La visite de travail à Alger mercredi et jeudi de Xavier Darcos, sera axée essentiellement sur la coopération dans les domaines de l'éducation scolaire, de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des formations de haut niveau. Xavier Darcos coprésidera la première réunion du Haut Conseil scientifique et de la recherche franco-algérien. Il présidera la première réunion du conseil d'administration de l'Ecole supérieure algérienne des affaires. Qu'est-ce que ce partenariat d'exception que la France veut construire avec l'Algérie ? Que recouvrent concrètement ce concept et ce cadre ? De manière concrète, ce partenariat va recouvrir tous les secteurs essentiels tels qu'ils apparaîtront dans le traité d'amitié. Ce que nous préparons aujourd'hui par les visites de ministres, les échanges renforcés, l'accueil successif et réciproque de délégations, c'est ce grand traité qui déterminera des politiques à moyen terme. Ces politiques auront un caractère très concret, puisqu'elles déboucheront sur des investissements, des échanges économiques, sur l'accueil d'étudiants plus nombreux, sur la réinstallation d'un certain nombre de dispositifs de coopération, sur l'ouverture de consulats et de centres culturels et sur une politique scolaire, éducative, universitaire plus soutenue. Il s'agit vraiment de tracer des pistes pragmatiques qui aient des effets sur le développement en Algérie et sur nos relations partenariales. Peut-on mesurer les premiers résultats de cette volonté commune ? Vous avez fait référence aux visites successives de ministres, vous-même serez à Alger mercredi et jeudi... La coopération bilatérale représente 95 millions d'euros par an. Nous avons une feuille de route qui est la Déclaration d'Alger de mars 2003, confortée par les relations personnelles excellentes entre les présidents Bouteflika et Chirac. Nous pouvons effectivement prendre la mesure des premiers résultats comme, par exemple, la réorganisation de nos services consulaires. Nous avons rouvert le consulat général de Annaba, nous ouvrirons l'année prochaine celui d'Oran. Par les réseaux que nous mettons en place, le programme d'échanges a un tour concret. Pour ma part, je privilégie le secteur éducatif, culturel, universitaire. Quelques jours avant moi, la visite de M. de Villepin va permettre de poser les questions de sécurité commune, d'immigration, de visas, de lutte concertée contre le terrorisme. Il y a eu la visite de M. Barnier au mois de juillet dernier qui, lui aussi, a fixé un certain nombre de lignes. Je trouve que les choses vont très vite quand on connaît la relative lenteur des dispositifs diplomatiques bilatéraux. La proximité et la volonté de part et d'autre font que les choses vont très vite. Le programme de travail de votre visite privilégie le secteur de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Est-ce à la demande de la partie algérienne ? Est-ce parce qu'à vos yeux cela constitue un champ prioritaire de la coopération bilatérale ? Il y a trois raisons à cela. La première, c'est que j'avais déjà un regard attentif sur ces questions : lorsque j'étais ministre de l'Enseignement scolaire, je m'étais alors rendu en Algérie pour la création du Haut Conseil universitaire et de recherche franco-algérien. J'avais, à cette occasion, noué des contacts avec la partie algérienne, et je suis heureux de pouvoir poursuivre ce que j'avais commencé. La deuxième raison, c'est que en effet, cela a été souhaité de manière commune dans des discussions au plus haut niveau. La troisième raison est que des circonstances très précises permettent de donner un tour visible à cette coopération. Je vais présider la première réunion du conseil d'administration de l'école supérieure algérienne des affaires. La chambre de commerce et d'industrie de Paris est partenaire de ce projet. L'Algérie se préoccupe de former de nouvelles générations d'entrepreneurs. Je voulais voir fonctionner ce dont j'avais moi-même signé la création, à savoir le Haut Conseil scientifique et de la recherche franco-algérien. Je le coprésiderai. Il s'agit de faire en sorte que les universités algériennes s'ouvrent sur l'extérieur, qu'elles s'intègrent dans la recherche internationale, par des échanges entre nos universités. Tout cela est mûr maintenant, et il faut à tout prix que cela fonctionne, parce que l'Algérie a besoin de cadres qui puissent faire bénéficier leur pays de leurs compétences et de leur expérience. A la faveur de la réunion du comité bilatéral des projets, nous ferons un bilan et nous tracerons des perspectives en matière de coopération éducative et linguistique avec, en particulier, le lancement d'une école doctorale de langue française dotée d'un budget de 6,5 millions d'euros. Nous considérons que l'enjeu de la langue française en Algérie est essentiel, pour l'Algérie bien sûr, mais pour la francophonie aussi. L'Algérie est le deuxième pays francophone au monde, après la France, et il y a là des enjeux considérables. A l'occasion de la réunion du comité des projets, je ne parlerai pas seulement de culture et de politique linguistique : des dossiers sont ouverts sur les réformes économiques, sur l'eau et l'environnement, des questions qui sont centrales. J'ai souhaité, à la suite d'un vœu qu'avait exprimé auprès de moi-même le président Bouteflika, que certains éclairages soient donnés sur la politique de la coopération autour du livre, au sens très large. C'est pourquoi je me fais accompagner du président du syndicat national de l'édition, parce que nous savons que l'Algérie accorde beaucoup d'intérêt à ces questions, et parce que c'est un secteur qui a besoin d'échanges nombreux en termes de droits de traduction, de diffusion. C'est une manière aussi d'affirmer notre intérêt pour la diversité culturelle. Enfin, juste avant que j'arrive en Algérie, je vais ouvrir à Paris (ce lundi, ndlr) les deuxièmes rencontres franco-algériennes de coopération décentralisée. Nous en profiterons pour réactiver autant que possible la coopération décentralisée. Les besoins en matière de formation ont-ils été identifiés ? Quelle expertise la partie française peut-elle apporter pour répondre à ces besoins ? Ce qui semble se dessiner, c'est le besoin en cadres dans le secteur de l'économie productive, des affaires, des hautes technologies, du génie mécanique et du génie électrique. Ce sont les besoins d'un pays qui construit beaucoup, qui a des projets immobiliers, d'infrastructures, d'aménagement considérables. Les formations doivent se mettre en place en fonction des besoins. Ces dernières années, les universités françaises ont accueilli peu d'étudiants algériens. L'accueil va-t-il s'assouplir ou alors va-t-on privilégier la formation sur place, en Algérie ? Il n'y a pas si peu que cela d'étudiants algériens en France, il y en a plus que pour beaucoup d'autres pays (10% de l'ensemble des étudiants étrangers, 2e nationalité après les Marocains). A la rentrée 2003, ils étaient 21 600, soit 60% de plus qu'en 1998. Chaque année, nous accordons 600 bourses aux étudiants algériens. L'Algérie est le premier bénéficiaire en nombre de bourses pour les étudiants étrangers. La France a décidé de faire un effort important pour relancer la politique d'accueil des étudiants, la politique des bourses et, d'une manière générale, la politique de son attractivité universitaire. Pour répondre à votre question, il s'agit, d'une part, d'accueillir autant qu'il est possible d'étudiants dans nos universités qui viennent d'Algérie, parce que toutes les formations n'existent pas encore sur le territoire algérien, de les faire profiter de l'excellence de pôles universitaires européens, pas seulement français, mais le but, évidemment, est de faire en sorte que ces élites reviennent au pays. Nous en avons accueilli beaucoup qui ont fait des études médicales en France, et qui ont tendance à rester en France, parce que les conditions sont meilleures, parce qu'il y a des besoins en médecins. Il serait bien pour l'Algérie qu'ils puissent retourner dans leur pays. C'est vrai aussi dans le domaine des mathématiques, des technologies. Il faut que les générations suivantes viennent dans nos pôles d'excellence avec la ferme intention de perfectionner leurs formations pour, ensuite, se réinstaller dans leur pays. Vous allez vous adresser à des étudiants en médecine. Est-ce fortuit ? Je viens de vous répondre, c'est un vivier important de nos facultés de médecine, nous allons leur, rappeler les besoins en termes de santé dans des pays comme le leur les inviter à se former et à rester au pays autant qu'il est possible. Dans quelques jours sera commémoré le cinquantième anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération de l'Algérie. Vous ne pensez pas que la reconnaissance du fait colonial par la France, de ce qui a pu être commis en son nom pendant cette guerre, pourrait contribuer à renforcer encore davantage les liens franco-algériens ? C'est une discussion qui peut avoir lieu. Elle est, à mon avis, encore prématurée. Les personnes en jeu sont encore là. Il me semble pour l'instant, qu'entrer dans ce projet de reconnaissance, ne rendrait pas service aux deux parties. Cela peut venir un peu plus tard, lorsqu'une génération sera passée. Nous ne voulons pas penser nos relations avec l'Algérie simplement à travers la guerre d'indépendance. Nous ne voudrions pas donner, dans cette période de retour d'amitié, des occasions pour raviver des plaies.