Les murs de Tazmalt auraient pu porter des œuvres d'art de plus si les intentions n'étaient pas portées sur ceux du tribunal, dont les responsables ont empêché que l'on touche à la «sobriété» de l'institution, condamnant les murs à rester nus. Mokrane Chebbi allait y réaliser une belle fresque avec des portraits de Mammeri et Cheikh El Mahdi et une représentation en relief d'un bébé porté par de bonnes mains. Que la justice n'en veuille pas, cela n'inhibe pas une détermination pour qui aucun «mur» n'est un obstacle. On force la renaissance comme celle que symbolise le bébé en ciment blanc placé au bout de la rampe du désormais escalier «du Papillon». L'œuvre est le bébé du génie de Mokrane Chebbi, une véritable force tranquille. Mokrane s'engage avec les siens à faire aboutir un projet d'aménagement d'un espace dans la cité de l'Horloge pour le transformer en un jardin et espace d'art, au lieu du logement que l'on veut y construire pour l'imam. Mokrane a beaucoup gribouillé dans son enfance. Ses premières «toiles», sur les tables de l'école, lui ont valu des litanies de récriminations de son prof. Le plaisir s'est mû en une passion qui se nourrit même dans le surréalisme. Sans se départir de ses pinceaux, il touche au plâtre, à la sculpture sur bois... avant de s'inscrire en 2001 à l'Ecole des beaux-arts d'Azazga. L'Ecole lui rappelle des conditions difficiles, faites de rapports tendus avec la direction et qui le poussent à faire ses bagages. Mokrane Chebbi est un rebelle. Mais Azazga a été aussi une liberté avec le nu artistique, tabou à l'Ecole régionale d'Oran vers laquelle il est parti, et qui l'embrigadait dans l'art musulman. Il claque la porte, rentre chez lui et tombe dans des réflexions d'existentialisme traduites par des œuvres, dont le bébé porté par les deux mains. On lui disait que la sculpture c'est peine perdue, «surtout à Tazmalt». Il a fait d'une représentation d'une huilerie traditionnelle, qui y orne un carrefour, un vrai plaisir pour les yeux. Il a été sollicité pour une fresque et des masques en résine pour la deuxième édition du Festival de la chanson kabyle de Béjaïa. Il contribue, avec un totem, à une exposition d'une artiste au musée des Antiquités d'Alger. Il confectionne trois bustes pour le palais Ahmed Bey de Constantine. Le buste de Saïd Mekbel et celui d'Ibn Khaldoun, à Béjaïa, que le wali, Zitouni, avait ordonné de remplacer, sont de lui. La statue de Saïd Amlikeche, à At Mlikeche, il l'a faite sur un portrait robot. Rien que cela ! Il ressort de l'atelier de Mokrane Chebbi des merveilles insoupçonnables, belles et rebelles.