Que l'on soit étudiant ou tout simplement un jeune qui cherche sa voie dans la vie, exprimer son engagement suscite quelquefois des attaques injustifiées. Pour Sofiane Bakouri, l'art de la photographie a décuplé ses actions en faveur des réfugiés. Le jeune Sofiane a présenté une série de photographies lors d'une exposition collective organisée par l'ambassade des Etats-Unis à l'occasion de la célébration du «Black History Month». Pourquoi avoir opté pour la photographie après un cursus en génie civil à l'université de Béjaïa, entièrement différent de votre parcours ? J'ai opté pour des études en génie civil à l'université de Béjaïa afin d'accroître mes capacités et faire plaisir à mes parents. Ces derniers ont dû lutter des années pour que je m'intéresse à cette filière. Je suis une personne qui aime se mettre à l'épreuve et enchaîner les expériences. Mes études en génie civil m'ont beaucoup aidé dans mes approches photographiques ainsi que pour les prises de vues. D'ailleurs, c'est à l'université que j'ai découvert cette passion. Par la suite, j'ai pu évoluer avec les rencontres faites ici et là, puis en devenant le président de l'association universitaire «Les amis de la photographie». Cette association a favorisé l'échange entre jeunes artistes grâce aussi aux expositions organisées. Etant autodidacte, je suis arrivé à la photographie par le biais d'un ami qui m'a encouragé à emprunter ce «langage» qui est devenu le mien. Quelquefois, les mots n'ont pas assez de force pour exprimer certaines émotions. J'ai très vite pris conscience que la photographie était le langage par excellence pour transmettre mes idées, sans avoir recours aux mots. De nombreux jeunes s'engagent pour des causes, rares sont ceux qui poursuivent sur le long chemin du militantisme ; à votre avis, pour quelles raisons reculent-ils ? Je pense que les raisons sont simples à définir, car de nos jours le militantisme n'est pas seulement une cause noble, puisque cela attire également des gens aux intentions malhonnêtes à la recherche d'une certaine notoriété. Le militantisme est un long chemin où les vrais acteurs ne verront peut-être jamais le fruit de leurs combats. Ceux qui tentent réellement de faire changer les choses prennent des chemins épineux. S'engager au sein de l'université, c'est une question de conscience. L'envie d'améliorer la qualité de vie au sein des résidences, éradiquer toutes les formes de profits illégaux au détriment des étudiants, faire régner la diversité sous toutes ses formes, autant de causes qui poussent à l'engagement. Pour ma part, les bancs de l'université étaient pour moi le terrain où il fallait démontrer ses valeurs et ses principes. Puisque dans ce même milieu estudiantin il y avait de nombreuses forces qui tiraient chacune dans sa direction, et pas forcément la bonne. L'étudiant est également confronté aux lourdeurs et blocages de la bureaucratie au sein de l'université, mais le plus dur était de voir les meilleurs rejoindre d'autres horizons à cause de la qualité de l'enseignement et l'envie de construire une vie digne dans une Algérie qui s'appauvrit de ses enfants. Vous venez de participer à une exposition collective organisée par l'ambassade des Etats-Unis à l'occasion de la célébration du «Black History Month». Votre série de photographies exprime «Le rêve algérien» des réfugiés. Qu'avez-vous voulu montrer ? C'est mon amie, l'artiste Mounia Lazali, qui a proposé mon travail dans le cadre de la célébration du «Black History Month» organisé par l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, Son Excellence John Desrocher et son épouse Karen. J'ai pu exposer ma série de photographies intitulées «Le Rêve algérien» sur les réfugiés subsahariens en Algérie. Depuis quelques années, j'ai tissé des liens fraternels avec ces réfugiés pour lesquels j'ai été l'un des initiateurs du mouvement qui s'est créé à Béjaïa en compagnie de mon confrère Yanis Adjlia de l'association ADIC. Nous avons apporté de l'aide aux plus démunis et à ceux en quête de terre d'accueil et de pain. Nous leur avons offert nos bras, nos sourires et notre temps. Grâce à cette expérience, j'ai pu connaître ces personnes, les découvrir, comprendre d'où elles venaient, ce qu'elles fuyaient, tout en immortalisant certains visages et situations. Les choses se sont très vite emballées quand les médias internationaux montraient des images de réfugiés quittant certaines ragions dangereuses d'Afrique. On commençait à voir plein d'images d'horreur de ces communautés en détresse, des images négatives, des messages qui outrepassaient la réalité. Ce n'était pas l'image que j'avais de ceux que j'ai connus et c'est là que j'ai compris qu'il faillait les mettre en lumière. Je voulais démontrer que tous les réfugiés et migrants n'aspiraient pas forcément à aller en Europe et aux USA, que certains d'entre eux ont trouvé refuge dans d'autres pays africains, comme l'Algérie. Et qu'ils aspirent à une vie sereine en ayant juste un logement, un travail et des droits. L'invitation de l'ambassade des Etats-Unis était pour moi une opportunité de montrer ces personnes qui subissent la misère du monde à cause de leur couleur de peau ou de leur appartenance ethnique. Ce racisme existe également chez nous, en Algérie, au fin fond du désert où le Noir algérien demeure une marchandise d'échange ou un signe de richesse en guise de servitude à vie, une tradition qui n'a jamais quitté le Sahel depuis la nuit des temps. Mes travaux exprimés dans «Le rêve algérien» montrent l'espoir et le sourire de cette population marginalisée. Quoi de mieux que de sourire face à ces détracteurs et à toutes les personnes qui profitent de la détresse humaine ?