La ville d'Oran est en passe de devenir un énorme marché à ciel ouvert, à en juger par le nombre incalculable de commerces de toutes sortes qui s'ouvrent dans tous les quartiers. Au point où l'on peut affirmer qu'il n'existe plus de cités résidentielles dans le sens propre du terme. Certains habitants se sont mis à envier secrètement les cités-dortoirs qui perdent leur sens péjoratif. On peut citer, pour l'exemple seulement, les trois groupes (désormais) d'ex-villas ayant pour noms cités Jourdain, cité St. Georges et cité Grégori, formant les Castors, actuellement Haï Chouhada. On ne trouve presque plus de villa réservée exclusivement à l'habitation. Les murs des façades d'où dépassaient des rosiers et des lierres ont laissé place aux portails et rideaux métalliques des magasins et dépôts de stockage de marchandises diverses. Le calme d'antan n'est plus qu'un lointain souvenir, à cause des camions de gros tonnages qui viennent dans un brouhaha monstre décharger leurs cargaisons en nocturne, de préférence, pour la discrétion... Le jour, la relève du tintamarre est assurée par une nuée de fourgons et fourgonnettes des détaillants qui viennent s'approvisionner en produits alimentaires. Un véritable ballet tonitruant que viennent renforcer les tacots utilisés pour le colportage d'eau « douce », qui utilisent une large gamme de trompettes assourdissantes pour signaler leur passage aux clients potentiels. Un vrai cirque d'où le paisible citoyen ne tire aucun plaisir, bien au contraire. Tirer profit de la situation Aux alentours, entre les Castors, Delmonte et St. Eugène, on pourrait dénombrer la plus grande concentration de magasins de pièces détachées automobiles d'Algérie. Sans compter les grossistes en denrées alimentaires, les réparateurs de tout et de rien. Un véritable souk, avec toute la péjoration qu'il mérite. Ceci, au détriment bien sûr de la tranquillité qui est due aux habitants de ces quartiers qui n'ont pas souhaité transformer le rez-de-chaussée de leur maison en commerce. Certains n'ont tout de même pas tenu longtemps à leurs principes. Dérangés pour dérangés, autant tirer profit de la situation et se donner une raison de subir les inconvénients de la situation en louant leur garage à leur tour et s'assurer la recette d'un loyer substantiel. C'est ainsi que se perd la tranquillité, c'est ainsi qu'on assiste, impuissants, à la disparition inexorable des cités résidentielles de jadis. Pourtant, certains affirment qu'il existe des lois pour protéger le citoyen et lui assurer la quiétude à laquelle il a droit. La création d'un commerce est sujette à une autorisation délivrée après étude et enquête auprès des riverains, pour déterminer les inconvénients que pourrait présenter l'activité demandée pour l'environnement. Ce n'est guère le cas semble-t-il.