Même tenant un discours politique des plus discursifs, rusant avec lui-même, louvoyant là où il ne le faut pas, le monde arabe tombe sous le coup des exigences de la realpolitik, celles qui voient en lui, et malgré lui, un « ensemble » au sens mathématique du terme. A l'intérieur de cet espace, on a beau se déclarer berbère de haute souche, copte, arabe, syriaque, druze, ou, encore, se tailler une identité d'esprit, aussi petite soit-elle ou grande, on est, en fait, répertorié et classé depuis fort longtemps. C'est que cet « ensemble », avec ses « sous-ensembles », n'est autre que ce qui reste d'une grande civilisation disparue dans les brumes de l'histoire depuis quelque six siècles. Les éléments constituant celle-ci ne sont plus en mesure, apparemment, de jouer le rôle de catalyseur. Ce sont donc vingt-deux pays qui se déclarent unifiés par la géographie, la religion, la langue, l'histoire, et la vision, plus ou moins commune qu'ils ont de l'avenir, alors qu'ils ne cessent de s'éloigner les uns des autres comme autant d'îlots volcaniques fraîchement émergés de l'océan. A la vision endogène, celle qui persiste encore, dans la pratique, à considérer ce même « ensemble » comme étant de petites entités, distinctes les unes des autres, s'oppose une vision exogène, révélant, celle-ci, une toute autre vérité qui, du reste, ne trouve pas grâce auprès de la classe politique arabe, toutes tendances confondues. En effet, cette dernière approche, même si elle n'est pas le fruit direct de la théorie des ensembles, fondée par le mathématicien Georg Cantor, à la fin du XIXe siècle, demeure, néanmoins, judicieuse pour tout ce qui touche au monde arabe. Déjà, le philosophe allemand, Leibniz (1646-1716), en avait tenté l'esquisse, qui, il faut le dire, n'avait rien à voir avec la politique, mais visait cependant, à formuler une loi mathématique spécifique aux grands concepts philosophiques. A sa suite, le mathématicien, Boole, ménageant le terrain pour les travaux de logique, fit valoir, avec bonheur, la relation qui devrait exister naturellement entre les choses de l'esprit et les mathématiques. La politique évoluant depuis a fait que cette même théorie fut reprise par les politiciens et les stratèges à leur compte pour tout ce qui touche, aussi bien au monde arabe, qu'aux autres ensembles sociopolitiques à travers le monde. La leçon, semble-t-il, a été mal apprise dans le monde arabe. Pourtant, des entités économiques, politiques, religieuses et autres n'ont cessé de se faire et de se défaire, au vu et au su de tout le monde, au cours du XXe siècle, plus exactement, depuis la fin de la seconde guerre mondiale qui coïncide avec l'ère des indépendances. Rien n'y fait, le monde arabe, qui, à travers les déclarations de ses dirigeants, se dit soudé, se plaît à afficher, en vérité, un paysage des plus désolants, des plus désunis. Contrairement aux bouleversements sociopolitiques qui se produisent ailleurs, le changement dans le monde arabe arrive à pas feutrés. Ses résultats sont, cependant, trop disparates, voire choquants, pour être l'ouvrage d'un effort concerté entre les entités qui le constituent. Son répertoire sociopolitique demeurant, à peu près, le même, fait, d'ailleurs, son point faible. S'il y avait lieu d'appliquer cette approche à l'Europe, on pourrait dire à cet égard que celle-ci, en dépit d'un grand tapage médiatique, accomplit son unité en sourdine. L'histoire, chez elle, est revue et corrigée, au jour le jour. Là où cet « ensemble », appelé monde arabe, se croit en mesure de relever le défi sans pour autant réunir les moyens de sa politique, l'Europe lui enseigne, indirectement, que son problème capital, à elle, c'est de se mettre bien debout sans prendre appui sur les Etats-Unis d'Amérique, ou, encore, d'éviter les embûches et les entraves que l'Amérique dresse devant elle de temps à autre. L'Europe s'est mise en bons termes avec son histoire récente. Elève assidu au cours d'histoire, elle n'a d'autre choix que de se considérer en « sous-ensembles » compris dans un grand « ensemble », contrairement à ce monde arabe qui s'entête encore à prouver l'existence de la quadrature du cercle.