Alors que des contrebandiers sans scrupules continuent en toute quiétude à provoquer une grave saignée de l'économie nationale, carburant, trafic de produits électroménagers, denrées alimentaires et autres, ce sont les citoyens, qui n'ont aucune relation avec ces pratiques mafieuses, qui continuent à payer les pots cassés. La frontière est devenue au fil du temps une source de richesse, pour les uns, mais une malédiction, pour d'autres. Des commerçants, des éleveurs, des maquignons et autres, qui se disent «fatigués», appellent les ministres des Finances et des Collectivités locales à assouplir ou suspendre une partie de la zone terrestre du rayon des Douanes porté dans la région de Bir El Ater, à plus de 120 km, une distance jugée «trop élargie». En effet, selon l'article 29 du Code des Douanes, toute marchandise réputée de plein droit marchandise de fraude est soumise à la police du rayon des Douanes, lorsqu'elle circule dans la zone terrestre sans être accompagnée d'une autorisation de circuler ou justifiée par la présentation de factures authentiques destinées à un commerçant établi, conformément à la réglementation en vigueur. «Le transport de nos marchandises nous a trop fatigués du fait que notre région est une zone terrestre dont le rayon des Douanes est porté à plus 130 km, alors qu'il ne devrait pas dépasser les 60 kms. Il faut se déplacer dans le bureau de Gourigueur, à 120 km pour avoir une autorisation de circuler, c'est très long. En plus, si nous demandons les factures, les grossistes refusent de nous les délivrer, de peur que le fisc les taxe, on est entre le marteau et l'enclume», s'est indigné un commerçant propriétaire d'un super marché à Bir El Ater. «Parfois nous arrivons la nuit, nous sommes obligés d'attendre jusqu'au lendemain. Ajouté à cela la lenteur dans la délivrance de cette autorisation, parfois nous passons toute la journée», a ajouté son associé. FOURRAGES L'indisponibilité des fourrages, à cause de la faible pluviométrie qui touche depuis une décennie notamment le sud de la wilaya de Tébessa, demeure une problématique pour les habitants des douars avoisinants, les localités de Dermoune et d'Oglat Malha, situés à plus de 30 km de la frontière algéro-tunisienne. Ils n'arrivent pas à acquérir du foin à leur cheptel du fait que le transport de l'aliment de bétail est un produit soumis à une autorisation de circuler douanière. Ils ne savent plus à quelle autorité de la wilaya il faut confier leurs difficultés. Face à cette situation qui décourage les plus hardis, certains éleveurs et maquignons rencontrés samedi dernier au marché à bestiaux de Chéria, tirent derechef la sonnette d'alarme, d'autant qu'ils n'arrivent pas à fournir des fourrages à leur bétail, à cause de l'éloignement du poste douanier, d'une part, et la lenteur des procédures pour leur délivrer une autorisation de circulation par les services des Douanes, d'autre part. Ils sont contraints de se rabattre sur le marché parallèle imposé par des spéculateurs avec des prix qui dépassent l'entendement. Pire, parfois le transport de foin se fait dans la nuit pour fuir tout contrôle où l'insécurité pèse énormément sur eux. «Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on est concernés par ce rayon terrestre, alors que nous habitons à plus de 50km. En plus, les Tunisiens n'ont besoin ni de notre brebis ni de notre foin», a précisé Amar, un fellah de la région de Nabka, à Bir El Ater. ACTIONS En novembre dernier, une cinquantaine de maquignons et d'éleveurs des localités relevant de la région de Bir El Ater sont montés au créneau. Ils ont exprimé leur mécontentement contre certaines mesures douanières jugées par eux «draconiennes» concernant le déplacement des biens animaliers ou l'aliment de leur bétail, en bloquant durant plusieurs heures la route de wilaya reliant Bir El Ater et Chéria, plus précisément devant la direction régionale des Douanes. De nombreux véhicules venus de la daïra de Chéria étaient contraints de rebrousser chemin ou de faire demi-tour. Peu avant, la quasi-totalité de l'activité commerciale dans la ville de Bir El Ater était paralysée à cause de la grève générale de trois jours menée par commerçants de la ville de Bir El Ater pour la suppression définitive du rayon des Douanes. Ce mouvement était rendu réel après la décision prise lors d'une réunion des commerçants avec le bureau de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) de la wilaya de Tébessa, tenue une semaine avant au siège de l'Hôtel de Ville de Bir El Ater. La rencontre avec l'UGCAA était une occasion également pour protester, entre autres, contre la prolifération du marché parallèle, le contrôle jugé «répressif» des services de la direction du commerce des produits en provenance de la Tunisie. Ils menacent de recourir à la grève une deuxième fois cette année si le ministère des Finances continue à faire la sourde oreille. UN DECRET PEUT ANNULER UN AUTRE Nous avons tenté de joindre par téléphone la direction régionale des Douanes algériennes à Tébessa concernant une éventuelle réduction du rayon des Douanes, mais en vain. Mais selon le chargé du contentieux, qui avait déclaré auparavant à une chaîne de la Télévision algérienne privée que lorsque l'intérêt de la population frontalière l'exige, un décret est pris sur proposition du ministre des Finances, annulant son précédent, ajoutant que la direction des Douanes algériennes a soulevé le problème à temps à sa haute chefferie. Dans l'attente d'une réponse, le calvaire continue. Un constat accablant se dégage de jour en jour pour cette frange de la population, qui ne sait plus à quel saint se vouer. Il a eu à signaler qu'une zone terrestre qui s'étend à l'intérieur du littoral maritime ou de la frontière terrestre sur une distance de 30 km à vol d'oiseau. En cas de nécessité, cette distance peut être portée à 60 km pour les wilayas du Nord. La distance terrestre peut être portée à 400 km dans les wilayas de Tindouf, Adrar et Tamanrasset par arrêtés conjoints des ministres chargés des Finances, de l'Intérieur et de la Défense nationale.