Chems-Eddine Mohamed Ben Afif-Eddine Slimane Ben Ali dit « Cheb Dharif » est né en Egypte en 661 hégirien de parents algériens originaires d'El Kouma au nord de Tlemcen, au moment où Holako (1) le Tartare envahissait Baghdad et mettait fin au règne du dernier Califat abasside. Dès lors, la vie de Cheb Dharif sera tributaire de ce climat de décadence et de chaos, mais son génie poétique ne s'arrêtera guère devant les difficultés politiques. Au contraire, notre poète essayera de dépasser son siècle par une production poétique, certes triste et mélancolique, mais au ton très universel et largement humain : « Je pousse la porte (2) Et la porte me refoule Je m'accroche aux étoiles Et proteste contre l'infamie de ce monde. » L'amour est aussi sublimé par Cheb Dharif. L'espoir de lendemains meilleurs, l'acharnement pour un monde sans haine et sans injustice et la vision optimiste jalonnent sa poésie : « Devant tant de beauté fugitive On a envie de crier, de pleurer, de mordre De s'ouvrir la gorge Pour éclabousser d'un rouge violent ce tableau irréel Ou seulement à la pensée que dans une heure La pluie, le vent ou la nuit Effacera sans pitié ce mirage incomparable. » Cheb Dharif n'a pas vécu longtemps. Juste 26 ans (d'après le calendrier grégorien) ! Mais sa poésie est comparable à celle des grands poètes de son temps. El-kadi chihab-Eddine Ben-Fadhl-Allah dit de lui et de sa poésie : « Brise caressante (...), rêve d'un sommeil paradisiaque (...), sa poésie est tellement belle et légère, qu'elle donne la tentation d'une boisson aux effets envoûtants. Malgré une vie courte, le poète a marqué son époque. II a su dépasser la conjoncture politique difficile par une poésie de haut niveau : « Ouvre les murs et les portes Echappe à la pesanteur Donne à l'homme l'air de l'infini Et la lumière ruissellera Sur la nuit. » Les poèmes de Cheb Dharif touchent les sentiments humains et élèvent la vie des hommes au-dessus de ce bas-monde, plein d'égoïsme, de traîtrise, de haine et de convoitises sans appels. 1 Le mot holocauste vient de Holako, nom de l'empereur mongol (ou tartare) qui a succédé à Gengis-Khan et qui a brûlé Baghdad, commettant l'un des plus grands génocides de l'histoire de l'humanité. 2 Les extraits de poèmes sont tirés du recueil Diwan Cheb Dharif, ENAG Editions-Collection Anis, Alger 1991.