Disposant d'un cheptel de 50 vaches laitières, la ferme étatique EURL CAZEL, sise à Béjaïa, est un bon exemple de ce que peut être la production laitière en Algérie. Ses 250 000 litres de lait produits chaque année sont vendus exclusivement à Danone pour un prix qui oscille entre 22 et 24 dinars le litre, selon le taux de matières grasses et de protéines qu'il contient. A ce prix, s'ajoutent les 7 dinars de subvention de l'Etat. La ferme produit elle même le fourrage et l'aliment que consomment ses bêtes. De la luzerne, du sorgho et de l'avoine directement cultivés sur les 450 hectares qu'elle exploite. Une surface dont ne disposent pas tous les éleveurs de la région et dont les exploitations se réduisent en général à une demi douzaine de têtes de bétail. Sans surface de pâturage, pas de lait de vache, selon les normes de production. Ces dernières années beaucoup de petits éleveurs ont dû remettre le tablier. Sur le marché, un quintal de semence d'avoine coûte 7500 dinars alors qu'il ne coûtait que 2100 dinars à la coopérative étatique CCLS, chargée de la semence et de légumes secs. L'aliment pour vache laitière coûte 2790 dinars le quintal à l'ONAB, le sorgho est à 12 000 D.A. Le quintal, la luzerne est à 50 000 dinars, alors que la botte de foin, qui ne sert honnêtement que pour la litière, affiche allègrement ses 600 dinars. Même le son de blé dur est à 1860 dinars le quintal à l'ERIAD de Sidi Aïch. Ajoutez à cette cherté des aliments du bétail une sécheresse endémique et vous comprendrez pourquoi M. Lounis, producteur de lait de son état, est en cessation d'activité depuis le mois de mai dernier. " La procédure pour pouvoir bénéficier de subventions est très lourde ", dit-il. Certificat sanitaire, agrément sanitaire, bulletin de naissance, bulletin d'insémination, certificat de gestation dûment signé par le CLIAJ, cahier de charges, canevas de mensurations, c'est tout un tas de paperasses qu'un fellah, souvent analphabète, doit fournir avant de s'aventurer dans une jungle bureaucratique dont il sort rarement indemne. Au marché du bétail, un veau de 15 mois qui faisait 16 millions de centimes l'année passée ne fait plus que 7 millions de ses misérables centimes. Une chute vertigineuse des prix qui ne s'est paradoxalement pas répercutée chez le boucher qui affiche toujours les mêmes prix pour la viande bovine. Il y a une année tout juste, les premières Journées Techniques sur la production laitière, organisées par la direction des services agricoles et la chambre de l'Agriculture de la wilaya, tentaient de recenser les contraintes liées au secteur. Déficit fourrager chronique, alimentation déséquilibrée, taille réduite des troupeaux, organisation à l'état embryonnaire de la profession, agriculteurs non qualifiés ou insuffisamment formés, charges d'exploitation en constante augmentation et faible taux de collecte se situant à près de 10 % de la production de la wilaya. C'est probablement toutes ces contraintes qui font dire une année après à un professionnel du lait comme M. Berkati, le PDG de Candia, qu'il serait judicieux que les pouvoirs publics engagent une réflexion sur la filière lait. Spécialement aujourd'hui que la poudre de lait ne peut plus pallier au déficit chronique de lait de vache produit localement et risque de dynamiter une filière qui dynamise aussi bien le secteur de l'agriculture que de l'industrie.