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Ali Laïdi. Chercheur en stratégie internationale
Erreur de diagnostic sur le terrorisme
Publié dans El Watan le 15 - 02 - 2007

Selon ce chercheur, le monde n'est pas marqué par un choc des civilisations, mais par un choc des puissances aux soubassements fortement économiques. Il craint pourtant que ce qui, n'existe pas finisse par se cristalliser en réalité.
Pour expliquer les racines du terrorisme, vous ne prenez pas date du 11 septembre 2001 mais la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989 ?
Mon approche ne prétend que rajouter aux travaux antérieurs qui ne semblent faire reposer les racines du terrorisme sur l'Islam. Je ne suis pas d'accord avec cette analyse unicausale. Il y a plusieurs causes, c'est pourquoi je propose une autre manière de voir les choses qui met en relation le terrorisme d'Al Qaîda et le monde tel qu'il évolue depuis le basculement du 9 novembre 1989. Je ne peux pas accepter que le terrorisme islamiste se meuve de manière tout à fait indépendante dans un monde où il ne serait pas connecté avec la mondialisation. Mon travail, c'est de relier la mondialisation au terrorisme. Je le fais d'autant plus facilement que l'on peut observer un croisement entre la création d'Al Qaîda, son évolution avec les grandes dates de la géopolitique internationale depuis une vingtaine d'années.
Quels sont vos arguments et sur quelles données vous fondez-vous pour avancer cette explication ?
Le premier argument repose sur les témoignages des jeunes qui ont effectué des allers-retours dans les camps d'Oussama Ben Laden avant et après 2001. Ensuite, ce sont des rencontres dans des mosquées, devant des mosquées d'un certain nombre de mouvements islamistes. Je me nourrissais de tout ce qui est de l'analyse géopolitique du monde depuis une vingtaine d'années, et enfin de tous les textes produits par la mouvance islamiste sur les raisons de son passage à l'acte terroriste. Quand on lit les premiers textes des Frères musulmans, on se rend bien compte que ce sont des textes nationalistes qui revendiquent l'indépendance et la souveraineté de l'Egypte par rapport aux colons anglais. La religion n'est pas l'objet de la colère. La religion est le vecteur de la contestation, c'est-à-dire qu'on va instrumentaliser la religion à travers une ou deux sourates de manière à entraîner des jeunes dans la lutte terroriste.
Le problème du terrorisme est-il mal posé ? Le diagnostic n'est-il pas exhaustif ?
Je pense qu'on se trompe de diagnostic lorsqu'on reste uniquement sur la religion, lorsqu'on dit que c'est le « choc des civilisations ». Je pense qu'on n'a pas compris l'évolution de ce monde depuis 1979, année de la révolution iranienne qui aurait dû constituer une alarme. Par ailleurs, parmi les chercheurs, notamment français, on n'a jamais accepté, comme champ d'investigation digne d'un terrain, le terrorisme en tant que tel. On a des chercheurs, notamment dans la grande tradition orientaliste française, qui sont très forts sur les problématiques religieuses comme Olivier Roy et Kepel, mais qui n'ont jamais travaillé sur la problématique terroriste. Le 11 septembre arrive, on se retourne vers ceux-ci qui n'arrivent pas à répondre à la demande médiatique. On s'est tourné aussi vers des qaîdologues qui passent uniquement au travers d'un prisme sécuritaire. En 2001, les rédactions se sont retrouvées nues, ne sachant pas quels journalistes étaient à même de traiter ces questions. Personne n'avait de vision transversale sur l'émergence de l'Islam dans la société occidentale. L'Administration américaine, conservatrice, comptait des experts qui avaient des idées nourries bien avant le 11 septembre et qui ont trouvé dans l'événement une occasion d'appliquer leur théorie. Toute leur analyse s'est limitée à l'action terroriste du 11 septembre. On n'a pas essayé de comprendre comment on est arrivé au 11 septembre 2001.
La réflexion s'est-elle arrêtée ou a-t-elle pris un autre chemin ?
Elle a pris un autre chemin, celui du « choc des civilisations ». C'est la nouvelle vision du monde, des questions de sécurité. Francis Fukuyama (professeur d'économie politique internationale à l'université Johns Hopkins de Washington) dit dans Le Monde (édition du 14-15 janvier 2007) que l'on s'est trompé le 11 septembre sur l'analyse des événements. Depuis le départ, on est resté bloqué sur un phénomène qui a été pour la majorité des gens une « surprise stratégique ». Or, le 11 septembre n'était pas une surprise. Il était programmé. Al Qaîda était déjà l'ennemi n°1, il y avait eu des précédents.
Plutôt que « choc des civilisations » vous dites « choc des puissances »...
Je pense que c'est le choc des puissances qui s'exprime de manière plus visible que celui des civilisations. Le choc des puissances, c'est l'affrontement sur le terrain de l'économie, d'où la création du terme de l'hypercompétition qui est à l'image de l'hyperpuissance américaine. Ce choc des puissances sur le terrain économique est le vecteur de modification des sociétés, c'est le choc de la victoire ou pas dans le cadre de la mondialisation, dont toutes les régions du monde ont profité, à l'exception d'une seule, le monde arabe. Les Arabes sont les perdants de la mondialisation. Les ressources intellectuelles et matérielles n'ont pas été mises au service du développement. Aujourd'hui, ils ne peuvent pas jouer le jeu de la mondialisation. Ils n'ont aucune multinationale capable de concurrencer les autres.
Quel est le rapport entre terrorisme et mondialisation ?
Dans la contestation de la mondialisation, il y a d'un côté, l'altermondialisme et, de l'autre, l'ultraviolence des terroristes. Je ne les compare pas, mais les revendications, sont, en valeur absolue les mêmes, c'est-à-dire « laissez-nous vivre le monde tel que nous le voyons, nous, laissez-nous notre usage du monde ». Dans cette échelle de la contestation, la réponse violente des terroristes qui s'appuie de plus en plus sur la réponse de l'altermondialisation, sur des problématiques de souveraineté politique. Ben Laden et Al Qaîda naissent, entre autres, par le refus de la présence de troupes étrangères sur leur sol national. La problématique tchétchène est une problématique de souveraineté, de création d'un Etat autonome, la Bosnie, c'est pareil. Ben Laden lorsqu'il utilise le conflit israélo-palestinien, ce n'est pas pour dire que les Palestiniens doivent être musulmans, c'est pour dire que les Palestiniens doivent avoir un Etat.
Pourquoi et comment peut-on expliquer que le terrorisme se soit bien développé dans les pays musulmans ?
C'est une question que l'on pose beaucoup. Il y a encore un certain nombre d'années, le record des attentats suicide à la bombe était détenu par les Tigres Tamouls et non pas par des musulmans. Ce n'est pas une spécificité arabo-musulmane. Ensuite, la pire des violences n'est pas issue du monde arabo-musulman mais de la Shoah, puisque c'est le crime qu'on dit indicible, donc incompréhensible. Cela veut dire que le crime terroriste n'est pas indicible, donc moins violent. Ceci pour dire que le monde arabo-musulman n'est pas une exception sur ce plan. C'est même le monde occidental qui est assez exceptionnel sur cette question. Dans De la violence en Algérie (Actes Sud), Abderrahmane Moussaoui essaie de comprendre pourquoi on en est venu à une telle violence en Algérie. D'entrée de jeu, il renvoie toutes les thèses biologiques, cliniques, existant au XIXe siècle et il préfère creuser les thèses d'anthropologie politique. A partir du moment où dans ces sociétés, n'existent pas les sas qui permettent de s'exprimer politiquement et pacifiquement, forcément le modèle d'expression devient la violence.
La compréhension du phénomène terroriste n'a-t-elle pas beaucoup souffert d'un certain nombre d'amalgames et de raccourcis ?
Tout vient de l'ambiguïté du rôle attribué à l'Islam. Depuis le 11 septembre, on lui donne le rôle central. C'est-à-dire l'objet de la dispute. Non, ce n'est pas l'objet de la dispute, c'est le vecteur de la contestation. La religion a un rôle, mais pas du tout le rôle central. A partir du moment où dès le 11 septembre on a dit — c'est le principe de la théorie du choc des civilisations — que la civilisation est caractérisée par la religion, la problématique religieuse devient centrale. D'où les dérapages énormes. Dans le schéma de représentation politique et intellectuelle, le terrorisme, c'est l'islam ; l'islam, c'est l'islamisme ; l'islamisme, c'est dans les banlieues…
Selon vous, on a beaucoup réfléchi sur le comment, très peu sur le pourquoi du terrorisme. Arrive-t-on aujourd'hui un peu plus à ce pourquoi ?
On s'est aperçu avec l'échec complet des Américains en Irak que la réponse armée à la violence terroriste a ses limites. La réponse sécuritaire ne peut que s'adresser aux cellules terroristes mais pas à l'ensemble des peuples. Une approche politique pour l'ensemble des peuples de manière à couper le lien entre les cellules terroristes de recrutement et le peuple. Face à l'échec du tout sécuritaire, on se pose des questions.
Va-t-on vers une réelle analyse du phénomène ?
A l'heure d'aujourd'hui, je suis assez pessimiste. Je pense que l'auto-prophétie va se réaliser, c'est-à-dire que ce qu'on craignait et qui n'existait pas, on le craint tellement qu'on l'a construit, et cela va exister. Je ne vois pas d'évolution positive depuis le 11 septembre, mais une cristallisation que je vis personnellement et que je vois vivre dans mon entourage. C'était difficile d'être beur avant 2001. Ça l'est encore plus aujourd'hui, et je vois bien une radicalisation dans mon entourage de plus en plus persuadé qu'aujourd'hui on construit le choc des civilisations et qu'il va falloir se positionner par rapport à cela. Ils se sont sentis stigmatisés encore plus depuis le 11 septembre 2001 à travers cette image de potentiellement terroristes parce qu'arabo-musulmans. Il y a un sentiment de « deux poids, deux mesures », de la manière dont le monde arabo-musulman et l'Islam sont traités, y compris chez des gens qui ne sont pas croyants.
Comment votre ouvrage est reçu ?
J'ai publié trois livres. Celui-ci est rejeté, parce que je suis soupçonné de vouloir excuser les terroristes. Ce qui m'attriste le plus, c'est que des intellectuels de haut rang disent cela. On est dans des clés de compréhension qui se veulent uniques. Tout cela de la part de gens qui étaient les questionneurs, il y a 40 ans. Et aujourd'hui, on me refuse de poser des questions. Ce qui me chagrine le plus, c'est ce refus du débat.
BIO-EXPRESS
Né en 1966 à Nanterre (France), Ali Laïdi est chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) de Paris. Il vient de publier Retour de flamme. Comment la mondialisation a accouché du terrorisme (édition Calmann-Levy). Il est aussi l'auteur du Jihad en Europe (Seuil 2002) et des Secrets de la guerre économique (Seuil, 2004).


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