai que l'impasse politique induite par l'interruption des négociations avec le Hamas -qui contrôle le CLP (Conseil législatif palestinien) et le gouvernement- le chaos sécuritaire, notamment dans la bande de Ghaza, obèrent l'avenir du peuple palestinien et mettent dans le même temps entre parenthèses ce pourquoi ce peuple lutte depuis des décennies: l'indépendance et la création de l'Etat palestinien souverain. De fait, le président palestinien n'avait pas beaucoup de choix devant lui pour dépasser ce blocage. Peu après l'appel de M.Abbas, le Hamas a immédiatement réagi en confirmant par son porte-parole, son rejet d'élections anticipées. «Nous rejetons l'appel du président Abbas à la tenue d'élections anticipées car cela va à l'encontre de la loi fondamentale palestinienne», a déclaré Ismaïl Radouane porte-parole du Hamas. Le Hamas estime, en effet, qu'il doit aller jusqu'au terme de son mandat qui s'achève en 2009. Mais cela est-il possible alors qu'il est évident que le blocage politique actuel, l'anarchie sécuritaire ne plaident guère pour la durée d'une expérience qui a bel et bien échoué. De fait, en remettant en jeu son propre poste présidentiel, M.Abbas veut remettre les compteurs à zéro afin sans doute, de clarifier le jeu politique palestinien par la mise en place d'une équipe cohérente capable de redonner la cohésion qui manque cruellement dans l'espace politique palestinien. Par ailleurs, selon le président de l'Autorité palestinienne, quelque 500 Palestiniens avaient été tués et 4000 autres blessés dans les offensives israéliennes dans la bande de Ghaza depuis l'enlèvement, le 27 juin, d'un soldat israélien, le caporal Gilad Shalit. Mahmoud Abbas a, dans un long discours, exposé la situation politique dans les territoires et les séances de négociations avec le Hamas, qui n'ont finalement pas abouti, contribuant à plonger les territoires dans l'impasse et les mettre au bord de la guerre civile. Répondant, indirectement, à Hamas, le président Abbas a encore dit que le pouvoir dans les territoires palestiniens n'était pas «bicéphale», le gouvernement devant, selon lui, appliquer la politique de la présidence. «Limoger le gouvernement est un droit constitutionnel que je peux exercer quand je veux», a ainsi souligné Mahmoud Abbas qui ajouta: «Ce n'est pas une recette pour une guerre civile comme l'a dit Zahar». Mahmoud Zahar est ministre des Affaires étrangères du gouvernement du Hamas -dirigé par Ismail Haniyeh- selon lequel l'éventualité du «limogeage» du gouvernement ouvrirait la voie à la guerre civile. De son côté un conseiller du Premier ministre issu du Hamas Ismaïl Haniyeh, Ahmed Youssef a affirmé hier que la décision du président Mahmoud Abbas de convoquer des élections anticipées était «un appel à la guerre civile», ajoutant que son mouvement tenterait de «l'éviter». A ce propos, la tension était vive vendredi dans la bande de Ghaza où le Hamas s'est adonné à une démonstration de force après la «tentative», selon ses responsables, d'assassinat du Premier ministre Ismail Haniyeh, jeudi au poste de Rafah. Toutefois, le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, tentant de calmer ses troupes, a appelé, à partir de Damas, ses partisans à la retenue, affirmant que son mouvement ne se laisserait pas «entraîner dans une guerre civile». «J'appelle tous les fils du mouvement et tous ses membres à la retenue, à protéger le sang palestinien, l'unité palestinienne, et à ne pas se laisser attirer dans des attaques et des contre-attaques», a ainsi déclaré M.Mechaal dans un entretien avec la radio du Hamas à Ghaza et de souligner: «Notre combat vise l'occupation (israélienne) et nous ne nous laisserons pas attirer dans une guerre civile». Aussi, la décision du président Abbas, change-t-elle la donne politique et ouvre la voie à une redistribution des cartes. Selon Yasser Abed Rabbo, membre du CE/OLP et conseiller du président Abbas, les élections anticipées pourront avoir lieu d'ici trois mois, indiquant «les élections anticipées auront lieu d'ici trois mois. Toute opposition juridique à ces élections sera examinée conformément aux pouvoirs du président».