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Le Venezuela, une voie originale décomplexée
Voyage au pays de Hugo Chavez
Publié dans El Watan le 02 - 12 - 2008

Je rêvais d'aller au Venezuela, j'y suis. Caracas est une ville « brutale » et sa brutalité architecturale exprime parfaitement la violence de la lutte de classes et des enjeux que la révolution bolivarienne porte en elle.
Venezuela. Envoyé spécial
Sa dureté se lit dans sa structure urbaine : d'immenses tours, des banques et des bâtiments commerciaux pour la plupart, construits dans le style des années cinquante et posés comme les pièces d'un puzzle dans les vallons encaissés comme ceux de Frais vallon ou du Ravin de la Femme Sauvage à Alger. C'est la nouvelle ville du capitalisme pétrolier qui a enrichi pendant des décennies une bourgeoisie locale asservie à Exxon, Total, etc., mais sans merci pour l'immense majorité du peuple, formé principalement d'Indiens et de déclassés des premières vagues de conquérants hispaniques. Ceux-là vivent sur les collines environnantes, dans des maisons construites en briques rouges et organisées en forme de hameaux ; la plupart sont illicites, sauvages et ne disposent pas d'eau ni d'électricité, de routes, d'écoles, de dispensaires.
Ce sont eux que le nouveau régime politique veut mobiliser pour affronter les autres, les dominants. Ceux-là, soutenus activement par les multinationales du pétrole et la Colombie frontalière, sont toujours en « état de veille », guettant la moindre occasion pour se défaire de l'encombrant Chavez et son équipe. Ils vivent sur d'autres flancs de collines, que j'ai la chance de visiter grâce à l'amabilité d'amis libanais installés ici de longue date ; l'un d'entre eux est député. Ce sont les quartiers résidentiels auprès desquels nos fameux Hydra, Le Paradou ou El Mouradia ne sont qu'une bien pâle copie. Ici tout est luxe, calme et « sécurité » qui se mesure aux barrières électroniques ouvrant ou fermant un chemin balisé, aux rondes incessantes de vigiles armés, aux caméras qui guettent le moindre geste.
L'écart entre les Barrios (les bidonvilles) des pauvres et les résidences des riches est incommensurable ; un « apartheid » qui ne dit pas son nom et qui se règle dans la violence. Les enfants de l'ami libanais m'ont dit qu'ils préféraient Beyrouth qu'ils visitaient chaque année parce qu'au moins, dans cette ville, ils pouvaient sortir seuls dans le quartier pour s'amuser avec leurs camarades ou manger une glace ! Ici, il n'en estpas question. Il ne fait pas bon, non plus, s'aventurer dans les rues de la basse ville, le soir tombé ; Caracas est parmi les cinq villes les plus dangereuses du monde, au point que l'Etat a mis en place un système de surveillance par hélicoptères qui survolent continuellement les quartiers les plus dangereux. On m'a dit que des paras militaires en civil, venus de Colombie, rackettaient les passants avec la complicité de policiers locaux.
Le matin, des embouteillages gigantesques asphyxient la ville malgré les nombreuses « autoroutes » qui la traversent, la défigurent et en font une monstrueuse gare routière polluée et inhospitalière. Un métro récent, des lignes régulières de bus ne parviennent pas à absorber les centaines de milliers d'habitants qui descendent chaque jour dans les quartiers de la capitale. Seul le centre historique de la ville, qui date du XIXe siècle, ressemble encore à une cité avec ses magasins, ses badauds, ses cafés et ses bars. Mais il a rétréci et s'est appauvri au fur et à mesure que « le vallon affairiste » s'élargissait ; il est devenu une curiosité que les touristes aiment à visiter. C'est, en comparaison, l'ancien et agréable quartier de Bab Azzoun débouchant sur la place des Martyrs, aujourd'hui abandonné au secteur informel et aux stations d'autobus.
Quel curieux destin que celui des villes, ces êtres collectifs si sensibles au temps social qui les porte et les façonne comme pour en faire les miroirs de son long cours ; avec Caracas, j'avais devant moi l'histoire de ce pays et je ne pouvais m'empêcher de la comparer à celle d'Alger, du Caire, de Dakar, de Beyrouth, etc. J'avoue que je ne m'attendais pas à ces images qui adoucissaient malgré tout l'amertume que produisait en moi le spectacle d'Alger, d'Oran, de Constantine, de Skikda et d'autres villes encore, avec leurs malformations accumulées depuis les années de ma jeunesse. Mais mon étonnement n'était pas fini. J'appris, durant cette courte et très riche semaine, que le régime de Chavez était réellement une démocratie, au sens fort du terme. Mais qu'est-ce qu'une démocratie au sens fort du terme ? Un système politique qui repose sur le pouvoir de la majorité qui l'a désigné. Et encore ? Un pouvoir qui préfère la marche lente mais solidement accrochée au sol et ses aspérités à l'allure bien plus rapide du lièvre, mais aussi bien plus désordonnée et plus incertaine quant au but à atteindre. Comment ? Souvent, les pouvoirs veulent aller vite, gouverner par ordonnance par exemple, mais c'est déjà le début de la dictature !
Qui réagira comme un boomerang à la fin du règne ! Alors, adieu aux acquis de ces nombreuses révolutions de nos régions vite abandonnées après le départ de leur ordonnateur parce que vite octroyées, sans solide enracinement dans la volonté populaire. L'expérience que j'observe ici est singulière : l'action politique, même assise sur une majorité statistique, doit être mise à l'épreuve de la réalité de cette majorité, de sa consistance politique. Changer légalement l'ordre social est le meilleur test pour s'assurer que cette majorité n'est pas volatile. Alors, peut-être ce qui a été acquis de cette manière sera irréversible, en tout cas plus durable, certainement plus difficile à détruire. Le diktat est lièvre, légitime tout au plus dans l'urgence que commande une guerre ou une grave crise ; la loi, plus exigeante, est lente comme une tortue mais plus tenace sur le long parcours. Quelle que soit son importance (constituante ou constitutionnelle, législative ou réglementaire), elle demande du temps : celui de la concertation préparatoire, de la discussion et de la votation représentative, parfois même de la voie référendaire.
C'est en quelque sorte une bataille qui peut mobiliser plus ou moins de temps, des armes légères ou lourdes selon l'objectif à atteindre, mais ici c'est une bataille pacifique et les armes sont celles de la persuasion ! Comme nous le dira plus tard Hugo Chavez lui-même, c'est comme cela que « la tortue peut devenir tigre ». On parle beaucoup, actuellement, de « développement durable » ; on devrait, ici, dans nos pays du Sud, s'intéresser à la notion de « système politique durable » et évaluer sa durabilité à l'aune de son caractère démocratique. Souvent, en effet, dans cette région du monde, les expériences politiques, notamment celles du « développement », ont légitimé leur action par sa finalité, ses objectifs : les buts à atteindre, par exemple « le bien du peuple », justifiant les moyens à utiliser. Alors, pour avancer plus vite dans l'atteinte de l'objectif, on ne s'encombre pas de consultations interminables des élus, de la participation des principaux concernés, les simples citoyens que l'on considère comme « acquis » a priori à cette politique, puisqu'ils en sont les principaux bénéficiaires ; d'ailleurs, trop ignorants pour en comprendre les enjeux, les informer demanderait trop de temps et ralentirait l'action.
Alors, progressivement, cette politique « populaire » perd sa dimension politique, c'est-à-dire son enracinement dans la société et ses contrôles (parlements, élus et représentants locaux, associations, etc.) pour s'enfermer dans les appareils de l'Etat. Celui-ci n'est plus alors qu'un lieu bureaucratique et technique isolé de la population ; ce qui se manifeste au plan institutionnel par un déséquilibre profond des appareils d'exécution au détriment de ceux, proprement politiques, chargés de le contrôler. Le projet politique, populaire par ses finalités, est devenu « populiste » par les moyens utilisés. Et comme un château imposant mais reposant sur des fondations légères, l'édifice s'écroule rapidement avec le départ de ses architectes. Les objectifs, même clairement affirmés d'une politique, ne suffisent pas à la légitimer ; c'est dans sa démarche, les moyens politiques utilisés, c'est-à-dire la consultation permanente des gens et de leurs représentants qu'elle devient réellement une « politique ». C'est cette démarche que j'ai perçue dans la révolution bolivarienne en cours et qui lui donne un « style » propre : une forte mobilisation des simples gens qui m'a ramené à mes souvenirs des années de l'indépendance, mais doublée ici d'une pratique très moderne de l'action politique fondée sur l'implication de tous dans la conduite des affaires de la cité.
La vie politique
D'emblée, elle m'a paru plus simple à comprendre qu'en Algérie, en tout cas du point de vue des forces intérieures en présence. Au Venezuela, une minorité qui a régné des décennies à l'ombre des USA fait face à une grande majorité enfin « mobilisée » par le nouveau régime ; la topologie du « bloc contre bloc » est relativement close ; le positionnement par rapport à l'un ou l'autre aussi. Rien de comparable avec la situation algérienne : ici, l'opacité du système politique est relayée par la fragmentation des forces et des intérêts, la multiplicité et l'extrême instabilité des acteurs impliqués dans un jeu politique qui a fini, à l'inverse, par « démobiliser » les simples citoyens de la chose publique.
Relatons quelques événements exemplaires. Après avoir tenté et échoué un coup d'Etat en 1992 (comme le lièvre de notre exemple), le commandant Chavez, libéré en 1994, inscrit définitivement son action dans la défense des classes populaires mais cette fois-ci par les moyens de la lutte politique. Elu finalement en 1999 mais ne pouvant mener à bien son programme de changement dans le cadre de l'ancienne Constitution, il décide un référendum sous supervision internationale qui lui permet de former une nouvelle assemblée constituante de laquelle sortira la cinquième République, dite « République bolivarienne du Venezuela ». Sa politique devient légalement possible ; ses ennemis caractérisent alors le nouveau régime de « démocratie absolutiste » mais ne peuvent pas en changer le cours, sauf par la violence.
C'est ce qui arrive deux ans après sa réélection, en 2000 ; une partie de l'armée tente un coup d'Etat et l'emprisonne en avril 2002. Le président de la chambre de commerce et chef de file de l'oligarchie du pays forme un nouveau gouvernement… mais qui durera deux jours. Des millions de Vénézuéliens s'étaient dirigés vers le palais présidentiel pour le libérer ; ils brandissaient comme simple arme la Constitution ! En fait, à l'image de Luther qui avait traduit la Bible en allemand pour que tous les Allemands puissent la lire et échapper à la propagande du Vatican, la nouvelle Constitution du Venezuela avait été publiée à des millions d'exemplaires et expliquée aux gens du peuple. Les Vénézuéliens, dont le pourcentage d'alphabétisation est le plus élevé d'Amérique du sud (près de 100%) peuvent aujourd'hui la lire et l'utiliser comme moyen de défense pacifique de leurs intérêts ; dans les affaires courantes de la vie quotidienne, le droit du travail, la sécurité sociale, la scolarisation, etc. mais aussi dans les grands événements politiques comme lors de cette tentative de putsch.
C'est ce « patriotisme constitutionnel », pour parler comme Habermas, qui permet aujourd'hui au pouvoir de maintenir sa légitimité sans user des moyens de la violence malgré l'importance des enjeux en cours. La tortue est devenue tigre parce que le peuple, informé de ses droits, n'est plus la multitude misérable du passé mais une volonté collective devenant lentement mais sûrement consciente de sa force, soit « un pouvoir constituant ». En son temps, Machiavel avait averti les Princes : « La meilleure citadelle qui soit, c'est de ne point être haï du peuple. » Autre exemple. En 2004, à l'initiative de l'opposition, un référendum révocatoire, que la nouvelle Constitution permet, a lieu. Chavez, remettant en cause son poste, accepte les règles du jeu et en sort vainqueur avec 58% des suffrages. Mais en 2007, un an après sa réélection à 63% des voix, il soumet à référendum une nouvelle réforme devant supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels et légaliser les pleins pouvoirs en cas de crise. Cette fois-ci, la réforme est rejetée par une courte majorité de 50,7% ; Chavez accepte le verdict du scrutin et reconnaît publiquement sa défaite. Cet échec, assumé, lui vaudra paradoxalement une plus grande légitimité nationale et internationale. La logique du politique est déroutante !
La bataille des médias
Avec la bataille constitutionnelle, c'est le deuxième front de lutte du nouveau régime. Sur les dizaines de quotidiens qui sortent chaque jour dans son pays, le gouvernement de Chavez n'en maîtrise que deux ou trois ; sur la trentaine de chaînes de télévision qui inondent le pays, seules quelques-unes, dont Télé Sur, lui est favorable. Et j'ai vu dans les vitrines des boutiques chics, y compris à l'hôtel où je réside, des figurines en terre qui représentent Chavez en diable, en cochon et j'en passe. Les journalistes des médias de droite l'appellent « le babouin de Caracas » mais ces provocations n'ont pas d'effet. Les seules décisions fortes qui ont été prises concernent le réseau hertzien, qui est maintenant administré par un comité national de régulation (c'est la règle dans les pays occidentaux) et un contrôle plus sévère des institutions étrangères accusées, preuves à l'appui, d'affiliation à des centres de pouvoir américains ou occidentaux comme Reporters sans frontières (notamment ses liens avec Frak Colzon).
C'est que la lutte autour des médias, exacerbés par le harcèlement international d'Ong liées à des think tanks des pays du Centre fonctionnel, « The functionning Core », joue un rôle important dans la vie politique vénézuélienne. Les USA ne sont pas loin, la Colombie est à la frontière, les intérêts économiques et stratégiques sont énormes. Le régime bolivarien est conscient des enjeux importants que la bataille des médias véhicule, mais son action pour la gagner évite la tentation facile de procéder par diktat ; il faut la gagner par la voie démocratique ; se tenir étroitement informé des réalités du champ médiatique, mais aussi impliquer toute la société, notamment ses intellectuels dans l'activité communicationnelle. Pour celui qui a le peuple avec soi, le problème est résolu au moment où il est posé. Et Chavez a le peuple avec lui, c'est sa force et la finalité de sa politique. Mais il sait aussi que cela ne suffit pas, sa majorité électorale doit devenir une majorité active, une majorité politique. Les médias, comme leur nom l'indique, jouent un rôle important dans la transformation de l'une en l'autre.
L'économie
Lors d'une présentation de son plan de développement économique et social, radicalement en faveur des classes populaires, les professeurs de l'université centrale de Caracas, qui animent la session, nous apprennent qu'ils sont une minorité à le soutenir et que cette université, la plus importante du pays, lui est globalement défavorable ! Mais ici, l'autonomie des universités, pour laquelle des générations d'universitaires se sont battus, n'est pas un moindre mot, elle fait partie de la culture politique du pays. Les opposants, parfois de gauche, lui reprochent « son populisme » ; mais il y a aussi les autres, nombreux, qui ont étudié aux USA où le néo-libéralisme règne en maître dans les universités et les centres de recherche.Cependant, le principal enjeu et source des conflits les plus importants reste la nationalisation des richesses du pays : ses terres qui reviennent progressivement à leurs anciens propriétaires, les Indiens et les salariés agricoles qui les travaillent ; mais surtout les hydrocarbures dont les gisements étaient exploités jusqu'à son arrivée au pouvoir par les multinationales sous forme de concessions, ou encore les télécoms, l'électricité, les aciéries et les banques.
Il faut savoir que l'économie du pays était entièrement privatisée, bien plus que celle de beaucoup de pays européens comme la France ou l'Allemagne. L'intervention de l'Etat, décriée par les médias privés, amplifiée, hystérisée même par les grands médias américains et européens, devenait pourtant nécessaire pour un pays riche mais dont les richesses partaient à l'étranger, tandis que la grande majorité de la population, soumise, restait misérable. Aujourd'hui, c'est l'usage de la rente pétrolière qui est en jeu et le découpage judicieux en fonds souverain et en allocations pour le développement social des populations occupe la priorité du gouvernement. Si le premier doit assurer la sécurité financière internationale de l'Etat, le second a pour objectif d'assurer la sécurité économique et sociale de la population. Tout d'abord dans l'éducation et ses trois étages : l'alphabétisation dont le programme d'éradication a reçu les félicitations de l'Unesco ; le programme de poursuite de l'enseignement scolaire qui est mis en œuvre jusque dans les Barrios des villes et les villages de paysans en revalorisant en particulier les langues anciennes ; enfin l'université avec près de 20 000 bourses accordées chaque année aux étudiants défavorisés.
La part de l'éducation dans le PIB est passée de 1,7% en 1993 à 4,3% en 2005. Dans le secteur de la santé, la coopération cubaine est effective : en échange de livraison de pétrole, le gouvernement cubain a installé près de 2000 hôpitaux et centres de soins, envoyé 20 000 médecins qui couvrent tout le pays, en particulier les quartiers et les Barrios populaires. Le meilleur système de santé d'Amérique du Sud est l'un des meilleurs au monde, celui de Cuba est ainsi mis à contribution ; des médecins compétents, un matériel médical de haute technologie permettra d'éradiquer les maladies endémiques comme le paludisme, la fièvre jaune, le sida et d'assurer un suivi et une veille sanitaire de populations que le capitalisme sauvage antérieur avait marginalisées. L'idéal - parviendra-t-il à le réaliser - est d'impliquer les médecins vénézuéliens eux-mêmes, qui sont pour l'instant hésitants ; les salaires seraient trop modiques.
Dans l'alimentaire enfin, qui reste L'un des points les plus délicats de la politique suivie. Comme l'Algérie, le Venezuela, riche en pétrole, est fortement dépendant pour son alimentation. La mise en place, dans l'urgence, d'un réseau de distribution dit MERCAL, pour permettre aux 13 millions de Vénézuéliens (50% de la population) de se ravitailler en dessous des prix de marché, tout en restant ouvert aux autres catégories, a permis de couvrir momentanément les besoins. Mais déjà, des pénuries se font jour, un « marché noir » s'installe pour certains produits, signes annonciateurs des perversions que ce système de distribution porte en lui. L'expérience algérienne des magasins et coopératives socialistes en est un exemple significatif. Dans le domaine de la distribution des biens de large consommation, l'alternative à la régulation par le marché reste à trouver. Mais tout cela, Chavez et ses économistes le savent : comment passer d'une économie de rente à une économie de production reste l'enjeu majeur de son projet de développement. Ici, l'avenir passe par une perspicace politique extérieure, des accords de coopération et un encadrement juridique des fameux IDE, plus consistant ; c'est surtout vers la formation d'un espace économique régional regroupant les pays d'Amérique du Sud et, plus largement, vers un renforcement des rapports Sud-Sud que s'orientent les stratèges du gouvernement .
Bien évidemment, ces actions - d'autres sont annoncées ne plaisent pas aux « intégristes du marché », les idéologues de l'oligarchie locale comme les multinationales et les médias lourds du G8. Pour l'heure, ils se taisent, encore étourdis par la grave crise financière qui a obligé les plus néo-libéraux d'entre eux à revoir leurs copies. Exit Von Hayek et l'enfilade de prix Nobel en économie distribués copieusement ces dernières années. Bush, Sarkozy, Brown et d'autres se remettent aux nationalisations de banques bien plus importantes que celles nationalisées par Chavez. Ironique, ce dernier les a félicités chaleureusement et souhaité leur bienvenue au club du « socialisme ». La brèche ouverte dans « le monde de Davos » par la crise financière actuelle est pain béni pour qui sait et peut l'exploiter. Mais bien avant celle-ci, et sans esprit tacticien, Chavez avait annoncé la couleur, élaboré « sa feuille de route : parmi les éléments qui pourraient définir le socialisme du XXIe siècle, je dirais que la première caractéristique est l'élément moral. Il faut commencer par cela, par la conscience, par l'éthique. Le Che a beaucoup écrit sur la morale socialiste. Quelle que soit la vision du monde que l'on a, il faut nous réapproprier le sens éthique de la vie ». L'économique passe par le politique et celui-ci par l'éthique et ses valeurs, ce qui signifie, ici, « contenir la logique capitaliste du profit, mais aussi éviter la logique bureaucratique du socialisme du XXe siècle passé et ses tragiques dérives ». Socialiste, Chavez ? Populiste, répondent d'autres. Dictateur alors, comme le nomment ses opposants de l'oligarchie, bien obligés de reconnaître qu'il reste dans la légalité constitutionnelle ? Quant à moi, je découvre, en direct, cette expérience qui ouvre, en ouvrant aux autres pays, une voie originale et décomplexée de « dépassement » du capitalisme réellement existant.


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