Président de l'Association des journalistes iraniens, Rajab-Ali Mazroui, également ancien député réformateur, rencontré en marge des travaux de la rencontre régionale (Monde arabe et Iran) organisée par la Fédération internationale des journalistes à Alger, revient sur la situation de la liberté de la presse dans son pays. Quelle est globalement la situation de la presse en Iran ? Malgré le foisonnement des journaux et des magazines en Iran, il reste toujours difficile de traiter de sujets importants et déterminants pour la société et le pays. Et sur le plan politique, la presse n'a tout simplement pas le droit de critiquer le gouvernement. Alors les journalistes apprennent à s'exprimer en fonction de la situation pour éviter l'emprisonnement ou la fermeture du journal. En 2006, 20 journaux ont été fermés par les autorités et un journaliste mis en prison (Shirko Jahani, détenu depuis le 27 novembre 2006). Comment s'organise la censure en Iran ? La loi sur la presse en Iran spécifie des cas de censure bien clairs. En premier lieu, le respect des marajî qui sont les références religieuses, des imams du clergé qui ont leurs propres disciples, ce qui empêche toute critique à leur encontre. La loi interdit également formellement de critiquer les dirigeants politiques ou le gouvernement. Autre ligne rouge, l'Islam : il y a bien des périodiques spécialisés qui traitent de la question religieuse sur le plan idéologique, ou sur le plan du fiqh. Mais les journaux risquent, pour leur part, la fermeture si jamais ils s'aventurent à parler de religion. La dernière ligne rouge est d'actualité, il s'agit de la question du nucléaire iranien. Les autorités disent clairement aux journalistes de ne pas en parler. Dans quelle mesure les blogs permettent aux Iraniens de contourner cette censure ? Il y a relativement moins de problèmes dans ce domaine-là. Bien qu'en 2004, mon propre fils, Hanif, ait été détenu durant deux mois pour avoir animé un blog réformateur qui ne plaisait pas aux autorités. Le gouvernement tente de créer des filtres pour contrôler internet ou en multipliant les mesures administratives (selon Amnesty International, tous les sites Web traitant de l'Iran se seraient trouvés dans l'obligation de s'enregistrer auprès du ministère de la Culture et de l'Orientation islamique dans les deux mois suivants et même des sites internationaux comme Wikipedia, YouTube et Amazon.com sont bloqués). Reste que l'Iran demeure bien placé au niveau mondial au regard du nombre de bloggers (100 000 selon des ONG, et plus de 7,5 millions d'internautes, le taux le plus élevé de connexions à internet au Moyen-Orient après Israël). Quel genre de problèmes rencontre votre syndicat ? Vous avez été, entre autres, interdit de quitter le territoire en 2005... Notre syndicat ne rencontre pas beaucoup de soucis dans le sens où nous ne sommes pas directement confrontés au gouvernement. Notre rôle est de soutenir les journalistes persécutés ainsi que leurs familles. Comment voyez-vous l'état de la presse en Algérie ? Je vois que la liberté de la presse en Algérie est meilleure que dans le reste du monde arabe. Par ailleurs, nous n'avons pas, en Iran, les mêmes standards de lutte : vous évoquez les questions de droits de l'homme par exemple dans votre travail, alors que chez nous, on en est encore à lutter contre les pressions et la censure directe.